Les pressions du juge en chef Wagner ont porté fruit
Radio-canada Et Cbc
2024-06-04 10:15:07
Depuis un an, Ottawa a accéléré la cadence des nominations à la magistrature…
Le ministre de la Justice du Canada ne s’en cache pas : les pressions extérieures ont forcé la main du gouvernement fédéral et mené à la nomination d’un nombre record de juges au cours de la dernière année.
Arif Virani a nommé plus de 100 nouveaux juges à des cours fédérales depuis son arrivée en poste en juillet dernier, un rythme qu’il qualifie de sans précédent à Ottawa. Il y a actuellement 57 postes vacants au sein de la magistrature fédérale, comparativement à 85 il y a un an.
Le rythme des nominations a considérablement augmenté après que le juge en chef de la Cour suprême du Canada, Richard Wagner, a publiquement critiqué la pénurie de juges au Canada il y a près de 12 mois.
« C'est sûr qu’il a eu une influence », affirme Arif Virani en entrevue à Radio-Canada.
Dans une lettre au premier ministre Justin Trudeau en mai 2023, Richard Wagner affirmait en effet que la confiance des Canadiens envers le système de justice était en jeu.
Selon lui, la pénurie de juges pourrait notamment mener à l’avortement de plusieurs procès pour des crimes violents.
« La situation actuelle est intenable et je crains qu'elle ne résulte en une crise pour notre système de justice, qui fait déjà face à de multiples défis. L'accès à la justice et la santé de nos institutions démocratiques sont en péril », soutenait Richard Wagner.
Un processus accéléré
Arif Virani affirme que le gouvernement a réagi efficacement à cet avertissement, notamment en réduisant les délais requis pour les enquêtes de sécurité sur les futurs juges.
Celui-ci ajoute qu’il a aussi accru le nombre de personnes qui travaillent aux nominations au sein de son cabinet ministériel, en plus de faire des changements aux comités responsables d’évaluer les candidatures aux postes de juge.
Ces comités consultatifs à la magistrature sont maintenant constitués pour trois ans, soit une année de plus qu’auparavant. Ceci leur permet d’évaluer plus d’avocats qui veulent accéder à la magistrature.
« Il faut en faire un peu plus et plus rapidement », confie le ministre Virani. « J'ai déjà nommé 113 juges en 10 mois, c'est un rythme qui est le plus élevé de n'importe quel ministre jamais dans l'histoire du Canada ».
Dans une lettre qu’il vient d’envoyer à Richard Wagner, Arif Virani dit que 94 % des 996 postes de juge au Canada sont actuellement pourvus, sans compter les 250 juges surnuméraires qui siègent à mi-temps.
De plus, Ottawa a augmenté le financement pour l’aide juridique au pays, afin d’offrir des services d’avocats à des personnes qui seraient obligées de se représenter seules devant le système de justice.
« Nous savons que le nombre élevé de personnes qui se représentent seules contribue à l'augmentation des retards judiciaires. En fait, ces personnes peuvent mieux s’y retrouver plus rapidement dans le système juridique grâce à l’aide d’un avocat ou d’une avocate », explique Arif Virani dans sa lettre à Richard Wagner.
Il ajoute qu’il espère que les provinces, qui sont responsables de l’administration de la justice, augmenteront leur financement pour l’aide juridique et veilleront au « maintien d’une infrastructure judiciaire et d’un personnel suffisant dans les salles d’audience ».
En entrevue, il ajoute qu’il est particulièrement fier des efforts de son gouvernement pour accroître la diversité au sein de la magistrature, affirmant que cela nourrit la confiance du public dans le système de justice.
Québec veut plus de juges
Le gouvernement Legault a fréquemment critiqué le nombre de postes vacants à la Cour supérieure du Québec.
La demande a été reprise par la juge en chef de la Cour supérieure du Québec, Marie-Anne Paquette, qui note que les retards judiciaires ont des répercussions non seulement sur les dossiers au criminel, mais aussi sur ceux au civil.
Environ 90 % des causes entendues par la Cour supérieure du Québec sont de nature civile, souvent dans des situations de séparation ou de divorce, de perte d’emploi ou de conflits commerciaux.
Arif Virani dit qu’il est prêt à continuer les discussions avec son homologue du Québec, Simon Jolin-Barrette.
« Ce n'est pas un conflit avec M. Jolin-Barrette, mais c'est plus un dialogue avec lui », ajoute le ministre fédéral de la Justice.
Il se dit prêt à étudier les demandes du Québec, tout en tenant compte des demandes des autres provinces.
« Je suis le ministre pour tout le Canada, donc il faut toujours équilibrer les demandes de n'importe quelle province, partout au Canada », explique Arif Virani.
À Québec, le gouvernement demande encore à Ottawa de créer neuf nouveaux postes de juge à la Cour supérieure du Québec pour répondre aux besoins du système de justice.