L’arbitrage en 2013
Daphnée Hacker-B.
2013-02-04 17:15:00
C’est qu’ils étaient venus à la rencontre d’Andrea Carlevaris, le nouveau secrétaire général de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI (Chambre de commerce international), qui a effectué sa première tournée nord-américaine. La CCI est l’une des diverses institutions qui chapeautent les causes d’arbitrage international, telles l’American Arbitration Association (New York) ou encore le Tribunal arbitral du sport (Lausanne).
Ce dîner informel a ainsi permis aux avocats en provenance de différentes villes du pays d’échanger sur les tendances en arbitrage international, un secteur qui demeure méconnu.
Rappelons qu’avec la croissance des échanges internationaux, cette pratique est très populaire auprès des entreprises qui optent souvent pour cette alternative aux tribunaux.
« Lorsque nous sommes hors des pays de l’OCDE, cette option semble plus intéressante que de risquer un procès dans des juridictions moins connues », explique Me Daniel Desjardins, vice-président des affaires juridiques chez Bombardier, venu assister à la soirée.
En questionnant les autres participants, trois constats ressortent: les arbitres sont souvent en conflit d’intérêts, l’arbitrage doit être plus efficace et les Canadiens demeurent des arbitres internationaux prisés. Tour d’horizon.
Conflits d’affaires, conflits d’intérêts
Avec le phénomène de globalisation des grands cabinets, les possibilités de conflits d’intérêts pour un arbitre qui travaille dans une firme d’envergure sont considérables.
Ce n’est un secret pour personne, mais c’est une réalité pour beaucoup d’avocats.
C’est notamment le cas de Marc Lalonde, ex-ministre de la justice fédéral sous Pierre Trudeau, devenu arbitre et médiateur chez Stikeman Elliot. Alors qu’il travaillait sur un mandat d’arbitrage depuis 6 mois pour l’aile allemande d’une compagnie, le cabinet a accepté un contrat lucratif de l’aile américaine… face à ce conflit d’affaires, il décide de se retirer aussitôt du cabinet.
« Les tribunaux sont de plus en plus sévères en matière de conflits d’intérêts, et c’est une bonne chose! » lance-t-il, il ne faut pas juste qu’il y ait justice, mais aussi apparence de justice explique Me Lalonde, qui a d’ailleurs reçu le Prix du président de l'Association américaine d'arbitrage (AAA).
Pour cet avocat d’expérience qui pratique maintenant l’arbitrage en solo, tout va pour le mieux. « J’ai bien plus de travail que je ne peux en faire », dit-il avec un grand sourire.
L’arbitrage pour les juristes des grandes firmes est plus difficile, reconnaît Me Barry Leon, avocat torontois et président de CCI Canada, mais il permet aux cabinets de plus petite taille de développer ce secteur de pratique.
Pensons notamment à Me Stephen L. Drymer, un pro de l’arbitrage national et international qui a quitté Norton Rose après 21 ans pour le cabinet-boutique Woods, il y a tout juste un mois.
Plus vite, moins cher
Si cette règle s’applique aux services juridiques en général, elle est d’autant plus vraie pour l’arbitrage international, censé être moins long et moins coûteux que les tribunaux.
Cette réputation a toutefois été entachée depuis quelques années par des clients insatisfaits du processus, qu’ils jugeaient peu avantageux. Pour remédier à cette situation, les diverses institutions d’arbitrage ont mis en place de nouvelles règles de procédure.
Il y a un an, la CCI a d’ailleurs mis en vigueur un nouveau règlement forçant les arbitres à établir un échéancier dès le début du mandat.
« Ce règlement vise à éviter des pertes de temps dès le début et aide les partis à se rendre mieux compte des coûts de chaque étape », explique le secrétaire général de la CCI, Andrea Carlevaris.
Celui-ci rappelle toutefois que l’efficacité demeure l’un des défis principaux des arbitres, qui composent avec des dossiers de plus en plus complexes. « Les gens d’affaires veulent régler leurs différends rapidement, peu importe le niveau de complexité. »
Les Canadiens c’est bien, les Québécois, c’est mieux!
L’image internationale du Canada demeure intacte malgré les nouvelles orientations du gouvernement à l’échelle internationale. Ceci aide grandement les arbitres canadiens.
« Les arbitres canadiens bénéficient encore de l’étiquette qui accompagne leur pays, l’idée de neutralité, de loyauté et d’honnêteté », dit Me Fabien Gélinas, avocat renommé dans la communauté d’arbitrage et professeur à la Faculté de droit de McGill.
Même si les Canadiens sortent bien leur épingle du jeu sur la scène de l’arbitrage international, Me Pierre Bienvenu croit que les arbitres québécois sont plus avantagés.
Celui qui est à la tête du groupe de pratique Arbitrage international pour l’ensemble des bureaux de Norton Rose explique que les avocats québécois, en plus d’être parfaitement bilingues, sont issus d’un milieu bijuridique.
Et ce n’est pas tout, ils comprennent la façon de faire des affaires en Amérique du Nord et sont familiers avec la culture procédurale anglo-américaine.
« Nous avons un avantage concurrentiel et nous pouvons en être fiers! », conclut l’hôte de la soirée.