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Loi sur les armes à feu: quels assouplissements?

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Guy Lavergne

2014-08-01 11:15:00

Avocat intervenant devant la Cour suprême dans le dossier sur le registre des armes d’épaules, l’auteur revient sur les changements annoncés à la Loi sur les armes à feu...

Me Guy Lavergne est membre du Barreau du Québec depuis 1988
Me Guy Lavergne est membre du Barreau du Québec depuis 1988
Le 23 juillet 2014, le Ministre fédéral de la sécurité publique annonçait certains changements à la Loi sur les armes à feu. Presqu’aussitôt, des voix alarmistes se sont élevées, tant chez les activistes, dans la classe politique que dans les médias, pour décrier l’initiative du Ministre Blaney. Mais qu’en est-il au juste?

La première mesure proposée vise la fusion des permis de possession simple et des permis de possession et acquisition. Il faut noter que la première classe est un reliquat d’une législation désuète et qu’aucun permis de possession simple n’a été émis depuis plusieurs années.

On évite ainsi à des milliers de personnes de devoir faire une démarche bureaucratique pour modifier leur type de permis et on élimine surtout une distinction que la loi ne reconnaît plus.

La deuxième mesure accorde une période de grâce aux personnes qui omettent de renouveler leur permis à temps. On a tendance à oublier que la Loi sur les armes à feu est une législation de nature criminelle. Un permis est valide pour 5 ans. Un chasseur qui fait défaut de renouveler son permis à temps peut être accusé de possession illégale d’arme à feu, en vertu de l’article 91 du Code criminel, au même titre qu’un criminel s’étant procuré une arme à feu sur le marché noir, à des fins criminelles.

Ce dernier peut toutefois faire face à des accusations en vertu de l’article 92 du Code criminel. Il va sans dire qu’il n’y a aucune commune mesure entre les deux situations et c’est ce que la mesure proposée entend corriger. La personne dont le permis expire ne devient pas un criminel du jour au lendemain. C’est pourtant ainsi que la loi actuelle la traite.

La troisième mesure vise les autorisations de transport, une formalité à laquelle les propriétaires d’armes à feu à autorisation restreinte (essentiellement les armes de poing) sont assujettis.

L’assouplissement vise à éliminer cette contrainte, sans toutefois modifier les règles d’obtention du permis, ni les règles régissant le transport de telles armes. Ces armes devront toujours être verrouillées lors de leur transport, et utilisées uniquement à des champs de tir accrédités.

Comme avant, leur transport ne pourra se faire qu’entre le domicile du détenteur et la destination autorisée par la loi (champ de tir, armurier, etc…). Bref, les règles fondamentales demeurent les mêmes, mais la procédure est simplifiée. Je me demande en quoi la sécurité du public en serait compromise.

Enfin, quant aux mesures touchant les carabines Swiss Arms et CZ 858, il s’agit d’armes qui ont été acquises, alors que la GRC les avaient classées « sans restrictions ». En février 2014, ces carabines ont été reclassées « prohibées » par cette même GRC, qui a alors avisé leurs propriétaires qu’ils devaient les remettre aux forces de l’ordre pour destruction, sans quoi ils s’exposaient à des poursuites criminelles. Aucune compensation financière n’a été offerte aux personnes visées, qui se voyaient ainsi confisquer leur propriété acquise à grands frais.

La GRC prétend que ces carabines peuvent être converties en armes automatiques. En cela, elle devrait appliquer la règle énoncée par la Cour Suprême dans R. c. Hasselwander (1993) 2 R.C.S. 398, à l’effet qu’une arme semi-automatique, qui peut être facilement et rapidement convertie en arme automatique appartient de fait à cette dernière catégorie.

Il est d’ailleurs remarquable que les communiqués en provenance de la GRC parlent de « conversion possible », mais non de « conversion rapide et facile ». On ne fait d’ailleurs état d’aucun cas de conversion. L’amnistie permettra aux propriétaires actuels de ces armes à feu de continuer à s’en servir, mais uniquement pour le tir sportif, sans encourir de poursuites criminelles, et uniquement en attendant que la question sous-jacente soit réglée.

Quant aux autres réformes proposées (limiter les pouvoirs du CAF, etc…), il y aura lieu d’attendre le texte du projet de loi, avant de commenter.

S’il y a lieu de s’inquiéter, c’est peut être de l’hystérie collective qui s’empare de certains médias, des groupes d’activistes et des politiciens, à chaque fois qu’on parle de modifier la législation sur les armes à feu. La désinformation et la peur prennent alors le dessus sur la vérité et la raison.


Me Guy Lavergne est membre du Barreau du Québec depuis 1988. Après avoir commencé sa carrière au sein du cabinet Davies, il a intégré le contentieux juridique de Future Electronics où il a exercé pendant 14 ans. Il pratique actuellement au sein de son propre bureau à Saint-Lazare.

Chasseur et tireur sportif, il s’intéresse aux questions légales touchant les armes à feu. Il représente présentement la Canada’s National Firearms Association devant la Cour Suprême du Canada dans le dossier du registre des armes d’épaule.

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