Comptables

Qualifier la quantité

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Jean-francois Parent

2016-12-12 14:30:00

Établir la juste valeur d’un dommage va bien au-delà du simple exercice comptable. Tout est question de contexte, explique cette juricomptable…
Mélissa Chevalier du cabinet Mazars
Mélissa Chevalier du cabinet Mazars
Il ne s’agit pas que de savoir compter, encore faut-il savoir quels chiffres comptabiliser, et surtout leur donner du contexte. Car lorsqu’il s’agit d’évaluer un dommage, tout est question de contexte, explique la juricomptable Mélissa Chevalier, qui s’est jointe au cabinet Mazars au printemps dernier.

Elle cite le cas d’un ancien client, un horticulteur dont la pépinière a perdu une part importante de sa production, voici quelques années. « Il fallait calculer le bénéfice futur perdu pendant la durée du sévice. Pour y arriver, il fallait tenir compte de son marché, de ses débouchés, de sa distribution, des risques inhérents à une telle production, du temps de récolte perdu, etc. »

Calculer simplement la valeur d’un plant d’arbre ou de fleur ne suffisait pas. Il fallait arriver à une analyse qui tienne compte d’une foule de variables essentielles à la bonne marche d’une pépinière.

Et pour compliquer davantage les choses, pour les plants de frênes, par exemple, il faut également comptabiliser des scénarios comme la dévastation éventuelle—et la perte d’une récolte future—causée par l’agrile du frêne…

Des expertises

Les expertises de la directrice principale des services de juricomptabilité chez Mazars sont sollicitées surtout lorsqu’il y a litige sur la valeur à accorder à une situation. Notamment en matière matrimoniale.

« J’ai beaucoup de dossiers portant sur la séparation de biens », explique Mélissa Chevalier. Les cas les plus notoires où l’on aura besoin de ses lumières consistent par exemple, à déterminer la juste valeur des actifs d’un entrepreneur.

« L’entrepreneur qui a une société qui est profitable et qui se paierait un salaire en dividendes n’aura pas un revenu élevé. Par contre, en évaluant la valeur de sa participation dans la compagnie, on arrive à un portrait plus juste », qui tient compte des actifs qui ne sont pas identifiés ou explicitement rapportés dans les états financiers.

La juste valeur

Mais ce ne sont pas que les couples en rupture qui font appel aux services de Mélissa Chevalier. Elle intervient souvent dans des causes où il s’agit d’avoir l’heure la plus juste possible en fonction des situations. Lors de disputes entre actionnaires par exemple, alors qu’il faudra savoir qui détient quoi, et combien vaut la part détenue.

Plusieurs méthodes comptables peuvent s’appliquer dans la réalisation d’une évaluation.

« Il y a la méthode ‘’avant-après’’, qui tient compte des revenus, du secteur dans lequel la société opère, et des conditions de marché avant et après un événement », explique Mélissa Chevalier.

Enfin, la méthode dite des comparables, utilisée pour les start-ups par exemple, qui consiste à évaluer les variables financières d’une entreprise n’ayant pas d’historique selon ce que des entreprises de mêmes types déclarent. On se retrouve alors souvent avec de beaux défis, car, « comment évaluer des choses comme l’innovation, ou la propriété intellectuelle d’une entreprise qui n’a pas encore de revenus ? », explique Mélissa Chevalier.

Au service du tribunal

« Mon client, c’est le tribunal ; c’est au juge que je dois expliquer les tenants et aboutissants de mes analyses et l’amener à comprendre comment j’arrive à mes conclusions », relate Mélissa Chevalier. Ainsi, ses interventions ne se limitent pas qu’à évaluer ceci ou cela, encore faut-il que son évaluation soit comprise de tous. « Il faut que mes rapports soient accessibles, puisqu’ils serviront à toutes les parties. »

Elle déplore qu’on fasse trop souvent appel à elle alors que la dispute est déjà bien avancée. « Si on attend trop à la dernière minute, on prend le risque de tomber de haut », dit-elle. Par exemple, la partie qui fera appel à elle pour évaluer le montant d’un dommage aura passé du temps à négocier en fonction d’un montant donné, sans connaître la réelle valeur de ce montant. « Les négociations sont rompues, on décide d’escalader le litige et on m’appelle pour que j’évalue les dommages pouvant être réclamés. Et parfois, je conclus à une valeur inférieure à celle à laquelle on s’attendait. »

Et la partie qui réclame se retrouve gros-jean comme devant, puisque la valeur estimée servant à documenter la cause vient d’être dégonflée…« Si on m’avait contactée plus tôt dans le processus, on aurait pu éviter beaucoup de soucis en travaillant à partir des vraies données. Mais c’est souvent quand on se rend compte qu’on ne peut pas régler qu’on m’appelle… »
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