De Norton Rose à… future médecin !
Sophie Ginoux
2025-01-24 15:00:59
Me Anthonie Vézina-Crawford a décroché son Barreau il y a 10 ans, puis a pratiqué en droit familial et en litige commercial pour Lavery, avant de devenir directrice des talents juridiques en 2023 chez Norton Rose Fulbright. Un parcours somme toute sans fausse note.
« Sauf que ce n’était pas initialement ce que je voulais faire dans la vie, avoue-t-elle franchement. D’aussi loin que je me souvienne, je voulais devenir médecin, et non avocate ! J’ai toujours eu cette vocation, cette intuition que je me réaliserais dans ce métier-là. »
La jeune Anthonie a d’ailleurs étudié au Cégep en sciences de la nature pour réaliser son rêve de jeunesse. Mais voilà : en raison d’anxiété de performance, malgré d’excellentes notes, l’admission à une faculté de médecine lui a été refusée.
« J’avais 17 ans, et j’étais terriblement déçue », raconte l’avocate, qui s’est alors dirigée vers un baccalauréat en kinésiologie pour éventuellement repostuler. Jusqu’à ce qu’elle demande ce qu’elle ferait si elle devait se confronter à un nouvel échec.
Elle a donc pris une grande décision : « Comme j’étais assez douée en rédaction et en négociation, je me suis lancée dans un bac en droit, en plus de celui en kinésiologie » Si bien qu’en 2013, la jeune femme est sortie de l’Université Laval avec deux diplômes aux antipodes.
Lorsque le plan B devient le plan A
Barreau 2014, Me Anthonie Vézina-Crawford a démarré sa carrière au sein du cabinet Lavery, où elle avait fait son stage.
« C’est vraiment grâce à ma mentore, Me Elisabeth Pinard, que j’ai eu le déclic pour mon métier et me suis spécialisée en droit de la famille. Elle m’a appris à être une bonne avocate, en me permettant une immersion rapide dans des dossiers, notamment en litige. »
Au bout de quelques années, Me Vézina-Crawford s’est toutefois redirigée vers le litige commercial, tout en devenant la maman de trois garçons. Et c’est à cette étape de sa vie qu’elle réfléchit à son avenir professionnel.
« J’adorais la pratique privée, mais j’avais du mal à me projeter dans l’avenir, à me dire qu’un jour, le summum de mon parcours serait de devenir associée dans un cabinet. Je me suis donc demandé : Anthonie, qu’est-ce qui te passionne vraiment ? Dans quoi t’épanouirais-tu le plus ? »
La réponse à ces questions existentielles était évidente, même si l’avocate l’avait enfouie dans son passé. « C’était la médecine, évidemment, souffle-t-elle. Cet appel ne s’était jamais totalement éteint. »
En 2024, alors qu’elle travaillait depuis plus d’un an et demi chez Norton Rose Fulbright, Me Vézina-Crawford a donc envoyé à tout hasard une demande d’admission en médecine… qui a fonctionné !
Changement de cap
Il faut beaucoup de courage pour réaliser une introspection honnête. Mais il en faut encore plus pour conjuguer deux passions aussi différentes qu’exigeantes. Comment une avocate gestionnaire allait-elle conjuguer son emploi avec des études en médecine à temps plein et l’éducation de trois enfants ?
« Beaucoup de personnes dans mon entourage doutaient de mon projet, c’est vrai, avoue Me Vézina-Crawford. Mais j’ai suivi mon intuition et me suis organisée en conséquence, c’est tout. »
Grâce au soutien de son cabinet, la directrice a donc aménagé son agenda professionnel, en concentrant toutes ses tâches de directrice des talents juridiques sur 60% du temps qu’elle y consacrait auparavant.
« Sans la compréhension de ma direction, je n’y serais jamais arrivée. Je lui suis infiniment reconnaissante, tout comme à mon conjoint, qui n’a eu aucune hésitation quand cette opportunité s’est présentée, même si lui aussi est très occupé avec son travail d’ingénieur », dit-elle.
Quand les astres s’enlignent, il faut en profiter. L’avocate a donc commencé ses études en médecine le 30 août dernier, à raison de 16 crédits par session, avec l’objectif d’un pré-externat dans deux ans.
Une double passion professionnelle
Presque six mois après son retour aux études, Me Vézina-Crawford est-elle toujours heureuse avec les choix qu’elle a faits ?
« Absolument, répond-elle. J’adore ce que j’apprends et je me sens à ma place en médecine. J’ai juste été un peu frappée par l’écart d’âge – elle a 34 ans – en constatant que la plupart des étudiants me vouvoyaient ! Mais je le prends de manière positive, en me disant qu’il n’y a pas de recommencement négatif. »
C’est d’ailleurs ce message que l’avocate et future médecin souhaite partager à travers son témoignage.
« Il faut arrimer ses passions avec ses objectifs de vie, qui on est, et ce qu’on veut vraiment accomplir, déclare-t-elle. Pour ma part, je suis passionnée à la fois par le droit et la médecine. Si je peux donc, à la lumière de mon expérience, insuffler de l’espoir à des gens qui se poseraient eux aussi des questions, tant mieux. »
Puis, sur une note plus personnelle, elle ajoute, émue : « Je veux aussi être un modèle pour mes enfants, et leur inculquer qu’ils pourront tout faire s’ils le veulent vraiment. » Inspirant, n’est-ce pas ?