Fusions et acquisitions

Burger King et l’inversion fiscale

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Daphnée Hacker-b.

2014-08-29 11:15:00

L’acquisition cette semaine de Tim Hortons par Burger King a mis en lumière une stratégie de plus en plus populaire: l’inversion fiscale. Deux avocats-fiscalistes expliquent...

Me Simon Labrecque est associé chez Miller Thomson et expert en fiscalité transactionnelle.
Me Simon Labrecque est associé chez Miller Thomson et expert en fiscalité transactionnelle.
Aux yeux des experts en fiscalité, il n’y pas de doute : la récente transaction survenue entre la chaîne américaine Burger King et la canadienne Tim Hortons a des motivations fiscales. Les sociétés américaines sont de plus en plus nombreuses à utiliser la stratégie de l’inversion fiscale pour diminuer leur fardeau fiscal. Selon le Service de recherche du Congrès américain, pas moins de 50 entreprises ont procédé à une « inversion » au cours des dernières années, se tournant souvent vers le Canada.

« Le taux moyen d’imposition des entreprises est de plus de 35% aux États-Unis, alors qu’il est aujourd’hui d’environ 28% au Canada. Ces quelques points de pourcentage peuvent faire une différence significative pour les grandes sociétés, ça les motivent à s’installer ici », observe Me Simon Labrecque, associé chez Miller Thomson et expert en fiscalité transactionnelle.

Les entreprises cherchent continuellement des façons d’augmenter leurs profits, et dans le cas de sociétés cotées en bourse, la pression est forte pour satisfaire les actionnaires, observe Me John Galambos, spécialisé en droit fiscal des entreprises au cabinet Spiegel Sohmer.

« L’inversion fiscale est une formule attirante… et ça fonctionne, les actions de Burger King et Tim Hortons ont bondi cette semaine », rappelle-t-il.

Quatre choses à savoir sur l’inversion fiscale

Qu’est-ce qu’une « inversion » exactement?

John Galambos est spécialisé en droit fiscal des entreprises au cabinet Spiegel Sohmer.
John Galambos est spécialisé en droit fiscal des entreprises au cabinet Spiegel Sohmer.
L’inversion fiscale consiste pour une entreprise à acheter une société étrangère, à installer son siège social dans le pays d’accueil, et ainsi profiter du taux d’imposition plus bas. C’est en quelque sorte un déménagement fiscal, où l’on transfère le conseil d’administration et la charte corporative afin de se fondre aux règles du pays de résidence.

Pourquoi se lancer dans une telle opération si le taux d’imposition au Canada n’est pas si bas?

Aux États-Unis, les sociétés sont taxées sur tous les profits et revenus qu’elles font, même à l’étranger. « En changeant l’adresse de résidence, l’entreprise est seulement imposée sur les profits et revenus générés sur le territoire américain, explique Me Galambos. En plus, les sociétés réussissent à détourner le fisc américain grâce à une mesure fiscale qui leur permet de “prêter” de l’argent aux établissements encore basés aux États-Unis. Cette grande dépense d’intérêts est alors déductible d’impôts. «C’est un moyen de faire d’énormes économies» ajoute l’avocat.

Est-ce que les grands cabinets trouvent leur compte dans cette situation?

Les transactions “d’inversion” donnent d’excellents mandats tant aux cabinets comptables qu’aux cabinets d’avocats du “Big four”, selon Me Labrecque. «Des dizaines d’avocats sont impliqués dans ces transactions, puisqu’elles ont des conséquences non seulement au niveau fiscal, mais impliquent aussi des aspects corporatifs, de propriété intellectuelle, de droit du travail et bien plus», énumère Me Gambalos.

Le gouvernement américain compte-t-il intervenir?

Les pressions politiques se multiplient sur le président américain Barack Obama pour qu’il mette fin à cet exode fiscal qui fait perdre des milliards à l’État chaque année, analyse Me Galambos. Si Washington a déjà instauré une loi qui interdit les paradis fiscaux dans plusieurs pays des Caraïbes, rien n’empêche les inversions vers le Canada, l’Irlande et le Royaume-Uni.

Dans le climat politique actuel, les changements législatifs sont très loin de se concrétiser, soutient Me Labrecque. «Obama et les démocrates veulent augmenter les restrictions fiscales pour décourager l’inversion, tandis que les républicains, qui sont majoritaires au Congrès, souhaitent diminuer le taux d’imposition pour retenir les sociétés américaines. C’est ce qu’on appelle une impasse», explique-t-il.
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