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«Abolir l’animosité entre confrères»

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Dominique Tardif

2014-10-08 14:15:00

Cette semaine, Me Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec Me Greg Moore, avocat chez Joli-Cœur Lacasse et Bâtonnier de Montréal….

1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir une autre profession? Comment l’idée vous est-elle venue?

J’étais relativement jeune lorsque j’ai décidé de faire mon droit et de devenir avocat. Quand j’avais 10-12 ans, j’écoutais une série américaine du nom de ‘The Paper Chase’ : l’émission suivait des étudiants de droit à Harvard et démontrait bien toute la rigueur requise par la discipline ainsi que l’importance publique du droit. Je me suis donc dirigé vers le programme national de droit à McGill. La première fois que j’ai été à la cour, j’ai su que c’était pour moi et que j’étais dans le bon domaine!

2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?

Me Greg Moore est avocat chez Joli-Cœur Lacasse et Bâtonnier de Montréal
Me Greg Moore est avocat chez Joli-Cœur Lacasse et Bâtonnier de Montréal
Mon plus grand défi, je l’ai vécu lors d’un procès que j’ai fait il y a une dizaine d’années en droit médical. Il s’agissait de la cause Therrien c. Launay, dans laquelle nous représentions une dizaine de médecins. J’ai commencé à travailler sur ce dossier alors qu’il était déjà avancé. Il a donc fallu me mettre à jour, en apprendre sur une maladie assez rare, comprendre la chronologie d’un litige ayant duré cinq ans et généré des milliers de pages de documents médicaux, et ensuite travailler avec un excellent avocat, Robert-Jean Chénier, pour être à la même vitesse que lui et faire du mieux que je pouvais pour le rattraper à chaque fois qu’il partait sur une nouvelle envolée.

La logistique du dossier était considérable : il fallait préparer les témoins, interrogatoires et contre-interrogatoires, gérer entre 20 et 30 témoins ordinaires, etc. Il fallait établir stratégiquement la chronologie de la preuve, l’ordre de présentation des témoins, le temps requis pour chacun des témoignages afin d’éviter de se retrouver avec 50 personnes attendant leur tour, coordonner la médiation qui est survenue, etc.

Ce dossier a constitué pour moi une première grande expérience dans un procès où se retrouvaient plusieurs domaines de droit que je traitais pour la première fois. L’expérience m’a appris que même si quelque chose paraît intimidant à prime abord, c’est en y travaillant petit à petit qu’on peut maîtriser l’affaire dans son ensemble et avoir du succès. Cette cause m’a certainement fait gagner en assurance pour la suite de ma carrière!

3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?

Je crois qu’il existe une animosité souvent non nécessaire et regrettable entre confrères. Je l’explique par la peur que l’on peut peut-être avoir, autrement, de ne pas être perçu comme étant un bon avocat ou de ne pas remplir les expectatives des clients. Ce comportement crée des réactions défensives qui peuvent faire entrave aux bonnes relations, même si nous étions amis avec ces mêmes confrères à la faculté de droit ou au barreau. Pour une raison quelconque, représenter des clients ayant des intérêts opposés fait parfois oublier tout cela: l’allié potentiel devient soudainement un obstacle à la résolution du différend.

Si j’avais une baguette magique, je ferais en sorte que tous aient l’assurance nécessaire pour comprendre que si l’on s’entraide, l’exercice de la profession sera plus enrichissant et plus agréable. Il est primordial de respecter les compétences et habiletés de chacun et se rendre compte que, placés dans la même situation que la partie adverse, nous agirions peut-être de la même façon, sinon moins bien. Il faut aborder les dossiers avec l’esprit ouvert et généreux, ce qui permet de commencer à abolir cette réaction défensive et cette animosité parfois présente entre confrères.

4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?

Je pense que la perception du public est meilleure qu’elle ne l’était. La société d’aujourd’hui est de plus en plus réglementée et le droit joue un rôle beaucoup plus présent dans la vie du public. Je crois qu’on apprécie davantage la valeur-ajoutée de l’avocat. Le point de vue du Barreau est souvent recherché lorsqu’on parle de grands enjeux de société.

L’animosité entre confrères peut parfois rendre l’expérience douloureuse pour un membre du public, mais l’expérience peut aussi être enrichissante quand les choses se passent bien et que les parties, à défaut de s’entendre, se respectent. Je me rappelle d’une médiation à laquelle j’ai pris part et dans laquelle les parties impliquées ne se parlaient plus. Après la médiation, l’une a dit à l’autre : « appelle-moi la prochaine fois que tu passes en ville », preuve que l’expérience peut dans certains cas améliorer les choses!

5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et voulant réussir en pratique privée?

Contrairement aux années passées ou au passé récent, je pense que les jeunes doivent faire beaucoup d’introspection pour identifier ce qu’ils peuvent apporter à leur carrière. Identifier ses talents et ce qui nous distingue des autres pour savoir où ce talent peut être utile est nécessaire. Les jours où un jeune peut commencer sa carrière comme généraliste et être éventuellement « emporté » par sa carrière sont, quant à moi, révolus. Pour réussir, il faut prendre conscience de ses propres talents, de sa propre différence, et savoir comment les mettre en valeur et à contribution. Ce n’est évidemment pas chose facile devant l’ampleur des opportunités que la profession offre et le nombre élevé des spécialités qui existent. Parler avec des amis ou des mentors peut en ce sens nous aider à identifier ce qu’on aime.

En vrac…

Le dernier bon livre qu’il a lu – Sextant, livre écrit par un marin amateur décrivant ses traversées atlantiques et l’invention du sextant. (Auteur : Maya Merrick)

Le dernier bon film qu’il a vu – Capitaine Phillips (réalisateur : Paul Greengrass)

Sa chanson fétiche – I’m alive (Michael Franti)

Son péché mignon – Le chocolat noir mangé en cachette (question d’éviter que son fils ne le prenne en flagrant délit)!

Son restaurant préféré – Le Café Ferreira sur l’heure du lunch (rue Peel)

Le pays qu’il aimerait visiter – L’Afrique du Sud

Le personnage historique qu’il admire le plus – Nelson Mandela, qui a fait preuve de tant de paix et sagesse, et qui avait une vision à long terme pour son pays. Plutôt que d’être rancunier, c’est un personnage de paix qui a su amener la réconciliation. C’est une personne à la simplicité et aux habiletés sans précédent.

S’il n’était pas avocat, il serait…journaliste.

Me Greg Moore, Bâtonnier de Montréal élu pour l’année 2014-2015, pratique chez Joli-Cœur Lacasse en litige civil avec une emphase sur le droit de la propriété intellectuelle. Il représente des clients devant les tribunaux du Québec et la Cour fédérale en matière de brevets, de marques de commerce, des droits d’auteur et des secrets commerciaux. Me Moore les conseille sur la négociation et la rédaction des contrats de licence et sur la commercialisation de leurs innovations.

Diplômé en droit civil et common law de l’Université McGill en 1994 et titulaire d’un baccalauréat en littérature anglaise de l’Université d’Ottawa, Me Moore a été admis au Barreau de l’Ontario en 1997 et au Barreau du Québec en 2002. Il siège sur plusieurs comités du Barreau de Montréal et du Barreau du Québec. Il a organisé des conférences sur la médiation et le droit de la preuve. Il a d’ailleurs été conférencier lors de plusieurs conférences et cours, dont les Développements récents en droit de la propriété intellectuelle 2012. Me Moore est aussi conseiller juridique honorifique auprès de Scouts Canada (Conseil du Québec).
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