Renaud Lachance se dit "victime de sa rigueur"
Renaud Lachance
2015-12-14 22:00:00
Voici sa lettre...
Victime de ma rigueur
Dans la préparation des audiences publiques de la Commission d'enquête sur l'industrie de la construction (CEIC), j’ai travaillé étroitement avec les enquêteurs, les analystes et les procureurs pour bien évaluer les propos tenus par les témoins et les interroger lorsque je les jugeais insuffisants ou nébuleux. Mes interventions étaient peu nombreuses mais allaient droit au but et étaient toujours reliées au mandat de la Commission.
Depuis la publication du rapport de la Commission où j’ai exprimé mon désaccord sur l'existence d'un lien indirect entre le versement d’une contribution politique ayant permis l’obtention d’un contrat public, j’entends et je lis des commentaires me concernant d’une grande agressivité, souvent plus grande que celle exprimée envers des témoins qui étaient venus avouer à la Commission avoir participé à la collusion, avoir corrompu ou être corrompus. Pourtant je n’ai fait rien de cela. Certains commentaires avancent aussi que j’ai voulu protéger le gouvernement. Je crois qu’est venu le temps de remettre les pendules à l’heure.
Après avoir fait carrière pendant près de 20 ans dans le monde académique, c’est en juin 2004 que l’Assemblée nationale m’a fait l’honneur de me confier la fonction de Vérificateur général du Québec, poste que j’ai occupé jusqu’à novembre 2011. Cette nomination exige une totale neutralité politique, soit de ne pas être membre d’un parti, ni d’y être associé de quelque façon que ce soit. C’était mon cas et c’est toujours mon cas. Pendant les années où j’ai occupé cette fonction, personne n’a dit que les vérifications que j’ai faites étaient tendres ou peu critiques envers la gestion gouvernementale, bien au contraire. Elles ont mené à des changements importants dans la gestion publique et dans la comptabilité gouvernementale. Aujourd’hui, certains m’accusent d’être à la solde du gouvernement dirigé par le même parti que celui en place pendant toutes les années où j’étais vérificateur général. Quelle hérésie !
En novembre 2011, sans aucune intervention politique, j’ai accepté l’invitation de la Présidente de la CEIC à me joindre à titre de commissaire. J’aimais beaucoup la fonction que j’occupais mais j’ai senti qu’il était de mon devoir d’accepter cette invitation compte tenu de l’importance de son mandat. Un mois auparavant, celui qui allait devenir mon collègue commissaire, le professeur Roderick McDonald de l’Université McGill, d’une grande renommée, avait signé un texte dans un quotidien concernant ce type d’enquête publique. J’avais été frappé par la citation suivante: « Nos commissions ressemblent davantage à des chasses aux sorcières qu'à des enquêtes ayant comme objectifs de renouveler nos politiques publiques: bon spectacle, mauvais résultat! » Sa réputation de sagesse m’apparaissait garante d’un exercice dont le but véritable serait l’amélioration de la gestion publique.
Malheureusement, à cause de la maladie terminale dont il était atteint, notre collègue n’a pas pu nous accompagner longtemps dans nos travaux mais ses pensées et ses réflexions ont toujours été présentes dans mon esprit. Il a été décidé de ne pas le remplacer. Maintenant, je peux dire que ce remplacement aurait changé bien des choses.
