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Son employeur dit qu’il pue trop!

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Marc Pigeon/ Agence Qmi

2013-05-27 14:15:00

Écarté en raison de son odeur corporelle nauséabonde, un jardinier de la Ville de Montréal tente de faire valoir ses droits devant les tribunaux.

Mustapha Benmammar dit vivre un véritable enfer depuis 7 ans. Crédit photo : Marc Pigeon/Journal de Montréal/Agence QMI
Mustapha Benmammar dit vivre un véritable enfer depuis 7 ans. Crédit photo : Marc Pigeon/Journal de Montréal/Agence QMI
Un jardinier employé à la Ville de Montréal mis à l’écart en raison de son odeur corporelle malodorante mène un combat de tous les instants qui l’a conduit jusque devant la Cour suprême du Canada, dans l’espoir de terminer sa carrière dignement.

Profondément blessé, souffrant d’insomnie, atteint d’un stress situationnel lié à toute cette affaire, Mustapha Benmammar, aujourd’hui âgé de 72 ans, dit vivre un véritable enfer depuis 7 ans.

Bien qu’il ait jusqu’ici perdu tous ses combats, il a logé ces derniers jours une poursuite de 90 000 $ contre la Ville de Montréal, pour atteinte à son honneur, sa dignité et sa réputation.

Même s’il refuse de porter de l’antisudorifique et que, pour lui, une douche par deux ou trois jours soit suffisante, il estime n’avoir aucun problème d’hygiène.

Jacques Provencher, spécialisé en droit du travail au cabinet Le Corre et associés
Jacques Provencher, spécialisé en droit du travail au cabinet Le Corre et associés
«Je ne pue pas», dit-il, convaincu.

Toute l’affaire a débuté en juillet 2006, alors qu’il travaillait à l’arrondissement Ahuntsic/Cartierville.

Pour la première fois depuis son entrée à la Ville en 1991, on lui faisait savoir qu’il sentait mauvais.

«Ce sujet délicat m’a été rapporté presque quotidiennement depuis mon arrivée en poste», indique sa patronne dans son rapport, dont le Journal a obtenu copie.

Cette journée-là, au terme d’une discussion, un collègue lui a offert de lui prêter son antisudorifique et une chemise propre.

Humiliation

Devant la problématique, plusieurs mesures ont été tentées par l’employeur, dit le rapport: rencontre de groupe, mémo au personnel rappelant l’importance d’une bonne hygiène personnelle, faire travailler M. Benmammar avec diverses équipes pour «partager le problème», l’isoler dans des tâches solitaires.

Nicolas Joubert, avocat chez Lavery
Nicolas Joubert, avocat chez Lavery
Secoué, outré, humilié par ces allégations, M. Benmammar est allé consulter un médecin qui a diagnostiqué un stress situationnel et un trouble d’adaptation. On lui a prescrit un congé.

Muni de son billet de médecin, il a rempli une déclaration d’accident de travail et tenté d’être indemnisé par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST). Des procédures qui se sont avérées longues (voir tableau).

Dans une missive envoyée à la Ville en 2008, non seulement son directeur syndical, Martin Forest, larguera M. Benmammar, mais il donnera raison à la Ville.

«Lorsqu’il est venu se plaindre au bureau du syndicat, j’ai moi-même remarqué une forte odeur de transpiration», écrit-il.

M. Benmammar a repris le travail en décembre 2008 en assignation temporaire. Mais six mois plus tard, le scénario se répétait: une collègue jardinière a de nouveau refusé de monter avec lui dans son camion, prétextant son odeur nauséabonde.

Très méchant

Incrédule, il a même questionné d’autres collègues qui lui auraient confirmé que son odeur n’était pas dérangeante, dit-il.

Déprimé, s’estimant victime d’injustice et qualifiant le comportement de sa patronne de «très méchant», M. Benmammar a de nouveau demandé d’être indemnisé par la CSST.

Toutes ses demandes d’indemnisation et contestations réalisées au cours des années ont été rejetées. En fait, ses contestations judiciaires semblent presque devenues le centre de ses préoccupations.

