Une femme en mission
Delphine Jung
2017-12-05 15:00:00
Lorsque l’ONU lui a offert, en mars, de devenir représentante spéciale du secrétaire général pour les migrations internationales, elle a accepté pour deux raisons: le mandat est court (18 mois) et la cause est juste. Louise Arbour croit profondément que les migrations sont non seulement inévitables, mais que leur impact est positif, tant pour la société d’accueil que de départ. Sa tâche est désormais d’en convaincre un monde frileux, aux prises avec des solutions faciles et de l’information souvent déformée.
« Nous voulons organiser une migration sûre et ordonnée, car elle aura lieu, peu importe ce que certains disent, les mouvements de population sont inévitables », dit-elle.
Nous avons rencontré Louise Arbour alors qu’elle passait la journée dans les bureaux de BLG, où elle a toujours son bureau, en route pour un week-end entre copines à son chalet des Laurentides, une tradition automnale qui lui tient à coeur.
Depuis sa nomination, son compteur de kilomètres parcourus s’emballe.
De Bangkok à Genève en passant par le Mexique et New York, où elle a son bureau onusien, Me Arbour a à peine le temps de revoir son chien Snoreau resté au Québec. C’est son fils qui s’occupe de cet ex-candidat MIRA, qui n’a pu mener à terme sa formation de chien-guide en raison de sa trop grande taille…
Même si elle avoue que le rythme est effréné, rien n’y paraît. Me Arbour arbore un teint lumineux lors de notre rencontre et une énergie débordante.
L’apogée de ce mandat fou, mais passionnant, sera en décembre 2018, à Marrakech, lors de la 11e édition du Forum mondial de la Migration et du Développement. Après, Louise Arbour redeviendra Me Arbour, toujours chez BLG.
Une « perversion du langage »
Gérer la mobilité, la favoriser et ouvrir des voies d’accès qui seront bénéfiques pour tout le monde, pour réduire la migration irrégulière, car c’est là que tous les abus ont lieu, voici l’objectif qu’elle s’est fixé. Pour la juriste, l’un des principaux moyens pour lutter contre l’immigration irrégulière, c’est d’ouvrir de nouveaux modes d’entrée.
Il s’agit en effet pour Louise Arbour et son équipe d’accompagner le processus de la Déclaration de New York qui vise à se doter d’un pacte mondial sur les migrations.
Les drames qui les accompagnent l’interpellent tout autant. Que ce soit ces migrants qui échouent sur les côtes méditerranéennes après une tentative de traversée ou tous ceux dont le sort a été récemment rapporté par la presse en Libye et qui sont vendus comme esclaves aux enchères.
« Sauf que les uns sont des réfugiés, les autres, des migrants… », précise l’avocate qui dénonce « une terminologie empoisonnée » et « une perversion du langage » qui entoure les problématiques liées à la migration.
« Actuellement, on fait la distinction entre les réfugiés et les migrants. Disant que les réfugiés, ce n’est pas de leur faute, tandis que les autres, ils auraient pu rester chez eux », déplore-t-elle.
L’impact positif des migrations
La Convention relative au statut des réfugiés qui date de 1951 est devenue obsolète pour l’avocate. « L’idéale ce serait de se doter d’une autre convention, mais il n’y a aucun appétit en ce sens de la part des États », explique-t-elle.
Pourtant, « sur une base purement rationnelle, avec des analyses démographiques et économiques, on peut monter un dossier irrésistible pour prouver que les migrations ont du bon. L’Europe par exemple, s’apprête à devoir faire face à une pénurie de main-d’œuvre, notamment dans le domaine de la santé, tandis que les prévisions de croissance démographique en Afrique sont importantes », précise l’experte.
Me Arbour rappelle également que les travailleurs migrants dépensent en moyenne 85% de leur revenu dans le pays d’accueil, et transfèrent le 15 % restant dans leur pays d’origine. L’an dernier, ces transferts valaient 600 milliards de dollars, dont 430 milliards allaient dans les pays en développement », ajoute-t-elle. Dans cette optique, l’une des initiatives de son groupe de travail est de réduire les coûts de ces transferts qui sont présentement beaucoup trop élevés.
La migration comme outil de développement, de réduction des inégalités à l’intérieur des pays et entre les pays, Louise Arbour y croit dur comme fer. Au moins autant qu’elle croit à l’état de droit. « Cela est directement lié à ma volonté de vouloir favoriser les migrations dans leur cadre légal, et de tout mettre en œuvre pour stopper ou du moins réduire, les migrations illégales », dit-elle.
C’est aussi sa formation en droit qui la pousse à privilégier une approche qui « reflète la discipline du droit, une discipline où se rencontrent les défis intellectuels, mais aussi un ancrage moral », poursuit l’avocate.
Rétablir la vérité
Ce qui l’a aussi poussé à accepter ce mandat aux Nations Unies, c’est la possibilité qui lui est donnée de rétablir certaines vérités. « L’idée que toute l’Afrique s’en vient en Europe c’est une mythologie, la plupart des migrations ont lieu à l’intérieur même des pays puis dans les pays limitrophes », lance-t-elle. « Je n’ai jamais travaillé dans un dossier ou la perception est aussi déconnectée de la réalité », assure-t-elle.
Sa foi en l’ONU en est une autre. « Si on ne l’avait pas, il faudrait l’inventer. Je crois encore à sa mission. C’est le seul forum universel », dit-elle, en concédant qu’il n’est pas non plus parfait.
Une jeune génération impressionnante
Lorsqu’on demande à Louise Arbour quelles sont les personnalités juridiques qui l’ont le plus impressionnée au cours de sa carrière, elle répond: « les jeunes avocats ».
