Opinions

L’avocat Lucien Bouchard

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Louis Lapointe

2010-02-19 14:00:00

La sortie publique cette semaine de Lucien Bouchard a choqué bien des souverainistes. Mais la position de l’ancien premier ministre n’est pas vraiment surprenante, nous dit un ancien directeur de l’École du Barreau du Québec. Après tout, Lucien Bouchard est avocat; il défend les intérêts de ses clients…
Personne ne peut nier que Lucien Bouchard ait déjà été à sa façon un grand tribun et un leader charismatique. Mais voilà, depuis 9 ans, il est avocat au sein d’un important cabinet d’avocats de Montréal, Davies Ward Phillips & Vineberg. Si, jadis, comme premier ministre, il représentait tous les Québécois, aujourd’hui, à titre d’avocat, il défend les intérêts de ses clients et de sa firme.

Lucien Bouchard est avocat d’affaires, alors que Pauline Marois est la chef du Parti Québécois, une importante distinction dans le débat qui s’est engagé entre ces deux protagonistes. L’un représente des clients, l’autre aspire aux plus hautes fonctions publiques et souhaite devenir première ministre du Québec et réaliser un jour la souveraineté du Québec. L’un dépend des honoraires que lui versent ses clients, l’autre est rémunérée par les contribuables. Leur éthique n’est pas la même, pas plus que leurs intérêts respectifs qui sont voués à des objectifs tout à fait opposés.

Lorsque l’avocat Lucien Bouchard s’exprime en public, rien n’exclut qu’il puisse utiliser les forums qui lui sont proposés pour défendre non seulement sa vision, mais également celle de ses clients. Dans cette perspective, fidèle à son serment d’avocat, sa loyauté appartient d’abord à ses clients, pas aux Québécois.

Lorsque Lucien Bouchard nous dit qu’il est souverainiste, mais que la souveraineté n’est pas réalisable, son engagement politique ne peut pas être qualifié d’intéressé, puisque, dans un souci d’objectivité, il a le mérite de demeurer indépendant à l’égard de ses convictions personnelles, un avantage incontestable pour ses clients fédéralistes. À l’époque où il représentait des partitionnistes du West-Island de Montréal, l’avocat Guy Bertrand n’avait pas fait preuve d’autant d’abnégation, ayant clairement endossé la cause de ses clients !

Lorsqu’il se porte à la défense de son frère Gérard que Pauline Marois aurait traité d’''Elvis Gratton'', sans équivoque, Lucien Bouchard nous indique que sa famille passe avant la nation. Comment pourrait-on le lui reprocher ?

Lorsqu’il reprend publiquement le credo des lucides, encore là, comment ne pas aussitôt constater qu’il défend avec conviction une vision de la société où ses clients seront favorisés ? N’est-ce pas là le rôle de l’avocat ?

Lorsqu’il supporte la politique du gouvernement Charest à l’égard des écoles juives orthodoxes, l’homme est fidèle aux valeurs que porte son cabinet d’avocats. Ne s’agit-il pas là de nobles sentiments que nous ne saurions remettre en doute ?

Lucien Bouchard n’est pas et ne prétend plus être un homme politique, il ne représente plus les Québécois, il est d’abord un dévoué avocat d’affaires au service de ses clients et de sa firme ! Un bon père de famille qui a quitté la vie publique et choisi de gagner honorablement sa vie.


Louis Lapointe est chroniqueur, avocat et ancien directeur de l’École du Barreau du Québec (1995-2001). Son texte a été publié sur Vigile.net. Il est reproduit ici avec son autorisation.
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