Tout savoir sur le droit de la consommation
Isabelle Leclerc
2015-06-01 11:15:00
Dans son nouvel ouvrage, Droit de la protection du consommateur : théorie et pratique, sa passion et ses qualités de pédagogue sont palpables. Chaque chapitre illustre son souci de rendre la matière compréhensible, intéressante et ancrée dans la réalité, que ce soit pour les étudiants, les consommateurs ou ses collègues juristes. Et pour ce faire, le professeur n’a pas hésité à faire preuve d’originalité : aux exemples concrets de l’application de la loi – extraits de décisions, de clauses de contrats ou de publicité – s’ajoutent des dessins de Pascal Élie, l’avocat-caricaturiste qui sait comme nul autre croquer le monde juridique !
Nous nous sommes entretenus avec le professeur Lafond.
En parcourant votre ouvrage, les appellations « droit de proximité » et « droit du quotidien » nous viennent spontanément à l’esprit. S’agit-il de votre vision du droit de la consommation ?
Le droit de la consommation concerne tout le monde. C’est en effet un droit qui nous touche au quotidien. Il est plus incarné, par exemple, que le droit des contrats ou le droit des obligations. La Loi sur la protection du consommateur est aussi importante que le Code civil.
Les consommateurs ne devraient pas être considérés comme un sous-groupe, ils sont une catégorie très importante, à un point tel que le législateur a décidé de les protéger en raison de leur vulnérabilité.
Dans votre ouvrage, vous dites que le droit doit se tourner vers l’obligation d’intelligibilité de l’information. Le consommateur est souvent submergé d’information et cette surabondance n’est pas bénéfique.
Effectivement. Un des mécanismes favorisés par le législateur depuis les années 70 est d’informer le consommateur, croyant que s’il est mieux informé, il sera mieux protégé. À mon avis, l’intention est bonne, mais nous avons fait fausse route. Ce mécanisme n’a pas fait ses preuves. Les commerçants y étant obligés, ils fournissent bel et bien de l’information, mais il en résulte des contrats de 9-10 pages pour des transactions aussi simples qu’une location de voiture, par exemple. De plus, le langage utilisé est très technique, juridique. Un contrat devrait être intelligible pour le consommateur moyen.
L’émission La facture a réalisé un reportage très révélateur à ce sujet cet automne : elle a fait passer un test de compréhension d’un contrat de téléphonie cellulaire à des étudiants en droit. Les étudiants étaient incapables de déchiffrer le texte. Imaginez alors le consommateur sans aucune notion juridique !
Est-ce dans ce sens que vos collègues et vous-même revendiquez l’adoption d’un Code de la consommation ?
Oui et non. Personnellement, je milite pour la création d’un Code de la consommation depuis longtemps, mais pas seulement pour ces raisons.
Le droit de la consommation date des années 70 et il s’est beaucoup complexifié depuis.
Au-delà de la Loi sur la protection du consommateur se greffe un ensemble de lois (par exemple, la Loi sur les préarrangements funéraires ou la Loi sur le recouvrement de certaines créances),
ce qui fait que nous nous retrouvons maintenant avec un ensemble de lois disparates. La Loi sur la protection du consommateur a elle-même subi des modifications par phases depuis 2007 afin d’être modernisée et d’autres sont à venir. Un grand ménage serait nécessaire pour retrouver une cohérence dans ce « patchwork ».
Une autre utilité d’un Code de la consommation serait l’établissement de principes directeurs. On retrouve présentement plusieurs règles, mais aucuns principes généraux pouvant guider les intervenants en cas d’absence de règles spécifiques. Ces principes sont pourtant nécessaires pour interpréter la loi et permettre aux acteurs de s’y référer.
J’imagine également ce Code rédigé dans un langage accessible aux consommateurs, afin qu’il soit compris et utilisé par les gens qui se représentent seuls devant les petites créances, par exemple. C’est un peu ce que je souhaite pour mon livre. Bien que ce ne soit pas son objectif premier, j’espère qu’il réussira à expliquer de manière simple le droit de la consommation afin d’aider le citoyen « ordinaire » à s’y retrouver.
Vous êtes président de la Fondation Claude Masse. Pouvez-vous nous parler des prochaines activités qui seront proposées ?
La Fondation organise un colloque tous les deux ans et le prochain se tiendra le 12 novembre. Il sera consacré au consommateur numérique. On se demandera si le consommateur qui effectue des transactions en ligne bénéficie d’une protection adéquate, si les lois sont adaptées à ce type de transaction. Une douzaine de conférenciers seront présents. Et nous publierons les actes du colloque en 2016, pour ceux qui ne peuvent participer à cette journée.
Nous travaillons également sur un nouveau projet pour l’automne ou l’hiver. Il s’agit d’un cycle de conférences. Cinq-six courtes conférences seront présentées chaque année. Cette tribune permettra de discuter de jugements d’actualité (l’arrêt Marcotte de la Cour suprême est un bon exemple de jugements qui mériteraient d’être soulignés) et de faire valoir les nombreuses recherches qui sont menées par les associations de consommateurs et qui, à mon avis, ne sont pas assez diffusées. Ce cycle de conférences permettra également aux intervenants du milieu de se rencontrer plus régulièrement, il favorisera la création d’un réseau, ce qui est entièrement aligné avec la mission de la Fondation Claude Masse.
Pour plus d’informations sur l’ouvrage, cliquez ici.