Ces avocats à mieux connaître

Fils de juge et grand plaideur

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Emeline Magnier

2015-04-13 15:00:00

Il est parfois difficile de marcher sur les traces de son père, mais pas pour cet avocat qui a su s’imposer comme plaideur. Du litige d’envergure au dossier pro bono, il revient sur son parcours et sa pratique..
Me Bernard Jolin est associé au sein du bureau montréalais de Langlois Kronström Desjardins
Me Bernard Jolin est associé au sein du bureau montréalais de Langlois Kronström Desjardins
Membre du Barreau depuis 1986, Me Bernard Jolin est associé au sein du bureau montréalais de Langlois Kronström Desjardins.

Au cours de ses 25 ans d’expérience, ce plaideur averti est intervenu dans des dossiers complexes et médiatisés. Il a notamment représenté l’Autorité des marchés financiers en défense au recours collectif intenté par les 9 200 investisseurs lésés par Vincent Lacroix.

Avocat en litige civil et commercial bien occupé, cela ne l'empêche pas d'avoir sur son bureau une pile de dossiers dans lesquels il agit pro bono. Comme pour défendre cet homme victime d’un accident vasculaire cérébral dont l'assurance invalidité refusait de reconnaître l'état. Une affaire dont le juriste, âgé de 52 ans, parle encore avec beaucoup d’émotions et qui lui a valu une victoire « mémorable » en première instance confirmée en Cour d'appel.

Droit-inc : Vous avez pratiqué aux côtés de votre père et de votre oncle, tous deux avocats de formation. Le droit, c'est génétique chez les Jolin ?

Me Bernard Jolin : Même si mon père (ndlr: L’honorable Paul Jolin) était avocat, il ne m'a pas influencé. Mais reste que cela faisait partie de ma réalité. Au départ, je me suis dirigé en droit par élimination en mettant de côté les sciences pures, matières que j'aimais moins. Je me suis inscrit à la faculté de droit et c'est en pratiquant que j'ai vraiment eu la piqûre. J'ai commencé à exercer en 1986 au sein du cabinet Jolin Fournier Morissette à Québec où mon oncle était associé.

J'y suis resté quatre ans avant de revenir à Montréal et d'intégrer Heenan Blaikie en 1990, cabinet où mon père a pratiqué avant d'être nommé juge à la Cour supérieure de Montréal deux ans plus tôt. Quand il a pris sa retraite de la magistrature, il est revenu chez Heenan alors que j'étais responsable du secteur litige : je me trouvais être le patron de mon paternel (rires) ! Ça s'est très bien passé, il a toujours eu un grand respect de l'autorité et s'adressait à moi comme à n'importe quel supérieur hiérarchique.

Vous avez toujours exercé en litige civil et commercial. Pourquoi avez-vous choisi ces secteurs de pratique ?

C'est un peu un concours de circonstances. Quand on commence, on travaille dans les dossiers qu'on nous donne. J'ai été très vite impliqué dans des litiges et j'ai adoré ça. La pratique est très variée, j'aime aller à la cour, rencontrer des gens. J'ai grandi chez Heenan et j'ai eu la chance de travailler et d'apprendre aux côtés de plaideurs chevronnés.

Au fil du temps, mon rôle a évolué dans les dossiers. De soutien, je suis passé à la deuxième puis à la première chaise. On apprend à chaque affaire : il ne s'agit pas que de droit mais aussi de technique et de domaines d'activités différents. Il faut bien connaître l'entreprise pour bien conseiller le client, et avec les années, on finit par devenir un conseiller d'affaires et une personne ressource. Aujourd'hui, mes clients œuvrent dans le secteur de la construction, du génie, des mines ou encore de la pêche. Beaucoup d’entre eux sont là depuis des années et j'ai eu la chance d'évoluer avec eux.

Vous vous êtes joint à LKD lors de la dissolution de Heenan Blaikie. Comment avez-vous pris cette décision ?

