Des juges honorent la mémoire d’un chroniqueur judiciaire
Isabelle Mathieu
2022-06-03 10:15:00
Retraité du quotidien de la Capitale-Nationale ''Le Soleil'', Richard Hénault est décédé le 28 mai de complications liées à plusieurs problèmes de santé. Il avait 71 ans.
Pendant plus de 22 ans, Richard a arpenté les corridors du palais de justice de Québec, vêtu de son immuable veston, sans cravate. Il a passé des milliers d’heures assis dans les salles d’audience, à suivre les débats de son regard attentif. Sur le parvis du palais, il a appris plusieurs «scoops» en jasant avec les autres fumeurs.
Discret, rigoureux, avec un humour caustique, Richard Hénault était souvent celui qui éteignait le plafonnier de la salle de presse du palais, laissant enfin aller son texte après de longues heures de peaufinage.
Embauché au ''Soleil'' en 1980 et affecté au palais de justice neuf ans plus tard, le vétéran a formé d’innombrables journalistes, souvent déboussolés en débarquant au palais.
Une plume juste
« C ’était notre phare dans le brouillard de la couverture de la justice, résume le journaliste retraité Bruno Perron, longtemps à CHRC et Québec 800. Avec son expérience, il nous guidait dans la portée des ordonnances de non-publication. Les gens n’ont aucune idée de la complexité, de la tâche, des dangers qui te guettent! »
Un collègue écrivait une tournure de phrase ne respectant pas la présomption d’innocence? Richard n’hésitait jamais à le signaler, assure Bruno.
Le journaliste retraité du ''Soleil'' Guy Benjamin, qui a souvent pris le relais ou travaillé en duo avec Richard Hénault, gardera toujours le souvenir d’un collègue franc, donnant des conseils sur demande seulement.
Richard Hénault a pris sa retraite à la fin de 2012. Il en est gentiment sorti pour me former durant deux jours, au printemps 2013. Sans lui, je n’aurais jamais réussi à faire fonctionner le plumitif, bête informatique d’un autre âge.
Même après la généralisation du web et du numérique, Richard restait un scribe de la presse écrite, adepte du papier pur et dur. Dans son grand classeur, le journaliste gardait un dossier beige pour chaque histoire, conservant comme un trésor ses notes manuscrites, les procédures judiciaires, les coupures de presse.
Dans son agenda en papier, Richard notait à chaque jour les causes à suivre. Une fois l’audience terminée, il rayait le nom au stylo et reportait la cause à la prochaine date. Je n’ai jamais osé dire à Richard que j’avais abandonné sa méthode pour adopter l’agenda électronique.
Après leurs retraites respectives, les «vieux» journalistes du palais de justice de Québec ont continué à déjeuner ensemble une fois par mois, pour prendre des nouvelles et surtout se rappeler des souvenirs mémorables. « On développe une passion pour ce milieu-là et Richard avait cette passion », glisse Bruno Perron.
La pandémie avait espacé les rendez-vous des routiers. Guy Benjamin espère au moins un ultime déjeuner, en mémoire de Richard. « J’aurais aimé savoir ce qu’il pense de l’arrêt des procédures du juge (Jacques) Delisle », lance Guy.
Hommage des magistrats
Le juge Alain Morand de la Cour du Québec a pu observer de près le travail de Richard, comme avocat puis comme décideur. « Richard avait le sens de rapporter ce qu’était la justice véritablement là où elle se passait, dans les salles d’audience, résume M. Morand. Richard n’a jamais fait du journalisme spectacle avec la justice, il faisait du journalisme pédagogique. »
De la pédagogie faite avec humour et passion, précise le juge Morand.
L’ancien juge en chef associé de la Cour supérieure Robert Pidgeon n’a pas toujours été une figure médiatique. C’est beaucoup grâce à Richard Hénault si le juge Pidgeon a développé ses compétences de communicateur et s’est mis à donner des entrevues. « Je lui faisais confiance parce qu’il faisait des articles extraordinaires et qu’il était un homme intègre », explique M. Pidgeon en entrevue.
Jamais Richard ne cherchait à faire sensation, se souvient M. Pidgeon. « Tout ce qu’il voulait, c’était informer. »
En 2001, Richard Hénault a été finaliste pour le prestigieux Concours canadien de journalisme avec son reportage ''L'arrogance des motards à son comble'', paru dans ''Le Soleil'' du 27 septembre 2000. Richard Hénault relatait la rencontre organisée entre les chefs de deux bandes de motards criminels en plein palais de justice de Québec.
''Le Soleil'' tient à offrir ses plus sincères condoléances à tous les proches de Richard, en particulier ses deux fils, Louis et Simon, et ses trois petits-enfants.
Cet article est paru dans ''Le Soleil'', qui nous a accordé la permission de le reproduire ici.