La comptable entrepreneure… et avocate
Sylvie Lemieux
2018-02-28 13:15:00
Une bonne idée, car porter ces deux chapeaux représente un avantage indéniable dont profite aujourd’hui sa clientèle.
« Alors que des comptables fiscalistes interviennent dans le cadre d’une situation ponctuelle comme une transaction, par exemple, moi, j'accompagne les entreprises sur le long terme », dit l’associée et conseillère d’affaires au sein de l’équipe Fiscalité chez MNP depuis juin 2017.
Elle est en effet bien placée pour comprendre la réalité des dirigeants qu’elle conseille aux différentes étapes de l’évolution de leur entreprise, du démarrage à la planification de la relève.
Une frontière ténue
Anne-Marie Dupras a d’abord obtenu son titre comptable avant de compléter une maîtrise en fiscalité à l’Université Concordia, au milieu des années 80. C’est durant cette formation qu’elle tâte du droit pour la première fois. C’est la révélation. Diplôme en poche, elle décide de s’inscrire au baccalauréat en droit à l’Université McGill, qu’elle complète en 1989.
Une fois reçue au Barreau, en 1990, elle prend toutefois la direction de l’entreprise familiale, qui œuvre dans le domaine récréotouristique, en vue de prendre la relève. « Finalement, nous avons plutôt décidé de vendre. Il reste que cette expérience comme entrepreneur me sert aujourd'hui dans mon travail. »
Dans les familles en affaires, la frontière n’est jamais nette entre les relations familiales et les relations de travail. « Pour l’avoir vécu, je sais que ce n’est pas toujours facile de savoir à quel moment je parle au dirigeant en tant que fille ou en tant que membre de l’exécutif. Cela devient souvent un enjeu, une source de frustration pour les deux générations. »
Elle a appris de ces expériences, et en fait profiter sa clientèle. « Dans ces moments-là, c’est bon qu’une tierce personne vienne arbitrer. Il faut toutefois faire attention de ne pas se mettre entre l’arbre et l’écorce », conseille-t-elle.
Tous les jours, elle peut être confrontée à ce genre de situation puisque sa clientèle est composée principalement d’entreprises privées de propriété canadienne.
Travailler de concert avec les avocats
Dans plusieurs dossiers, que ce soit pour effectuer un gel successoral, mettre en place une fondation, planifier un legs à ses enfants, Anne-Marie Dupras travaille en collaboration avec avocats et notaires. « Ils s'occupent de rédiger la documentation juridique. Je la révise ensuite pour m'assurer que tout se tient sur le plan fiscal et que cela atteint les objectifs de l'entrepreneur. »
Elle a développé une expertise dans les régimes d’actionnariat des employés, qui peuvent être une solution avantageuse dans les cas de relève d’entreprise ou pour retenir des employés-clés. Dans ces dossiers, plusieurs aspects sont à considérer sur les plans financier, fiscal et juridique qui l’amènent à collaborer avec une équipe d’experts pour mener à bien l’opération.
À maintes occasions, elle est intervenue dans le cadre de transactions d’envergure quand ses clients procédaient à une acquisition ou à la vente de leur entreprise. « Dans ces situations, les questions fiscales sont tellement importantes. Une fois que les deux parties se sont entendues sur la mécanique de la transaction, il faut s’assurer qu’elle soit avantageuse sur le plan fiscal. » Il arrive souvent qu’après examen, acheteur et vendeur doivent se rassoir pour revoir la façon de faire.
Prenons le cas d’un entrepreneur qui reçoit une offre d’un acheteur. Celui-ci propose de se porter acquéreur des actifs de l’entreprise seulement, quitte à y mettre le prix. Il évite ainsi d’hériter du passé de l’entreprise et se protège contre d’éventuelles poursuites. Si l’offre est alléchante pour le vendeur, l’impact fiscal de la transaction peut être à son désavantage.
« Une fois qu’on a calculé l’impôt à payer, il se rend compte qu’il a moins d’argent dans sa poche qu’il pensait. Il a intérêt à retourner à la table de négociation pour proposer une solution qui soit avantageuse autant pour lui que pour l’acquéreur. Je travaille alors de concert avec les avocats pour tenter de rapprocher les parties. »
L’enjeu : des dizaines de millions de dollars en plus ou en moins dans le patrimoine du vendeur.
« Cela peut faire une différence dans le projet de retraite de mon client. On a des responsabilités importantes pour toujours donner de bons conseils. Pour cela, il faut se tenir au fait des nouvelles règles fiscales et aussi de l'interprétation des tribunaux qui évolue avec le temps. »