Avocats, vos échanges peuvent être révélés
Apolline Caron-ottavi
2019-05-28 13:15:00
Le cas qui a mené à cette décision est le suivant. Une employée de longue date dans une entreprise, engagée dans un plan d’amélioration de la performance, a accusé son superviseur de harcèlement moral et sexuel.
Son employeur a alors ouvert une enquête mais il a conclu que les allégations de l’employée n’étaient pas fondées, et ce, sans avoir pris la peine d’interroger celle-ci.
L’employée a été mise au courant de la décision mais n’a pas reçu de rapport écrit. Elle s’est de plus vue refuser son augmentation de salaire annuelle parce qu’elle suivait un plan d’amélioration de la performance et a dû poursuivre ce dernier avec le même superviseur.
Conversations par téléphone
L’employée a retenu les services d’un avocat en droit du travail et l’employeur a fait de même. Les avocats ont communiqué entre eux par téléphone et par courrier pour discuter du cas.
L’avocat de l’employée a fourni des noms de témoins supplémentaires et exigé une nouvelle enquête, conforme cette fois à la Loi sur la santé et la sécurité au travail ainsi qu’au Code des droits de la personne de l’Ontario, ce à quoi l’employeur s’est plié.
Mais l’employée a alors déposé une plainte pour congédiement déguisé, en mentionnant certaines discussions ayant eu lieu entre son avocat et celui de l’employeur.
L’employeur a tenté de faire invalider certains paragraphes, au motif que les discussions entre les avocats étaient protégées par un privilège relatif aux règlements à l’amiable.
Or il faut trois conditions pour que ce privilège s’applique :
1. Il doit y avoir un conflit litigieux ou en devenir de l’être.
2. Les échanges doivent être fait avec l’intention explicite ou implicite qu’ils ne doivent pas être utilisés au cours du processus juridique dans le cas où les négociations échouent.
3. Le but de ces échanges doit être d’essayer de rendre effectif un accord.
L'enquête n'était pas confidentielle
La Cour a analysé que les échanges entre les avocats avaient pour objectif de pousser l’employeur à se conformer à ses devoirs. L’enquête n’était pas confidentielle. Elle était factuelle et faisait partie intégrante des obligations légales de l’employeur. Il ne s’agissait pas d’une offre, d’un compromis ou de la négociation d’un accord.
Le droit d’un employé d’obtenir une enquête pour harcèlement sexuel est non-négociable. Ainsi le privilège relatif aux règlements à l’amiable ne s’applique pas.
Les trois conditions n’étant pas réunies, les paragraphes n’ont pas été retirés de la plainte. L’intention derrière les échanges compte : ceux-ci ne doivent pas être seulement informatifs, auquel cas ils peuvent être révélés.