Parlons maintenant de mon désaccord. Les raisons motivant celui-ci sont toutes présentées dans les pages 707 à 709 du rapport. Je vous en parle ici sommairement. J’ai vérifié la gestion publique pendant sept ans de manière rigoureuse et en respect de mes normes professionnelles. Au gouvernement du Québec, l’octroi de contrats est bien différent de ce qui se fait au niveau municipal. La quasi-totalité des contrats reliés à la construction est octroyée par des fonctionnaires et non par des élus. Les contrats restants concernent certains travaux d’entretien d’asphalte accordés par le Ministère des transports du Québec. Les élus peuvent intervenir dans l’octroi de ces contrats mais aucun témoin n’a dit devant la Commission qu’il avait reçu indirectement un tel contrat en retour d’une contribution politique. À cause de l’absence d’un tel témoignage et de la rigueur inhérente à ma profession, il me fallait exprimer mon désaccord quant à l’affirmation sur l’existence d’un lien indirect entre l’octroi d’un contrat public et une contribution politique. Je savais très bien qu’un tel lien, direct même, aurait pu se matérialiser. D’ailleurs, loin de le nier, la Commission a fait des recommandations visant à empêcher une telle possibilité et à améliorer le contrôle sur le financement des partis politiques.
Un reportage a mis en scène des extraits d’échanges de courriels entre moi et la Présidente de la Commission.
Un échange de courriels est un peu comme un roman. Prenez une phrase ici et là et vous pouvez en changer tout le propos. Moi je le connais dans son entièreté. Je connais aussi les échanges verbaux qui y sont reliés. Mais il n’est pas question que je les commente car je veux respecter mon serment de confidentialité.
« Du choc des idées jaillit la lumière », écrivait le philosophe français du 17ème siècle, Nicolas Boileau. Bien sûr que nous avons eu des débats internes parfois intenses. N’était-ce pas le but recherché en nommant plus d’un commissaire ?
Parlons maintenant de mes commentaires écrits sur une des nombreuses versions préliminaires du chapitre sur le financement politique. Je reconnais leur ton franc et direct dont je n’avais pas l’exclusivité à la Commission. Tous mes commentaires ont toujours fait l’objet d’explications et de discussion. C’est un processus habituel dans la finalisation du contenu d’un chapitre d’un rapport.
Je crois avoir été nommé à la fonction de Vérificateur général du Québec et de commissaire à la CEIC parce que je suis une personne apolitique, rigoureuse, intègre et surtout qui n’espère rien en retour.
Maintenant, plutôt qu'une chasse aux sorcières dont je semble être la principale cible, ne serait-il pas plus utile de parler des choses plus sérieuses comme les stratagèmes frauduleux identifiés par la Commission et les recommandations faites pour y remédier.
Je ne ferai aucun autre commentaire concernant la Commission et ses travaux. Mon devoir de confidentialité l'exige.
Renaud Lachance.
Avocat
il y a 9 ansTraduction: France Charbonneau n'a pas sa rigueur...
comptable
il y a 9 ansIl faut connaître ce qu'est la vérification ou l'audit pour comprendre les comptables.
Quand une vérification est faite,le vérificateur porte jugement sur l'exactitude l'évaluation, l'exhaustivité et l'existence d'une assertion. Le risque est évalué en fonction d'une série de critères. On ne parle pas de "hors de tout doute raisonnable" ou de "balance de probabilité". Les comptables sont conservateurs de nature et extrêmement prudent.Il faut remplir des questionnaires, suivre les étapes, c'est archi structuré comme travail.
Juste pour visualiser, le questionnaire d'audit d'une société fait près de 3 pouces d'épaisseur , 8 1/4 x 14. On a des questions, il faut cocher. On a des normes d'audit obligatoires à appliquer (sinon tu coules à pic ton inspection professionnelle à 1 500$... tu oublies une note aux états financiers et tu peux te retrouver avec une plainte au syndic).
C'est facile de porter jugement sur la conformité d'un département, ses opérations. ce qu'il fait avec un manque d'efficacité, etc. Personne n'est attaqué, c'est une section de l'appareil gouvernemental qui n'a aucune identité (généralement, ce n'est pas personnalisé.Facile de dire que c'est tout croche et que les ressources ne sont pas utilisées à un niveau optimal.