Me Bernard Jolin connaissait déjà LKD et ses avocats de réputation
Me Bernard Jolin connaissait déjà LKD et ses avocats de réputation
J'ai eu plusieurs options, dans de petits, moyens et grands bureaux. Nous n'avons pas eu beaucoup de temps, mais je connaissais LKD et ses avocats de réputation. Arrivant d'un grand cabinet, je me suis posé la question de savoir dans quel environnement je voulais poursuivre. Quand je suis arrivé chez Heenan, nous étions 50 avocats en litige et droit du travail. C'est aussi le profil du bureau montréalais de LKD ; je voulais une atmosphère plus familiale et je suis enchanté de mon choix.

L'équipe est jeune et dynamique; je suis en haut de la pyramide de l'ancienneté ce qui me donne un nouveau rôle de mentor qui ne me déplaît pas. Je crois beaucoup au travail d'équipe et j'apprécie de mettre mon expérience au profit des plus jeunes. J'ai eu la chance de travailler dans des dossiers d'envergure, c'est à mon tour de redonner aux autres et de m'assurer de passer le flambeau pour garantir la pérennité du cabinet, tout comme l'a fait Raynold Langlois qui a toujours veillé à faire de la place à la relève.

Vous être intervenu à plusieurs reprises dans le cadre de commissions d'enquêtes (ndrl: sur la Sûreté du Québec et sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction). Que pensez-vous de ce mécanisme et de la prolongation de délai pour le rapport de la commission Charbonneau ?

La dynamique des commissions d'enquête est bien différente de celle des tribunaux. La pression médiatique est très forte et dans l'esprit de l'opinion publique, si on est assis sur la chaise, c'est qu'on est coupable de quelque chose. C'est très difficile pour les clients qu'il faut beaucoup soutenir. Les règles de preuve sont beaucoup plus souples que celles qui s’appliquent devant les juridictions de droit commun : il n'y a pas de ouï-dire et on laisse le témoin aller. Cela rend la tâche plus difficile mais il faut s'y ajuster. La préparation fait foi de tout : il faut une grande maîtrise du dossier pour être capable de parer aux imprévus.

Le système des commissions d'enquête n'est pas parfait, mais c'est un mal nécessaire. Quant au délai requis pour la rédaction du rapport de la Commission Charbonneau, il ne faut pas oublier que son mandat est colossal, et je ne suis pas surpris du temps que cela prend. Je préfère que la commission prenne plus de temps et qu'elle fasse son travail, plutôt qu'elle soit pressée.

Chez LKD, vous êtes responsable de l’application des règles relatives aux conflits d’intérêts. Est-ce une vraie problématique pour les cabinets d'avocats ?

Nous sommes astreints à des règles déontologiques et la jurisprudence continue d'évoluer sur cette question, la Cour suprême ayant rendu plusieurs décisions ces dernières années. La gestion des conflits d'intérêts implique la mise en place de mécanismes. Si la question se pose, nous vérifions dans le système si on peut agir, et si un doute subsiste, j'analyse la situation et prend des recommandations. Il faut réagir vite: le client ne veut pas attendre deux semaines avant de savoir si on peut le représenter.

Si les clients consentent à ce qu'on agisse dans les deux affaires et que les domaines de droit ne sont pas reliés, nous mettons en place une véritable muraille de Chine pour assurer la confidentialité. S’il y a conflit d'intérêts, il faut alors faire des choix et arbitrer au cas par cas en fonctions de plusieurs facteurs, comme l'ancienneté du client. Plus le bureau est grand plus le risque de conflit est important.

En conclusion, dites-nous quel est le secret des grands plaideurs ?

Il faut écouter à tous les niveaux. Écouter le client pour bien le comprendre et être capable de développer des solutions. Le litige, c'est souvent un accident de parcours et de plus en plus d'entreprises sont sensibles à la proposition de solutions alternatives.

Il faut aussi écouter le juge et être attentif à son langage non verbal qui peut nous envoyer des messages. Si le juge lâche son crayon et recule dans sa chaise, c'est peut-être qu'il est temps de passer au point suivant. Les choses vont vite à la cour, il faut regarder le juge, chercher un document, écouter le client qui veut réagir à l'argumentation adverse, c'est très exigeant.
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