« Je sais que cela va vous surprendre… Mais cette génération m'impressionne. Ils savent plein de choses que je ne sais pas, ils ont des outils de travail avec lesquels je ne suis pas du tout familière. Je les trouve tellement bons! », dit-elle, enthousiaste.
Louise Arbour avoue aussi sa grande admiration pour la juge en chef de la Cour suprême, Beverly McLachlin, qui va bientôt tirer sa révérence.
Quant à ceux qui changeront les choses, notamment au niveau politique, Louise Arbour leur confère une énorme responsabilité. « La situation actuelle demande aux dirigeants politiques de prendre des décisions et de ne pas toujours attendre d'être porté par l'opinion publique. C'est ça, le principe du leadership! »
Anonyme
il y a 6 ans" "les mouvements de population sont inévitables" , dit-elle."
A bon? Certain pays réussissent pourtant à les éviter.
Au moins, dans ce rôle Mme Arbour laisse apparait clairement pour ce qu'elle est.
"Gérer la mobilité, la favoriser et ouvrir des voies d’accès"
Comme Jacques Attali, qui voit la gouvernance d'un pays comme la gestion d'un hôtel!
http://www.youtube.com/watch?v=AdJI54kDhi8
(à 35 s.).
Anonyme
il y a 6 ansOn pourrait avoir des exemples de ces pays qui les évitent? Je serais curieuse de voir comment la Syrie ou le Myanmar auraient pu éviter leur mouvement de population... Ah oui c'est vrai, en respectant les règles de la guerre et les droits fondamentaux de leurs citoyens...
Anonyme
il y a 6 ansSimple et expéditif (on pourrait dire "IDF style"):
http://www.haaretz.com/israel-news/1.818845
Anonyme
il y a 6 ans"«Nous voulons organiser une migration sûre et ordonnée, car elle aura lieu, peu importe ce que certains disent, les mouvements de population sont inévitables », dit-elle."
Répétez après moi: "sûre et ORDONNÉE".
Attendez de voir comme certains s'empresseront d'escamoter cet aspect important de la vision de Me Arbour, pour ne retenir que ce qui suit : toute migration est positive.
KM
il y a 6 ansOn tente de nous vendre comme quelque chose d'inévitable des mouvements de masses qui vont ni plus ni moins anéantir la civilisation occidentale telle qu'on la connaît.
Je vais vous dire ce qui fonctionne contre l'immigration illégale: un mur!
Tant que la téléportation ne fonctionnera pas un mur va permettre d'arrêter l'immigration illégale, c'était vrai il y a 2000 ans et c'est encore vrai aujourd'hui.
Anonyme
il y a 6 ansDans un avenir éloigné, je l'espère, nous serons nous-mêmes appelés à migrer pour notre survie (guerre, montée du niveau de la mer ou autre crise majeure). L'histoire nous apprend que la majorité des peuples ont dû migrer à un moment ou à un autre et de façon temporaire ou permanente.
Morale de l'histoire: vos descendants seront des migrants...en espérant qu'ils soient traités avec respect et selon les normes internationales par les pays d’accueil quand ce moment viendra.
Anonyme
il y a 6 ansParce que la civilisation occidentale est TELLEMENT extraordinaire, tsé, faudrait surtout pas la changer! Et pendant qu'on repousse les étranges à coup de mur, on perd des entreprises et de la business faute de main-d'oeuvre...
Realiste
il y a 6 ansPareil comme si c'était de la main-d'oeuvre qualifiée et parfaitement adaptée... ce sont tous des incultes...
Anonyme
il y a 6 ansLa guerre froide est fini, appeler n'importe qui un communiste parce qu'il exprime un opinion de gauche, ça a fait son temps.
Et je doute que Fleury Michon a besoin de main-d'oeuvre spécialisé... http://affaires.lapresse.ca/economie/agroalimentaire/201711/30/01-5145502-une-usine-retire-ses-produits-des-epiceries-faute-de-personnel.php
Ni les agriculteurs qui peinent à récolter avant que les fruits et légumes pourrissent sur place.
anonyme découragé
il y a 6 ansVous êtes invité à migrer au plus vite vers les États-Unis, nous prendrons volontiers quelques mexicains contre vous.
Anonyme
il y a 6 ansMigration sûre et ordonnée ??? C'est quoi ça ??? Ils vont fermer le Maghreb et le Proche Orient ???
Mme Arbour, votre mission est aussi odieuse qu'impossible.
Realiste
il y a 6 ansToujours les mêmes têtes de turcs qu'on recycle pour étirer l'élastique d'une génération passée date (baby-boomers), afin de faire place au super communistes milléniaux qui ne comprennent absolument rien, mais se font guider tel un troupeau à l'abatoir. L'immigration de masse n'est pas de l'immigration, mais une réingénierie sociale de REMPLACEMENT de population, moins instruite, plus docile afin d'accélérer le nouvel ordre mondial.
Anonyme
il y a 6 ansBlamer les baby-boomers et les x? Vous devez être un y! Quel commentaire rafraichissant et tellement loin des stéréotypes qui affublent votre génération.
À la place de jouer à la victime et de dire que toutes les générations entourant la vôtre proposent des solutions inadéquates, ça ne vous tenterais pas d'essayer de faire mieux? Ce serait au moins beaucoup plus constructif qu'un commentaire comme celui que vous venez de laisser.
mylène
il y a 4 ansON NOUS PARLER D'UNE IMMIGRATION DE TRAVAIL, alors qu'il n'y a plus assez d'emplois à cause des délocalisations et de la robotisation.
D'autre part, si l'on n'offrait de l'assistanat social qu'à ceux qui travaillent ou qui rendent service à la communauté on n'aurait pas besoin d'aller chercher des travailleurs ailleurs.