Les Hassidims exempts de taxes municipales
Gabriel Poirier
2022-05-03 13:15:00
Les hassidim, qui respectent intégralement les lois religieuses du judaïsme, ont obtenu une exemption de taxes municipales pour six immeubles situés à Boisbriand, dont deux écoles de garçons et deux écoles de filles, et deux CPE non mixtes.
Le Centre avait obtenu gain de cause en août 2020 dans une décision du juge Serge Champoux, de la Cour du Québec. Cette décision renversait un jugement du Tribunal administratif (TAQ), qui donnait en octobre 2018 raison à la municipalité.
Le TAQ avait conclu que le Centre ne constituait pas une « institution religieuse » au sens de la loi. Cette conclusion l’avait poussé à rejeter les exemptions réclamées par les hassidim en plus de rendre imposable des parties de leurs immeubles.
La Cour du Québec et la Cour supérieure sont arrivées à la conclusion contraire, en plus de souligner que le Centre fait bel et bien une utilisation religieuse des bâtiments mis en cause. C’est en partie ce qui les amène à réfuter la décision de première instance. La Cour supérieure s’est fondée sur ce motif pour rejeter le pourvoi de la municipalité.
À noter que le TAQ a lui aussi reconnu l’usage religieux des immeubles, mais a tout de même jugé nécessaire de retirer l’exemption en raison de la structure corporative du CCRH. La Cour du Québec et la Cour supérieure ont plutôt jugé qu’il n'existe pas de recette de structure corporative, la Loi sur ''les corporations religieuses'' n’obligeant pas les groupes religieux à s’incorporer.
Il ne s’agit pas du premier dossier qui oppose la municipalité à la communauté juive orthodoxe. La Cour d’appel a donné raison en 2014 à la Ville de Boisbriand contre des coopératives et congrégations hassidiques qui refusaient de payer la taxe d’eau. Ces dernières avaient été contraintes de verser 2,5 millions de dollars à la municipalité.
Les immeubles mis en cause ont été portés au rôle d’évaluation foncière de la période 2014-2016.
Vous pouvez lire le jugement ici.
À la Cour d’appel ?
Joint par Droit-inc, la Ville de Boisbriand confirme qu’elle compte interjeter appel de la décision rendue par la Cour supérieure.
« La Ville de Boisbriand estime que seules les véritables institutions religieuses ayant de réelles activités de nature religieuse peuvent bénéficier de l’exemption prévue à l’article 204 (12) de la Loi sur la fiscalité municipale et c’est cette position qu’elle entend continuer de défendre en interjetant appel du jugement. »
L’avocat de la municipalité, Alain Longval, considère que ce dossier mérite d’être entendu par le plus haut tribunal du Québec. L’avocat de Dunton Rainville, qui a représenté Boisbriand dans le litige sur la taxe d’eau, affirme au téléphone que les activités du Centre sont avant tout civiles, et non religieuses.
ll assure que sa cliente respecte la communauté hassidique et qu’elle se pliera à la décision de la Cour d’appel, si elle est entendue.
L’avocat du Centre, Jean-François Gagné, de Trivium Avocats, qui se disait la semaine dernière « très satisfait » du jugement de la Cour supérieure, parle plutôt d’« acharnement ».
« La communauté est déçue de cette position. Elle croyait que la Cour supérieure et que la Cour du Québec avaient rendu un message clair quant au caractère religieux du CCHR », explique l’avocat de Trivium. Il souligne au passage que ce litige à un impact sur le rôle d’évaluation foncière de la période 2020-2022.
« La communauté ne veut pas obtenir une faveur. Elle veut seulement que la Ville reconnaisse son caractère religieux et l'usage religieux qu'elle fait des bâtiments. »
Institution religieuse
La Ville de Boisbriand a allégué devant la Cour supérieure que le litige n’est pas seulement une question de droit, mais bien une question mixte de faits et de droit, un argument rejeté par le Tribunal.
Le juge Lanctôt a en effet réitéré les conclusions de son confrère de la Cour du Québec, confirmant que la TAQ avait commis une erreur de droit.
« En parvenant à ces conclusions, le juge (Serge Champoux, NDLR) n’a fait que reconnaître ce que les tribunaux ont maintes fois décidé (...) », explique-t-il.
Le magistrat a convenu à son tour que le Centre est une « institution religieuse ».
« Contrairement à ce que le TAQ retient et que la Ville plaide, la preuve révèle que le (CCRH) ne fait pas seulement que “détenir” les immeubles en litige, mais qu’en plus et surtout, il y tient des activités religieuses tel qu’admis par la Ville ».
La décision de la Cour supérieure a été rendue le 7 avril dernier.