Les barreaux veulent invalider les lois québécoises !

Delphine Jung
2018-04-16 15:00:00

Les deux barreaux, qui sont présidés par Paul-Matthieu Grondin et Brian Mitchell, estiment que le processus d'adoption des lois par le législateur québécois n'est pas conforme à la Constitution canadienne.
D’après l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, l'adoption des textes législatifs doit se faire simultanément en français et en anglais.
Les deux barreaux affirment plutôt que l’Assemblée nationale établit un processus législatif pratiquement unilingue, suivi d'une traduction à la toute fin du processus d'adoption.
« Le gouvernement du Québec respecte ces obligations constitutionnelles. On ne partage pas du tout l’opinion tant du Barreau de Montréal que du Barreau du Québec. On va donc faire valoir nos arguments devant les tribunaux pour contester les allégations qui se trouvent dans la requête », a déclaré la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée.
Pour défendre leur position, les demandeurs reviennent sur l’adoption du Code de procédure civile en 2014.
Allégations contre la ministre de la Justice

« Face au constat de l’absence de cohésion entre la version française et anglaise, voire des incohérences et contradictions, la ministre de la Justice du Québec a eu recours au processus dit d’amendement administratif afin de tenter de « corriger » le texte », poursuivent-ils.
Ces changements dépasseraient les simples corrections de style, fautes de frappe ou erreurs grammaticales. Ils seraient donc de véritables amendements. Or, la ministre de la Justice ne peut pas modifier le droit de manière substantielle.
« La ministre de la Justice contourne la législature, modifie le droit substantiel et écarte le Parlement du Québec du rôle qui lui revient », peut-on encore lire.
Des questions soulevées dès 2011

En juillet 2015, la bâtonnière de Montréal, Me Magali Fournier, écrivait aussi à la ministre de la Justice que le Code de procédure civil n’a pas été adopté conformément à l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Dans la requête, les demandeurs rappellent que de nombreuses négociations en ce sens ont été menées, en vain.
Aujourd’hui, ils estiment que la version anglaise du Code de procédure civile « n’est pas l’œuvre du législateur, mais plutôt le fruit de l’interprétation qu’en ont fait les traducteurs de l’Assemblée nationale ».
Autre exemple qui prouverait que les versions anglaise et française ne stipulent pas toujours exactement la même chose, et donc n’ont pas la même valeur juridique : l’article 439.1 du Code de la sécurité routière.
Dans sa version française, il prévoit que le cellulaire ne peut être utilisé lorsque le conducteur le tient dans ses mains, alors que la version anglaise a été interprétée de manière plus large par les tribunaux, sans que le conducteur ait nécessairement à avoir l'appareil en main.
La question peut se poser quant à la version qu’un juge privilégiera.
Pour ces motifs, les deux barreaux demandent à la Cour supérieure du Québec de déclarer inconstitutionnels tous les règlements et décrets qui n’ont pas été adoptés selon les exigences de l’article 133 de la Constitution.
Ils souhaitent enfin que la Cour détermine le délai raisonnable pour que le « Parlement du Québec adopte, imprime et publie toutes les lois du Québec ».
S'ils n'ont pas gain de cause, les demandeurs réclament qu'à tout le moins, le Code de procédure civile du Québec soit déclaré « inconstitutionnel, inopérant, nul et sans effet ».
Droit-inc a essayé de joindre plusieurs professeurs constitutionnalistes, mais tous ont décliné les demandes d’entrevues, expliquant qu’ils faisaient partie des experts au dossier.
Le Barreau du Québec a de son côté mentionné qu’il ne réagira pas ni ne commentera ce dossier qui est devant les tribunaux.
Quant au bâtonnier de Montréal, il n’avait pas répondu à nos demandes au moment de publier ces lignes.
Pour lire la requête déposée, cliquez ici