Aide médicale à mourir : une juge limite le débat
Radio -Canada
2018-02-02 14:15:00
Jean Truchon et Nicole Gladu contestent la validité constitutionnelle d'un critère du régime législatif, composé d'un article du Code criminel et de la loi québécoise portant sur l'aide médicale à mourir.
Les deux Montréalais sont atteints de graves maladies dégénératives incurables, mais leur mort n'est pas imminente, un critère imposé tant par Québec que par Ottawa pour avoir droit à l'aide médicale à mourir.
La loi québécoise la réserve aux seules personnes en fin de vie, alors que le Code criminel fédéral mentionne une mort naturelle raisonnablement prévisible.
Selon M. Truchon et Mme Gladu, cette exigence est inconstitutionnelle et discriminatoire, parce que contraire à la Charte canadienne des droits et libertés qui protège leurs droits à la vie et à la liberté ainsi que leur droit à l'égalité.
L'un des deux jugements rendus jeudi par la juge Christine Baudouin règle la question de six groupes et associations qui demandaient la permission à la Cour pour intervenir dans le débat judiciaire.
Il s'agit de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité et Dying with Dignity Canada - qui veulent appuyer les demandeurs - le Collectif des médecins contre l'euthanasie et Vivre dans la dignité - qui s'opposent à leurs prétentions - et l'Association canadienne pour l'intégration communautaire et le Conseil des Canadiens avec des déficiences - qui soutiennent le procureur général du Canada et celui du Québec.
Ils prétendent tous pouvoir apporter un éclairage différent sur certains aspects du dossier.
La juge Baudouin est toutefois d'avis que les interventions proposées, dont certaines avec dépôt d'expertises, seraient source de répétitions.
Cela aurait comme conséquence de prolonger le débat sans raison, écrit la magistrate.
Elle leur accorde toutefois le droit d'intervenir « à titre amical », qui est une intervention plus restreinte. Ce statut leur permettra de présenter des arguments oraux et écrits, mais pas de contre-interroger les témoins ni de déposer des expertises, comme certains le souhaitaient.
Dépôts d'expertises
L'autre jugement porte sur la demande du procureur général du Canada qui voulait déposer 13 expertises afin de défendre la validité des dispositions attaquées. Le procureur général du Québec appuie cette demande et a déclaré s'en remettre à ses expertises.
Ils prétendent que cela est nécessaire pour présenter au tribunal une preuve de « faits législatifs et sociaux », car il s'agit d'un nouveau régime et que le jugement à être rendu peut avoir « des incidences profondes sur la société canadienne ».
M. Truchon et Mme Gladu ne contestaient pas leur droit de déposer des expertises, mais plutôt leur nombre et la pertinence des sujets abordés.
Cela allongerait inutilement les procédures et compliquerait le débat, ont-ils plaidé, en plus d'additionner les coûts.
Bref, ne disposant pas des moyens des gouvernements, ils ont demandé au tribunal de limiter la preuve pour ne pas anéantir leur droit d'avoir accès au système de justice.
Pour eux il ne s'agit pas d'un débat de société, mais d'un litige portant sur leurs propres souffrances et leur mort.
Parce qu'elle considère notamment que ce n'est pas l'ensemble du régime législatif qui est attaqué, mais l'un des critères, soit celui de mort imminente, la juge Baudouin de la Cour supérieure restreint le débat.
Mais le dossier est complexe et justifie le dépôt de plus d'une expertise, écrit-elle. La juge n'impose pas les sujets, mais leur nombre, au total de sept.
Elle permet ainsi une expertise sur l'état de santé des deux demandeurs et sur leur admissibilité à l'aide médicale à mourir, quatre sur le lien observé entre la situation des personnes vulnérables et la société et les objectifs de la loi en lien avec le critère de la mort naturelle devenue raisonnablement prévisible, et deux sur les répercussions de l'absence d'admissibilité de la mort naturelle devenue raisonnablement prévisible à la lumière de pays ou d'États où l'aide médicale à mourir est permise.