Jean Charest, un risque?
Daphnée Hacker-b.
2013-01-11 15:00:00
Au-delà du fait que son parti ait été chassé du pouvoir, l’homme qui a représenté la circonscription de Sherbrooke durant 28 années consécutives –autant sur la scène fédérale que provinciale- a aussi jeté l’éponge après un dernier mandat marqué par un ras-le-bol populaire… et un nombre considérable d’allégations de corruption et de collusion.
En supposant que les enquêtes de la commission Charbonneau mettent à jour des pratiques douteuses dans lesquelles ont été impliqués les anciens dirigeants libéraux, qu’adviendra-t-il de Jean Charest?
Surtout, quels impacts cela pourrait-il avoir sur McCarthy Tétrault, qui a annoncé fièrement l’embauche de l’ancien chef libéral hier? Y a-t-il un risque important pour la réputation de la firme?
Pour en discuter, Droit-inc a joint Isabelle Pelletier, directrice principale des relations publiques chez Hill+Knowlton Stratégies Canada, une entreprise spécialisée en gestion de crise.
Selon vous, quels éléments ont été pris en compte par McCarthy avant d’embaucher Jean Charest?
Comme dans toute décision, ils ont certainement pesé les pour et contre d’une telle embauche. Un élément positif et déterminant est sans aucun doute le réseau incroyable que M. Charest a développé lors de ses longues années en politique, qui apportera des opportunités de business intéressantes au cabinet. Un élément qui a dû susciter quelques craintes chez McCarthy est le spectre menaçant des allégations qui pourraient se transformer en réelles accusations de corruption au cours des prochains mois.
Si de telles considérations ont été prises, on a jugé que l’embauche en valait le risque?
Exactement. Je suis certaine que les dirigeants de McCarthy n’ont pas pris une telle décision à la légère. Elle a été pesée et soupesée. On a jugé que les bénéfices seraient plus grands que les inconvénients.
Cela ne reste que des spéculations au final. Considérez-vous que McCarthy a pris un grand risque?
Étant donné la structure de la commission, qui prévoit de mettre sous enquête des allégations anonymes, c’est certainement un grand risque pour l’image du cabinet. Les avocats, qui représentent la loi, doivent bien sûr être des « incorruptibles » et ne pourront bien paraître en présence d’un associé entaché. Le risque est surtout au niveau de la réputation publique du cabinet, qui peut avoir un impact sur les affaires.
Mais que fera McCarthy si M. Charest est directement visé par des allégations?
L’équipe est bien consciente des risques qui accompagnent la venue de M. Charest dans ses rangs, elle doit donc avoir pris les mesures nécessaires pour se préparer à réagir vite à une possible allégation et à une accusation.
Vous voulez dire que les communiqués de presse sont déjà écrits, que tout le monde est prêt à recevoir une attaque?
Oui, ou à peu près! La clé d’une bonne gestion de crise médiatique, c’est de la prévoir, mais surtout, de préparer les troupes le mieux possible. Il faut déterminer bien à l’avance qui agira à titre de porte-parole. Il faut aussi s’assurer d’une bonne communication interne en informant les membres du personnel afin qu’ils véhiculent tous un message uniforme à celui des relationnistes.
Alors c’est avec une communication bien formatée que McCarthy réussira à sauver sa réputation en cas de crise?
La règle numéro un lors d’une crise est de dire la vérité et d’expliquer les faits. S’ils s’en tiennent à ce principe de base et que leur communication est claire et précise, ils réussiront peut-être à tirer leur épingle du jeu le temps de la tempête.
S’ils tiennent bon durant la tempête, leurs d’affaires ne risquent pas d’en être trop affectées?
Il est très difficile de calculer les répercussions économiques qu’engendre la crise d’image d’une entreprise, car elles varient d’un cas à l’autre. En général, les affaires vont un peu moins bien durant quelque temps, et rapidement les choses reviennent à la normale. Dans le cas de la réputation de McCarthy, elle est certainement menacée, mais par des situations qui sont encore très hypothétiques. Tout dépendra de l’envergure des allégations, s’il y en a. Et surtout, si celles-ci visent des membres du Parti libéral, c’est une chose, si elles visent directement M. Charest, ce sera encore plus délicat.