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Travailleurs autonomes 1, Revenu Québec 0

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Emeline Magnier

2013-07-11 12:30:00

Dans une affaire opposant Revenu Québec à un contribuable, la Cour d'appel vient de rendre une décision déterminante sur la portion saisissable des revenus des travailleurs autonomes….
Pierre-Hugues Miller de Morency avocats a assuré la plaidoirie devant la Cour d'appel
Pierre-Hugues Miller de Morency avocats a assuré la plaidoirie devant la Cour d'appel
Le 2 juillet 2013, la Cour d'appel a confirmé un jugement de première instance et a considéré que les dépenses afférentes à l'activité du travailleur autonome devaient être déduites du revenu pour le calcul de sa partie saisissable.

"C'est une décision courageuse qui aura des impacts au-delà des dossiers de Revenu Québec. C'est un pas majeur pour les travailleurs autonomes", indique Me Pierre-Hugues Miller, de Morency avocats, qui a assuré la plaidoirie devant la Cour d'appel.

Titulaire d'une dette fiscale, Monsieur Alain Corriveau a vu saisir une partie des revenus qu'il retirait de son activité de distribution de fruits de mer et de viande par Revenu Québec.

Pour Revenu Québec, le calcul de la partie saisissable devait s'effectuer à partir du revenu brut, ce qui avait pour conséquence de retenir une somme plus importante que si les dépenses d’activité en étaient déduites. Ne partageant pas cette position, le contribuable a contesté et s'est représenté seul devant la Cour du Québec.

Le juge de première instance a estimé que l'analyse de Revenu Québec conduisait à un résultat absurde, alors qu'en cas d'entreprise déficitaire, le travailleur autonome devrait payer sans percevoir de revenus net. En conséquence, la Cour du Québec a considéré que les dépenses devaient être déduites du revenu brut dans le calcul de la partie saisissable du revenu.

Me Mélanie Boudreault a participé à la rédaction du mémoire d'appel
Me Mélanie Boudreault a participé à la rédaction du mémoire d'appel
S'agissait d'une question de principe qui méritait clarification, un juge a autorisé l'appel de Revenu Québec, dont 300 dossiers par année seraient concernés par cette question.

La Cour d’appel a alors enjoint à Revenu Québec de verser la somme de 27 000$ de provision pour frais à l'intimé pour lui permettre de payer les honoraires de ses avocats et de se défendre de manière adaptée.

"La jurisprudence des tribunaux inférieurs était très partagée. La Cour d'appel vient de clarifier les choses et de fermer une porte", indique Me Mélanie Boudreault, qui a participé à la rédaction du mémoire d'appel.

Il s'agissait d'interpréter l'article 651 du Code de procédure civile qui prescrit une mesure d'exécution forcée des jugements, et qui confère au juge le pouvoir de prononcer une ordonnance visant à saisir les revenus d'un travailleur autonome.

''art. 651 C.p.c: Le juge peut, sur requête d'un créancier porteur d'un jugement exécutoire signifiée au débiteur (…) lui ordonner de comparaître en personne pour déclarer les revenus de travail qu'il tire à titre de travailleur autonome (…) et lui enjoindre d'en déposer au greffe la portion établie suivant les dispositions de l'article 553.''

Appliquant successivement les méthodes grammaticale, systématique et téléologique à l'expression "revenus de travail" employée par le législateur, le juge François Pelletier a confirmé que les dépenses relatives à l’activité des travailleurs autonomes devaient être déduites de leur chiffre d'affaires pour le calcul de la partie saisissable de leurs revenus.

Il s'est ainsi rangé aux arguments développés par le cabinet Morency, et a estimé que les travailleurs autonomes devaient se voir appliquer le même régime que les salariés. "Ça régularise une situation d'injustice, les travailleurs autonomes seront désormais traités au même titre que les salariés", poursuit Me Miller.

D'après Me Boudreault, cette décision pourrait changer la façon dont Revenu Québec perçoit les dettes fiscales et insuffler un peu plus de souplesse. "Cela mettra un stop aux mesures agressives que peut prendre le fisc notamment en matière administrative", dit-elle.

Ceci étant, il faut préciser que Revenu Québec pourrait saisir la Cour suprême, et dispose d'un délai de 45 jours pour se faire à l'exclusion du mois de juillet.

Si Me Miller indique ne pas souhaiter pour son client que le dossier soit porté devant la plus haute juridiction, il précise qu'advenant sa saisine, il devrait demander à Revenu Québec de verser une provision pour frais, comme ça a été le cas devant la Cour d’appel.

Pour lire le jugement de la Cour d’appel, cliquez ici.
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