La cassette surprise
Julie Tondreau
2012-03-15 14:15:00
Pour ceux et celles qui ont appris la méthode d’écriture rapide ou la sténo, c’était une invention révolutionnaire. Quelle joie de ne plus être interpellée à tout moment pour prendre en dictée une lettre à la vitesse de l’éclair, puis avoir de la difficulté à reconnaître ses propres petites pattes de mouche au moment de la taper!
Cependant, même si la dictée sur cassette était manifestement la bienvenue, il arrivait que dans le feu de l’action, nous soyons victimes de cette technologie. Reculer une cassette avant de le début de son écoute et effacer une cassette après le travail effectué, étaient des gestes tellement « robotisés » qu’il m’est arrivé d’inverser ces deux actions. Comment expliquer à ma patronne qu’elle doive recommencer le résumé d’un procès en entier?
Certains appareils étaient tellement usés que la vitesse pouvait passer instantanément de la voix d’un extra-terrestre à celle d’un ogre. À d’autres occasions, c’était plutôt la cassette qui était sur le point de rendre l’âme en nous faisant entendre l’ancienne dictée superposée à la nouvelle. Encore une fois, il fallait demander à l’avocat de recommencer son travail.
Si par malheur votre patron avait l’habitude de faire de longues dictées, vous deviez prier pour qu’il ne vous demande pas de retrouver une lettre dans un dossier X et de la faire en urgence. Vous comprendrez que la plupart du temps, la lettre en question ne se trouvait pas au début de la cassette. L’écouter de long en large pour s’assurer d’avoir le bon dossier, pouvait être aussi long que de faire le travail dicté en entier.
Une cassette était comme une boîte à surprise. Un jour, recevoir une pile de dossiers accompagnant une cassette pouvait vouloir dire une journée de travail laborieux. Le lendemain, la même quantité de dossiers pouvait nous demander seulement 5 minutes de notre temps, puisque notre patron ne faisait que demander un report à l’agenda pour chacun d’eux.
Une cassette très longue pouvait aussi nous induire en erreur. C’est ainsi qu’un jour, me préparant pour un travail de longue haleine, mon patron commença sa dictée par « Julie, si t’avais rencontré mon client hier, tu serais tombée en bas de ta chaise... » Il se vida le cœur et me refit vivre son entrevue, mais à la manière d’un humoriste. Ce client dénudé de classe et d’empathie passait manifestement dans le tordeur! Bien que je riais de bon cœur, je me sentais coupable de m’amuser pendant que mes collègues se démenaient au travail, telles de petites abeilles.
La dictée numérique semble avoir pallié divers problèmes, mais d’après moi, elle doit aussi fermer les portes à quelques-uns de ces petits moments cocasses...
Sur l'auteure:
Julie Tondreau est directrice de la formation, auteure et éditrice juridique de Confections juridiques M.T. Auparavant, elle a été secrétaire juridique pendant 11 ans.