Tête-à-tête avec la nouvelle boss du Port de Québec

Changement de cap pour Me Olga Farman. Ancienne associée directrice du bureau de Québec chez Norton Rose, elle occupe désormais le poste de présidente-directrice générale du Port de Québec.

Elle succède ainsi à Mario Girard, qui a dirigé l’institution pendant 14 ans. En poste depuis le 1er février dernier, Me Farman n’est pas étrangère aux enjeux du Port : présidente de son conseil d’administration depuis juin dernier, elle en était membre depuis 2020.

Quels défis l’attendent ? Comment compte-t-elle naviguer dans un contexte de tensions avec les États-Unis sur les tarifs douaniers ? Quel regard porte-t-elle sur cette ville qui l’a vue grandir ? Droit-inc s’est entretenu avec la nouvelle patronne du Port de Québec.

Qu'est-ce qui vous a poussé à accepter ce rôle de présidente-directrice générale?

Ce n'était pas du tout dans les cartons, si on peut se permettre l'expression… C'est vraiment une opportunité qui s’est présentée à moi. J'étais au conseil d'administration depuis plusieurs années et j'avais annoncé à l'automne passé que je terminais mon mandat comme associée directrice chez Norton Rose.

Quand Mario Girard a fait part de son départ pour devenir délégué général du Québec au Japon en novembre, il semble que les étoiles se soient alignées. Je suis une avocate profondément attachée à ma communauté. Ce rôle représentait donc une opportunité idéale pour poursuivre mon engagement sous un nouvel angle.

Vous venez de le mentionner, vous avez été membre du conseil d'administration. Quels défis et enjeux avez-vous pu identifier?

J’ai travaillé de très près sur les questions liées aux chaînes d’approvisionnement et à la logistique. Je me suis également intéressée aux enjeux citoyens et au développement durable. Grâce à mon implication au sein du conseil d’administration, j’ai pu avoir une vision d’ensemble : les réussites, les défis, les objectifs, le plan d’action…

Depuis ma nomination, j’ai pris le temps de m’instruire, d’analyser en profondeur le contexte et la réglementation propre à l’administration portuaire. Le Port de Québec évolue dans un cadre législatif unique, ce qui demande une compréhension fine des règles qui l’encadrent. Je suis dans une phase d’apprentissage et d’observation, mais cela ne m’a pas empêchée de passer rapidement à l’action…

Quelques jours après mon entrée en fonction, nos voisins américains ouvraient les hostilités au niveau de la guerre tarifaire. Rapidement, on s'est mis au cœur de la réflexion et de la stratégie québécoise pour soutenir nos entreprises.

Justement, quelle est la réalité économique du Port de Québec? Comment la guerre tarifaire avec les États-Unis va-t-elle impacter le port?

Il faut, avant tout, opter pour un repositionnement stratégique. L’administration portuaire a un rôle clé à jouer dans le développement économique de la région. Le Québec est une province riche en ressources naturelles, mais encore faut-il pouvoir les transporter et les exporter efficacement.

Le Port de Québec bénéficie vraiment d’un positionnement exceptionnel, à la fois par sa profondeur d’eau et sa situation géographique stratégique.

Comment se positionne-t-il par rapport aux autres ports canadiens?

On est dans l’un des trois plus importants ports québécois en termes de manutention. Il s’agit d’un port très innovant et connecté à sa communauté.

Quand on pense qu'on est l’un des plus importants ports canadiens, placé au cœur d’une ville historique et classée au patrimoine mondial de l'UNESCO, ça rend le défi encore plus complexe mais aussi très stimulant. En termes de gouvernance et de partenariats, on a également de très belles relations d’affaires.

Vous étiez auparavant associée directrice chez Norton Rose au bureau de Québec. On imagine que cela vous a donné aussi une certaine réalité de ce qui se passe dans ce territoire…

Mon passage comme associée directrice chez Norton Rose a été une expérience exceptionnelle. L’exigence y est très élevée : on nous pousse à atteindre les standards les plus ambitieux… et à les dépasser, surtout lorsqu’on a le privilège d’occuper un poste de direction.

Cette expérience m’a permis d’acquérir une compréhension approfondie de la gestion d’une grande organisation et des réalités économiques du territoire. Il faut aussi rappeler que nous avons traversé trois années marquées par la pandémie, un contexte qui a mis à rude épreuve les entreprises et exigé une grande capacité d’adaptation. Cette immersion au cœur de l'économie québécoise m’a permis de mesurer l’expertise et la résilience de nos entreprises.

Quel nouveau souffle aimeriez-vous apporter au Port de Québec?

Mes racines sont profondément ancrées dans le fleuve, j’ai une réelle sensibilité par rapport au développement durable et à l'efficacité des opérations. Mon objectif est de mettre en place un plan d’affaires innovant, créatif, et axé sur la création de richesse.

Avez-vous déjà établi un plan de match?

Durant les premières semaines, on prend surtout le temps de s'instruire. Ça prend beaucoup de temps pour découvrir l'organisation…

J'ai également fait partie de l'implantation du plan stratégique et de la vision 2035, élaboré par le conseil d’administration. On a des mesures très concrètes comme l’élaboration d'un plan de verdissement. On veut également mettre en place des mesures pour être plus connectées à la population en bonifiant l’offre récréotouristique et la consultation citoyenne, en optimisant l’aménagement du territoire portuaire…

Vous l’avez dit, vous avez un attachement particulier à la ville de Québec. Quel est votre regard sur son développement ces dernières années?

J’ai un profond attachement à la nation québécoise, ses valeurs, son identité et sa langue. J’ai un fort sentiment d'appartenance, bien que mes parents viennent d'Iran. En tant qu'enfant d'immigrants, j'ai toujours eu une double responsabilité de réussir et de m'intégrer à ma communauté mais aussi de la rendre plus riche et plus forte.

Je suis arrivée à Québec en 1997 pour débuter mon baccalauréat en droit à l’Université Laval, la ville m’a vue grandir. Tout au long de mon parcours, je me suis engagée dans de nombreuses causes. Aujourd’hui, c’est une véritable fierté de faire partie d’une société qui incarne des valeurs que je partage, d’autant plus dans un contexte mondial où certains principes fondamentaux, comme l’équité, l’égalité et la diversité, sont de plus en plus remis en question.