Estimant que tous ses déboires lui ont coûté près d’une centaine de milliers de dollars, il tente aujourd’hui d’obtenir réparation et poursuit (sans avocat) la Ville de Montréal pour 90 000 $.

Délicat pour l’employeur

Rencontrer un employé pour lui dire que son odeur corporelle dérange n’a rien d’agréable pour un employeur. Mais la délicate tâche fait partie des devoirs des patrons.

«C’est un sujet qui rend beaucoup de gens mal à l’aise, convient l’avocat Jacques Provencher, spécialisé en droit du travail au cabinet Le Corre et associés. Ça touche l’amour-propre. On doit le faire avec délicatesse, tact et respect.»

Mais laisser aller le problème risque de s’avérer coûteux, alors que faire face au problème a un double avantage, selon l’avocat Nicolas Joubert, du cabinet Lavery.

«En plus de régler le problème comme tel, on évite qu’il dégénère en comportement vexatoire ou que l’employé soit exclu par les autres.»

Le patron doit d’abord rencontrer l’employé nauséabond et lui exposer le problème qu’il engendre. Puis, il faut identifier si les odeurs proviennent d’un trouble de santé ou d’un manque d’hygiène.

Dans ce dernier cas, comme la Ville l’allègue dans le dossier de M. Benmammar, on doit donner à l’employé les moyens de s’améliorer, dit Isabelle Martin, professeure à l’École des relations industrielles à l’Université de Montréal.

«On doit lui communiquer nos attentes claires, des objectifs, un échéancier», dit-elle.

Les employeurs doivent y aller avec délicatesse et ouverture, puisqu’un danger les guette: une accusation de harcèlement psychologique.


Vexé et humilié

M. Benmammar refuse de croire qu’il a des problèmes d’hygiène. Bien qu’il ne porte pas d’antisudorifique, il répète qu’il est un homme propre.

Rencontré par le Journal ces derniers jours, M. Benmammar affirme d’ailleurs que sa religion lui impose la propreté.

«Vous n’êtes pas un bon musulman si vous n’êtes pas propre, dit-il. La prière ne serait pas valable. À chaque prière, je me lave les mains, les bras, le visage, les cheveux. Plusieurs fois par jour.»

Selon lui, quelqu’un qui fait un travail de bureau peut aisément passer deux à trois jours sans prendre une douche et sans changer de vêtements.

Par contre, un jardinier comme il était doit impérativement prendre une douche quotidiennement, pour se débarrasser de toutes les bactéries. Ce qu’il faisait, dit-il.

Quant à l’antisudorifique, il s’agit d’un agent chimique qu’il n’aime pas porter et qui ne lui est pas nécessaire, croit-il.

Prétexte à l’écarter

«Moi, je ne mets pas de déodorant, dit-il. Je n’ai jamais eu ce problème-là.»

Selon lui, son odeur corporelle est un prétexte qu’une nouvelle patronne a invoqué pour l’écarter, en raison de son âge. (Il avait 67 ans à ce moment.)

Il refusait de prendre sa retraite et souhaitait travailler encore quelques années avant d’accrocher son râteau.

Se faire dire qu’il pue l’a humilié, vexé. Il dit ressentir encore la douleur de ce «harcèlement psychologique». Il a notamment éprouvé des problèmes d’insomnie.

Mais tous les échecs subis devant les tribunaux le heurtent aussi. Il a l’impression que les juges qui l’ont débouté ont mal saisi ses arguments.

Le psychiatre qui l’a examiné à deux reprises estime qu’il est sain d’esprit, quoique sa personnalité présente des traits obsessionnels.

Lors des deux examens, il était «vêtu de façon soignée et ne dégageait aucune odeur corporelle».

Non seulement toute cette affaire a eu des impacts sur lui, sa famille et sa santé, mais la mésaventure lui a coûté cher. Il souhaite maintenant obtenir réparation.


