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Commerce en ligne : une concurrence déloyale

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Marwah Rizqy

2014-09-15 11:15:00

Avocate et professeure adjointe à l'Université de Sherbrooke, l’auteure dénonce la faiblesse du taux d’imposition des grands acteurs du commerce en ligne et propose d’y remédier...

Marwah Rizqy est professeure adjointe au département de fiscalité de la Faculté d'administration de l'Université de Sherbrooke.
Marwah Rizqy est professeure adjointe au département de fiscalité de la Faculté d'administration de l'Université de Sherbrooke.
Malgré le ralentissement économique mondial, l'achat en ligne est en perpétuelle croissance. BlueMind, un cabinet de stratégie financière, rapporte que le chiffre d'affaires mondial du commerce électronique a connu une augmentation de 19 % par année depuis 2011 et estime qu'il est passé de 680 milliards à 963 milliards en 2013.

La firme de sondage Ipsos a révélé il y a quelques jours que 82 % des internautes canadiens ont effectué un achat en ligne en 2013 et qu'ils y ont dépensé en moyenne 954 $.

Les principaux acteurs du commerce électronique offrant une plateforme transactionnelle sont eBay, Amazon et Alibaba. Ces multinationales enregistrent des ventes en constante augmentation et des revenus annuels de plusieurs milliards. On pourrait croire qu'elles payent énormément d'impôts. La réalité est cependant toute autre.

Ainsi, malgré des revenus nets de 11,7 milliards en 2011, eBay rapportait un taux d'imposition effectif mondial de 3 % et a expliqué que cette diminution était principalement attribuable à l'augmentation du bénéfice dans des territoires à faible taux d'imposition.

Comment une société peut-elle générer d'importants profits, notamment au Canada, et payer moins de 3 % d'impôt effectif, alors que les entreprises canadiennes payent un taux nominal d'impôt d'environ 26 % ?

La réponse est simple. Bon nombre de ces multinationales étrangères ne sont pas assujetties à l'impôt canadien, puisque les règles fiscales trouvent leur fondement dans des conventions dont les principes ont été établis dans les années 1920, alors qu'internet n'était encore qu'une chimère.

Cela permet aux multinationales d'exploiter des règles internationales devenues obsolètes et de générer d'importants profits dans des pays industrialisés à haut taux d'imposition, tel que le Canada, sans pour autant y payer d'impôts.

Ces entreprises peuvent donc se permettre d'écouler leurs produits sur le marché canadien à un prix beaucoup plus bas que nos entreprises locales. De plus, certaines de ces multinationales étrangères ne perçoivent pas les taxes de vente, alors que le produit vendu est taxable. Devant cette concurrence fiscale déloyale, il est quasi impossible pour nos entreprises canadiennes de concurrencer une entreprise étrangère, telle Alibaba.

Le Canada et les autres pays membres de l'OCDE sont bien au fait de cette situation alarmante. Toutefois, depuis plus de 15 ans, soit depuis la conférence ministérielle tenue à Ottawa sur cette problématique, le statu quo prédomine. L'OCDE continue de demander à ses pays membres d'être patients afin qu'on trouve une solution commune. À l'ère numérique, cette situation n'est plus soutenable.

Le gouvernement canadien doit faire preuve de leadership sur la scène internationale et prendre rapidement des mesures afin de protéger les entreprises canadiennes. De plus, alors que le gouvernement fédéral et la plupart des provinces enregistrent des déficits budgétaires, il importe d'augmenter les recettes fiscales afin de couvrir les dépenses publiques.

Il existe une solution simple, qu'on pourrait mettre en oeuvre assez rapidement : imposer la responsabilité de la perception des impôts et taxes aux intermédiaires de paiement. Ottawa devrait exiger que les fournisseurs de services de paiements, tels que les sociétés de carte de crédit, Paypal, etc., agissent à titre de mandataires du gouvernement et soient tenus d'effectuer une retenue d'impôt et de percevoir les taxes de vente applicables.

Les institutions financières nous répètent qu'elles sont des entreprises socialement responsables, qu'elles ont à coeur la croissance de nos entreprises et le développement économique et social des Canadiens. Elles ont là une occasion rêvée de passer de la parole aux actes.

Marwah Rizqy est professeure adjointe au département de fiscalité de la Faculté d'administration de l'Université de Sherbrooke. Elle est membre du Barreau du Québec et du Barreau de New-York.

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