Mais là, pointer du doigt des personnages politiques? Plus haut que lui dans la hiérarchie, s'attaquer au parti libéral? S'attaquer à Mme Normandeau qui avait trouvé une grosse job dans un grand bureau de comptable de Montréal? Se retrouver aux HEC dans sa job de prof avec des confrères libéraux? Ne pas avoir d'autres contrats plus lucratifs ou plus intéressant que sa job de prof?
Surement un risque qu'il ne voulait pas prendre ou qu'il n'a même pas envisagé.
Il était encensé du temps de son travail comme vérificateur général mais là, il fait face à l'opinion publique et il est évalué en fonction des attentes de la population face à la dénonciation de la corruption des partis politiques.
Je n'aimerais vraiment pas être à sa place. Les comptables sont des "low profile" et te faire lyncher sur les réseaux sociaux...
Anonyme
il y a 9 ansR. Lachance n'était pas là comme comptable. Il était là comme commissaire. Avec le cv et les honoraires qu'il a chargé aux contribuables, on se serait attendu à ce qu'il fasse la différence. Ces gens là sont justement payés pour faire preuve de jugement.
comptable
il y a 9 ansJe sus entièrement d'accord avec vous, sauf qu'il pensait surement qu'il avait les compétences pour être commissaire (on a aussi un questionnaire à remplir avant d'accepter la job pour savoir si on a les compétences pour la faire)ou est-ce le principe de Peter?
Voici un petit conte zen:
C’est un scorpion qui veut traverser la rivière et qui demande à la tortue de le prendre sur son dos. Mais la tortue refuse, parce qu’elle prétend que le scorpion va la piquer. Le scorpion dit à la tortue “réfléchis deux secondes, si je te pique, je meure aussi car je ne sais pas nager”, et la tortue accepte finalement de le transporter.
Arrivés au milieu de la rivière, le scorpion pique la tortue. Celle ci, juste avant de mourir demande au scorpion :
“mais pourquoi fais tu celà ?!! “
et le scorpion répond:
“Je n’y peux rien, c’est dans ma nature”.
Au sujet de ses honoraires, je suis certaine qu'il pensait qu'il les valait. C'est un comptable!
DSG
il y a 9 ansI may not be an esteemed judge like Lachance and Charbonneau. But I do know the number one rule when determining whether or not our elected officials are corrupt. If it looks like crap, and it smells like crap, then it must be crap.
YL
il y a 9 ansJe l'ai déjà écrit ici il y a des mois ... j'ai fait du droit criminel pendant plus de vingt-cinq ans et j'ai été abasourdi de voir à quel point France Charbonneau ne comprenait rien de ce que les témoins disaient à la Commission. C'est arrivé un nombre incalculable de fois qu'elle a démontré de façon on ne peut plus claire qu'elle ne comprenait pas. À maintes reprises, elle a posé des questions à des témoins qui démontraient clairement qu'elle n'avait rien compris de ce que le témoin venait de dire.
Exemple: un témoin qui témoignait sur l'existence d'un rapport dénonçant la collusion à la ville de Montréal. Le témoin a clairement indiqué que ce rapport avait été remis aux membres d'un comité qu'il décrit ... le témoin indique le nom de chacun des membres du comité qui a reçu le rapport. Mme Charbonneau lui demande donc de façon très affirmative ... 'Le maire Tremblay avait donc reçu copie du rapport?' Et le témoin lui répond ... non, madame. Le maire Tremblay n'était pas membre de ce comité c'est pour ça que j'ai donné le nom de tous les membres et que je n'ai pas nommé le maire Tremblay. Il ne faisait pas partie du comité, il n'était pas là et n'a pas eu ce rapport.
Il y a eu des dizaines d'interventions de ce type par France Charbonneau ... pas surprenant que le Commissaire Lachance n'ait pas pu s'entendre avec elle ... Par contre, je n'ai jamais vu Lachance poser une question qui n'était pas droit au but et pertinente .... À mon avis c'est Charbonneau qui a été le véritable problème de cette commission et non Lachance.