Revenir sur son consentement...
Cynik
2011-05-30 14:15:00
La question centrale y aura été de juger de la validité légale du consentement manifesté à l'avance par la plaignante à ce que des attouchements sexuels lui soient prodigués dans un contexte où elle aurait volontairement perdu conscience. Invoquant l'intérêt public et suivant le principe qu’on ne peut consentir, même si on le demande, à se faire infliger la mort ou des lésions corporelles graves, la Cour écarte le consentement factuel de la plaignante en déclarant qu'en droit il est impossible de « consentir à l'avance » à un acte sexuel.
Satisfaite de sa victoire, Me Joanna Birenbaum, directrice du contentieux du Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes (je vous invite à consulter son mémoire d'intervention), n'hésite pas à dire que:
« La décision d’aujourd’hui garantit que les prédateurs ne pourront violer des femmes inconscientes pour ensuite prétendre qu’“elle a dit que c’était correct avant de perdre conscience.” »
Pourtant, en toute déférence, je suis d'avis que cette décision est une dérive judiciaire fondamentalement mauvaise, au potentiel d'abus qui donne froid dans le dos, en plus d'être d'une injustice flagrante pour l'accusé.
Voici pourquoi.
1. Dérive et risque d'abus : ce jugement vise tout le monde, pour tous les types d'attouchements, sans égards au contexte.
Si on s'arrête aux faits de l'affaire en ne s'estimant pas visé par cette décision parce que qu'on ne verse pas dans le S&M, c'est oublier que les principes juridiques dégagés par la Cour, eux, sont d'application générale et visent tout geste pouvant être caractérisé d'« attouchement sexuel », même ceux faits avec tendresse et amour entre monsieur-madame-tout-le-monde dans une relation moyenne avec une vie sexuelle normalement active. En outre, le principe ne vise pas que les relations pendant une perte de conscience par asphyxie, mais bien toute situation où « un partenaire ne serait plus en mesure de manifester son refus », incluant le sommeil. Qu'est-ce à dire ?
Dans ses propos au nom de la minorité (par. 74), le Juge Fish se limite par bon goût à dénoncer que ce jugement vient rendre maintenant criminel le fait pour un conjoint d'en embrasser un autre pour le réveiller le matin... Mais en allant plus loin pour compléter la pensée, qu'en est-il des actes sexuels francs, eux ? J'invite toute personne qui lit ces lignes à regarder dans son passé personnel : n'y a-t-il pas une fois dans votre vie ou vous avez réveillé chéri(e) qui dormait encore en vous glissant sous les couvertures pour lui faire une gâterie matinale ? Ce jugement fait de votre geste un acte criminel !
« Ah mais non, c'est différent – moi mon conjoint m'avait déjà dit oui, voire même m'avait demandé de le faire spécifiquement la veille » rétorque-t-on. Hé bien non, ça n'est pas valable, car aucune défense de consentement ou de croyance sincère au consentement n'est possible à une telle accusation, le simple fait d'avoir commis le geste étant un crime de responsabilité absolue.
2. Injustice : Revenir au nom de l'intérêt public sur un consentement sexuel sincère dans les faits, pour faire rétroactivement condamner un ex-conjoint.
Parce que, appelons un chat un chat, c'est ce qui s'est effectivement passé.
Et qu'on m'épargne le chapelet du syndrome de la femme battue; pour ces cas d'espèce, c'est une chose, et ça sort de la discussion – mais elle, elle n'en était clairement pas une (pas dans ce sens là, à tout le moins).
Dans cette affaire il a été mis en preuve que la plaignante avait déjà consenti en toute liberté et en toute connaissance de cause à l'acte sexuel qui allait avoir lieu pendant qu'elle aurait perdu conscience et ce - en sachant - qu'elle allait perdre conscience. Mais malgré tout, et c'est là où je vois un potentiel fondamentalement pervers de dérive et d'abus par le précédent que cette décision créé, la Cour vient lui permettre de revenir sur les faits plusieurs mois plus tard pour annuler rétroactivement un consentement sexuel antérieur et littéralement « piéger » un conjoint de bonne foi en mobilisant l'État et l'appareil judiciaire « au nom de l'intérêt général » contre lui de manière calculée.
Et, plus abominable encore, durant leur temps en tant que couple, tout allait bien et c'était même un jeu intime auquel la plaignante avouait participer de plein gré ! Ce n'est qu'après la rupture, dans le cadre d'une dispute admise « émotionnelle », qu'elle aurait décidé de porter rétroactivement plainte dans le but intéressé et avoué comme tel de faire perdre à l'accusé la garde de leur enfant…
Mais la Cour ignore le contexte ; au nom de l'ordre public, le crime est de responsabilité absolue...
...
Nous devons donc à partir de maintenant conclure que notre droit permet, même dans une relation saine, de revenir après une rupture et de n'avoir pour se venger qu'à dire : « mon ex-conjoint m'a embrassé/caressé (etc...) pour me réveiller une fois » pour ainsi le faire condamner criminellement sans défense possible. Même sans se cacher du caractère stratégique et intéressé de la « plainte ».
Même si la veille, ça avait été spécifiquement demandé par la « victime »….
Et même si cela avait été sur le moment un geste tendre et intime qui s'est terminé par « Merci mon amour, je t'aime » de la part de la partie maintenant « plaignante »...
...Mais après tout, c'est une question d'intérêt public...
- Cyniquement vôtre
P.S.: Pour ceux que ça intéresse, je vous invite à écouter l'entrevue accordée par Me Robert Lahaye aux ondes de 98,5 fm à cet égard.