Action ou réaction des cabinets ?

Depuis vingt ans, les horaires de travail sont devenus plus flexibles dans à peu près toutes les professions (même les comptables embrassent le mantra de la conciliation travail-vie personnelle!), toutes, sauf en droit, une profession demeurée inflexible, figée dans ses coutumes.

Ces dernières années, néanmoins, les cabinets d'avocats américains ont été contraints de repenser à la façon qu’ils avaient depuis toujours de gérer les affaires, s’ils voulaient demeurer pleinement concurrentiels. Car de toute évidence, la conciliation travail-famille devait être prise en considération et trop d’avocats étaient surchargés de travail, dépressifs et quittaient leur emploi.

Moins évidents, mais potentiellement plus dramatiques, sont les signes démontrant que les cabinets américains considèrent dorénavant sérieusement ralentir la ruée vers la porte. Jusqu'en 2008, les changements, impliquant entre autres une révision de la facturation, des horaires de travail et du cheminement au partenariat, se faisaient plus dans les plus petits cabinets. Mais depuis, certains des plus grands et plus rigides employeurs en prennent note et entreprennent des changements majeurs.

Un mouvement

"Il y a des choses qui se passent partout, et suffisamment pour parler d’un mouvement", a déclaré Deborah Epstein Henry. Mme Henry a fondé « Flex-Time Lawyers », un cabinet conseil créant des initiatives encourageant l'équilibre travail-vie personnelle pour les cabinets d'avocats à travers les États-Unis, tout en mettant l'accent sur la rétention et la promotion des femmes.

"Les cabinets ne considèrent pas cela comme un mouvement, parce que ces changements se déroulent dans l'isolement, un cabinet à la fois. Mais si vous faites un pas en arrière et que vous voyez l’image globale, il y a définitivement un changement réel. "

Projet américain « FACTS »

En décembre 2007, un projet ambitieux de Mme Henry était publié dans le magazine américain « Diversity and the Bar ». Son plan, appelé « FACTS » - pour Fixed Annualized Core Targeted Shared, vise l'assise rocheuse des cabinets – les heures facturables, moyen utilisé par les avocats pour calculer leurs honoraires depuis plus de 50 ans.

Selon la proposition de Mme Henry, le temps de travail peut être:

Fixe : permettant aux avocats de choisir du travail de plus petite envergure afin de diminuer les heures « imprévisibles » et ainsi mieux contrôler leur horaire;

Annualisé : périodes intenses de travail et d’adrénaline suivies de périodes relativement plus « calmes » et plus contrôlées;

Compressé : impliquant des blocs horaires déterminés et dédiés au travail et aux engagements familiaux ou personnels;

Ciblé : avec un objectif d’heures convenu et établi annuellement, personnalisé pour chaque avocat(e), et avec compensation ajustée en conséquence; et

Partagé : emphase sur le travail d’équipe et la division des responsabilités et tâches.

Cette proposition a été présentée à la fin de 2007, alors que des cabinets américains avaient déjà commencé, à contre cœur, à s’éloigner du mode de facturation horaire, et que certains l’avaient déjà même éliminé. Depuis, plusieurs cabinets de toutes tailles ont emboîté le pas et ont procédé à des changements majeurs.

Quelques exemples de changements

Rosen, de Raleigh, en Caroline du Nord, l'un des plus grands cabinets en matière de divorce sur la côte est américaine a complètement éliminé la facturation horaire et charge plutôt à ses clients des honoraires forfaitaires.

De même, Dreier, un cabinet ayant des bureaux à New York et Los Angeles, paie dorénavant ses avocats sur une base salariale et de primes basées sur les revenus générés, et non les heures facturées.

Chez Quarles & Brady, un cabinet dont le siège social est à Chicago, non seulement les exigences d'heures facturables ont été éliminées, les congés parentaux ont été prolongés.

Howrey, un cabinet de renommée mondiale, situé à Washington, prévoit dorénavant les augmentations salariales basées sur les résultats, et non les heures facturables ou l'ancienneté. Cela permet à certains avocats de parvenir à un partenariat plus tôt et d'autres plus tard. Il permet également aux avocats de travailler à leur propre rythme, faisant en sorte qu’ils puissent avoir une vie plus équilibrée, en contrepartie d’un salaire inférieur.

Il convient de noter que ce n'est pas la première fois qu’aux États-Unis la profession se voit pressée pour du changement. Cela fait 8 ans déjà que le American Bar Association a publié un rapport visant à mettre fin aux heures facturables.

Un signe avant-coureur de l'évolution des mentalités pourrait bien être le mémoire déposé par le cabinet Weil Gotshal & Manges, de New York, demandant à un juge de reporter les audiences prévues pour le 18, 19, 20 et 27 décembre 2007. «Ces dates sont en plein milieu des vacances d'hiver de nos enfants, et il s’agit souvent pour nous des seuls moments pour être avec eux», ont écrit les avocats.

Le juge a déplacé les audiences…