Une longue saga

26 juillet 2007:
Une collègue de travail refuse de travailler avec M. Mustapha Benmammar, indiquant qu’il dégage une odeur corporelle nauséabonde. Sa patronne indique que plusieurs collègues de travail s’en plaignent également.
30 juillet 2007:
Avec un billet de médecin diagnostiquant un stress situationnel et un trouble d’adaptation, il déclare un accident de travail à la Commission de la santé et sécurité du travail (CSST).
29 août 2007:
La CSST refuse de l’indemniser. Il contestera cette décision devant divers tribunaux, lançant ainsi une longue saga judiciaire.
20 décembre 2008:
M. Benmammar revient au boulot en assignation temporaire.
4 juillet 2009:
Un autre incident relatif à son odeur corporelle présumée devient une «rechute, récidive ou aggravation» de son état. Il présente une nouvelle demande d’indemnisation à la CSST, qui sera à son tour rejetée. En révision et en appel, la décision de la CSST demeurera inchangée.
4 novembre 2010:
La juge Ginette Piché, de la Cour supérieure du Québec, rejette la demande de révision relative à l’incident de 2006, ainsi que la réclamation de 250 000 $ en dommages-intérêts et dommages punitifs de M. Benmammar.
7 mars 2011:
La Cour d’appel du Québec refuse d’entendre les arguments de M. Benmammar, qui voulait contester la décision de la juge Piché.
22 septembre 2011:
La Cour suprême du Canada refuse elle aussi de l’entendre, mettant fin aux procédures dans ce dossier.
9 janvier 2013:
La Cour des petites créances rejette la poursuite de M. Benmammar, qui réclamait 7000 $ à l’avocat qui l’avait défendu devant la CLP.
22 avril 2013:
La CLP lui demande de cesser de harceler le tribunal.
7 mai 2013:
Il dépose une poursuite contre la Ville de Montréal, réclamant 90 000 $.
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10 commentaires

  1. Bruno B. est de retour
    Bruno B. est de retour
    il y a 10 ans
    Couscous minute
    Admettons-le, des fois, ça pue.

    • Benmammar mustapha
      Benmammar mustapha
      il y a 10 ans
      Le jardinier concerné
      A la ville de montreal, il y a eu à ma connaissance 2 immigrants (un Français et un tunisien) qui ont quitté jeunes leur emploi à cause des cols bleus qui les accusent de puer.
      Dans mon cas, c'est la nouvelle contremaîtresse et le syndicat qui veulent que je prenne ma retraite. Ils m'accusent de sentir mauvais alors que l'expert de l'employeur declare que c'est faux et alors que je travaille en plein air comme jardinier.
      La CLP a rejeté ma réclamation malgré la loi sur les accidents du travail qui lui impose le dossier médical!

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 10 ans
    Et s'il avait été noir ?
    Il aurait certainement gagné contre son employeur.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 10 ans
      S'il avait été noir...
      son employeur n'aurait pas osé le renvoyer de peur d'être accusé de racisme.

  3. Mtre
    Il faudrait que je relise...
    la Loi sur les droit d'odeur...

    • Benmammar mustapha
      Benmammar mustapha
      il y a 10 ans
      Le jardinier concerné
      J'ai été enseignant à l'université pendant 20 ans.
      je travaille comme jardinier depuis mai 1991, jamais on a entendu parler de quelqu'un accusé de sentir mauvais par la Boss elle-même ....des collègues ont embêté deux immigrants (un Français et un Tunisien)qui ont quitté. (Voir Pierre foglia , lapresse 2fevrier2012
      La nouvelle bosse fait une lettre à tous ses jardiniers le 31 août 2006 qui leur conseille de se laver et d'être polis parce qu'ils l'ont souvent .
      Le 1er août 2007 elle écrit une lettre rare par son mépris des droits de la Personne.....elle me traite de puant et de raciste....mais les juges lui donnent raison puisque je dois payer des dépens de 2500$.

