Karim Renno

Pas de prétexte

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Karim Renno

2014-11-12 14:15:00

Une partie peut-elle se prévaloir d’un manquement mineur de son cocontractant pour se délier de son engagement ? Me Karim Renno nous répond avec une décision récente...

Le jeune super plaideur Karim Renno
Le jeune super plaideur Karim Renno
Le droit contractuel québécois est fondé sur deux prémisses essentielles : le consensualisme et la bonne foi des parties. Cette bonne foi doit s'appliquer dans toutes les facettes de la relation contractuelle, de la formation à la résiliation (ou la résolution), en passant par l'exécution.

C'est pourquoi, comme le souligne avec beaucoup de justesse l'Honorable juge Gérard Dugré dans Salter c. Wei (2014 QCCS 5145), une partie ne pourra pas se justifier d'un prétexte ou d'un manquement mineur pour se dégager de ses obligations.

Dans cette affaire, le juge Dugré est saisi de l'action en passation de titre de la Demanderesse relativement à un immeuble situé à Montréal et propriété de la Défenderesse.

La Défenderesse conteste cette action au motif que la Demanderesse n'aurait pas accepté à temps un amendement qu'elle désirait effectuer à l'entente entre les parties.

Après analyse de la trame factuelle de l'affaire, le juge Dugré est d'avis que la Défenderesse ne tente que de trouver un prétexte pour ne pas finaliser la vente. Il s'agit selon lui d'un comportement qui ne répond pas aux exigences de la bonne foi, d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'une considération essentielle pour la Défenderesse:

(46) Partant, le tribunal s’explique mal la volte-face de Mme Wei qui refuse de vendre son immeuble au prix convenu sans garantie légale comme elle le voulait. Son refus est, dans les circonstances, teinté de mauvaise foi et, à cet égard, le tribunal fait siens les sages propos du juge Baudouin dans l’arrêt Provenzano c. Babouri, [1991] R.D.I. 450 (C.A.), J.E. 91-822, auxquels souscrit le juge LeBel, tel qu’il était alors :

Par contre, notre droit des contrats est soumis à un autre grand principe qui est le respect de la parole donnée et l'exécution de bonne foi des engagements. Un contractant ne peut refuser de respecter ses obligations en invoquant un simple prétexte ou tenter de se soustraire aux conséquences d'un contrat valablement conclu par de simples arguties.

Le principe mis de l’avant par le juge Dugré me semble être d’une grande importance. Présumant même qu’il puisse exister un défaut contractuel entre deux parties, ce défaut doit avoir une certaine importance pour justifier la répudiation par une partie de ses obligations.

Le législateur reconnaît d’ailleurs expressément ce principe à l’article 1604 C.c.Q. en matière de résolution ou résiliation en précisant que seuls les défauts d’importance peuvent justifier une telle mesure.

Le message aux parties est simple : pas de prétextes.

''Karim Renno est associé dans le cabinet Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l. Il est le fondateur et rédacteur en chef du blogue juridique À bon droit où il publie quotidiennement des billets de jurisprudence.''
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