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Lucien Bouchard désapprouve

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Agence Qmi

2012-09-10 10:15:00

La possibilité de forcer la tenue d’un référendum d’initiative populaire sur la souveraineté est une aberration risquant d’affaiblir encore plus le Québec, estime l'ancien premier ministre.
Tel est l’avis exprimé par Lucien Bouchard, associé chez Davies, à Montréal, dans son nouveau livre "Lettres à un jeune politicien" (VLB Éditeur), dont le Journal de Montréal a publié quelques extraits.

Lucien Bouchard trouve irresponsable de forcer la tenue d'un référendum
Lucien Bouchard trouve irresponsable de forcer la tenue d'un référendum
Le Parti québécois, qui vient de prendre le pouvoir, proposait en campagne électorale que le gouvernement tienne des référendums d’initiative populaire sur la souveraineté, par exemple, si 15% des électeurs signaient un registre dans ce sens.

« Irresponsable »

« Il serait irresponsable d’exposer le Québec à une autre défaite quand on sait le prix qu’il a fallu payer au lendemain des échecs de 1980 et 1995 », prévient l’ancien premier ministre, qui signale au passage que « le débat sur la question nationale est présentement dans l’impasse ».

« Les souverainistes les plus réalistes savent qu’ils ne sauraient être question de lancer un autre référendum sans une possibilité raisonnable de succès », note aussi Lucien Bouchard, qui affiche dans cet ouvrage son franc-parler habituel et sa fine capacité d’analyse de la société québécoise.

Le jugement des jeunes sur les élus

S’il s’est le plus souvent imposé un devoir de réserve depuis son retrait de la vie publique, l’ancien premier ministre dit avoir accepté cette fois de livrer ses réflexions, car il se « désole de la désaffection générale envers la démarche politique » et du « jugement sévère » que la jeune génération semble porter sur les élus.

Pierre Elliott Trudeau aurait répudié une
Pierre Elliott Trudeau aurait répudié une "restauration rétrograde des symboles monarchiques", selon Lucien Bouchard
À travers ses conseils à un jeune politicien en devenir, il aborde dans ce nouveau livre des thèmes qui lui ont toujours été chers, l’éducation et le fardeau de la dette notamment, mais aussi le besoin de nouveaux visages en politique et la nécessité pour le Québec de trouver un nouveau souffle, un nouvel idéal.

« Comme d’autres observateurs, il me semble que de nombreux Québécois ont perdu leurs repères », constate-t-il, en prenant les élections fédérales de mai 2011 à titre d’exemple.

« Se tourner aussi massivement vers le NPD et ses candidats, pour la majorité des inconnus, c’était une autre façon de voter blanc », suggère Lucien Bouchard.

Le Québec doit rebondir

« L’actuelle stagnation est une aubaine pour le gouvernement conservateur, qui ne manque pas de s’en donner à cœur joie. Il suffit de considérer l’affaire des contrats maritimes, la nomi­nation d’unilingues anglophones à des postes importants, la prolifération des photos de la reine, la Marine royale, etc.

Il m’est avis que même Pierre Elliott Trudeau aurait répudié cette restauration rétrograde des symboles monarchiques. Le pouvoir fédéral a beau jeu de conclure à la stabilisation de la situation constitutionnelle, considérant que le Québec a été remis à sa place, pour ne pas dire qu’il l’a fait lui-même.

Le comble, c’est que certains veulent maintenant permettre le déclenchement d’un référendum dès lors que 15% des électeurs en exprimeraient le désir. Je n’arrive pas à croire qu’on puisse envisager de mettre ainsi entre les mains d’une si faible minorité le pouvoir de nous renvoyer en tout temps à l’abattoir : avec en plus une question qui pourrait très bien être rédigée à la sauvette, sans évaluation politique conséquente, par un groupe de pression ou une poignée d’activistes.

Comment peut-on trouver légitime de faire fi de l’opinion majoritaire ? Qu’advient-il des prérogatives démo­cratiques de l’Assemblée nationale ? Combien de défaites faut-il encore infliger au Québec ?

En 1970, Lucien Bouchard a fait campagne à titre de responsable des communications pour le candidat Adrien Plourde
En 1970, Lucien Bouchard a fait campagne à titre de responsable des communications pour le candidat Adrien Plourde
La situation n’est guère plus rose du côté fédéraliste. Si la souveraineté n’est plus le projet mobilisateur qu’elle a été, le fédéralisme renouvelé ne l’est pas davan­tage. D’abord, aucun leader fédéraliste ne voudra courir le risque d’ouvrir la boîte de Pandore d’un autre Meech. Les fédéraux devinent trop bien les suites d’une nouvelle crise qui serait inévitablement perçue par les Québécois comme un autre rejet. De plus, même le rapport de force des fédéralistes québécois avec Ottawa est affecté encore aujourd’hui par les effets débilitants de la défaite référendaire de 1995. S’il ne craint plus les souverainistes, tu penses bien que le pouvoir fédéral craint encore moins les fédéralistes québécois qui veulent défendre les intérêts du Québec. Ils sont coincés, eux aussi.

Nous subissons déjà les ravages de l’affaissement actuel. Non, il ne faut plus s’exposer inconsidérément à perdre un référendum ! Rappelons-nous la mise en garde de Bernard Landry, en 1995, contre la "charge de la brigade légère". »

Les grands discours naissent des grands moments

« En 1970, quand Robert Bourassa a pris la direction du Parti libéral du Québec, on m’a approché afin que je me porte candidat dans Chicoutimi. Je n’avais que six ans de pratique du droit, mais j’avais la témérité de me considérer comme un plaideur qui avait commencé à faire sa marque. J’ai refusé la proposition qu’on me faisait. Mais j’ai tout de même fait campagne à titre de responsable des communications pour le candidat du PLQ, Adrien Plourde, un syndicaliste de la CSN très connu dans la région, ce qui, du reste, ne l’a pas empêché d’être défait.

Mon chemin de Damas, ce fut la crise d’octobre. C’est à ce moment-là que tout a basculé, que je suis devenu souverainiste. Comment Trudeau avait-il pu ainsi renier des idéaux démocratiques que je croyais sincères pour faire adopter sa sinistre loi sur les mesures de guerre ? D’un autre côté, je désavouais inconditionnellement le FLQ. L’assassinat de Pierre Laporte et l’enlèvement de Richard Cross m’ont horrifié. Il était impératif que leurs auteurs répondent de leurs crimes devant la justice. Ce qui m’a proprement scandalisé, c’est l’incarcération sommaire de centaines d’autres personnes, sans l’ombre d’un acte d’accusation. Lorsque, quelques mois plus tard, on les a libérées, c’est sans aucune indemnisation, sans la moindre lettre d’excuses.

Le "deux poids, deux mesures" me révolte. On dirait que l’histoire a tout pardonné à Trudeau et à ses ministres du temps. Si un premier ministre souverainiste avait fait une chose semblable, on aurait probablement tenté de le jeter en prison. Il aurait été conspué, renié. On en parlerait encore avec dédain. Et ces gens-là, Trudeau et ses ministres, s’en sortent indemnes. Il n’y a jamais eu d’excuses pour cet épisode digne des régimes autoritaires. Quoi qu’il en soit, c’est à cette époque que je suis devenu souverainiste et que je me suis rapproché des péquistes. »
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