    • Benmammar mustapha
      Benmammar mustapha
      il y a 10 ans
      jardinier concerné
      L'accusation de sentir mauvais est vexatoire dans mon cas parce formulée alors que j'étais le chef d'équipe et surtout au début de l'heure du travail.
      suivez moi bien: la Ville recrute une couturière de mode
      comme boss des jardiniers qui sont des cols bleus.
      Elle n'a pas quitté la soie de modéliste de son magasin puisqu'elle accuse des cols bleus de sentir mauvais....alors que la preuve qu'ils sont chargé du nettoyage des parcs... et la merde de chien ça brûle le nez et la gorge! Elle écrit à tous ses employés le 31 août 2006 qu'ils puent et doivent se laver et elle écrit au syndicat,son complice, que moi je pue le 1er aout2007

  4. Benmammar mustapha
    Benmammar mustapha
    il y a 10 ans
    jardinier concerné
    L'employeur vient de se faire connaître à la commission Charbonneau comme étant une vraie société à Capital illimité!
    Ma boss recrutée en 2003 à partir de son magasin de modéliste
    écrit le 30 août 2006(2 mois apres son installation)aux employés qu'ils doivent se laver et être polis entre eux et mon tour est arrivé le 26 jullet 2007 elle m'arrête avec mon équipe dont je suis le chef pour déclarer que je garde la même chemise et que mon odeur dérange alors que c'est elle qui fume sans relache et je ne suis pas fumeur!
    Le syndicat est son complice puisque j'ai trouvé sa lettre au Syndicat....le 5 juin 2008 le syndicat retire en cachette mon grief et dit qu'il a senti ma mauvaise odeur par écrit!

  5. Bruno B. est de retour
    Bruno B. est de retour
    il y a 10 ans
    On-se-cal-me !
    Eh, oh, Mustapha, on se calme le pompon s'il te plaît. Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire viennent aisément. Bisou.

    • le jardinier concerné
      le jardinier concerné
      il y a 9 ans
      Prescription contraire à l'art.2926.1 C.c.Q
      Sanction prise par la ville et le syndicat des cols bleus regroupés de Montréal :
      Lettre du 3 octobre 2012 déclarant mon dossier de rente après 65 ans versée d’office par l’article 18 du régime de retraite des employés manuels le 1er janvier 2010 comme étant mon départ volontaire à la retraite pendant mon invalidité avec pour conséquences immédiates :
      1er- Demande du syndicat à La Capitale assurance de m’obliger à lui rembourser les prestations allant du 1er janvier 2010 au 3 octobre 2012.
      2ème suppression par la Ville de Montréal depuis 2011 des avantages reliés à la fonction de col bleu titulaire accidenté le 26 juillet 2007.
      3ème.- La CLP dans sa décision N°518305-61-1308 du 17 février 2014 estime que la Ville de Montréal et son syndicat ont raison d’expulser le travailleur du syndicat et de son travail pendant son invalidité en raion de son âge de 70 ans en 2010. 4ème.- La présidente de la CLP refuse au travailleur déclaré par la Cour supérieure plaideur quérulent, la révision de cette décision contraire à la loi anti harcèlement sur les normes du travail, article 122.1
      5ème.- La Cour d’appel du Québec dans son arrêt du 1er mai 2014 N°500-09-023971-138 confirme le jugement de la Cour supérieure du 15 octobre 2013 N°540-17-007935-132 qui condamne le travailleur aux dépens pour cause de prescription de la diffamation de la lettre du 1er août 2007 de l’employeur qui a été portée en grief par le syndicat le 21 août 2007 et alors que l’invalidité prolongée permet un délai de prescription de 10 ans dans l’article 2926.1 C.c.Q
      La CLP a statué à partir des déclarations de l’avocat de la Ville de Montréal que j’ai pris volontairement ma retraite pendant mon invalidité.
      6ème.- La Cour suprême du Canada dans son arrêt du 15 janvier 2014 rejette avec dépens ma demandfe d’autorisation d’appel dans son arrêt 35999.
      7ème .- J’ai compris pendant l’audience de la Cour supérieure que je serai déclaré plaideur quérulent .C’est pourquoi j’avais limité ma requête aux dommages causés par l’employeur par son atteinte à mon intégrité

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