Intimidation de témoins? L’affaire Harvey se corse...
Camille Laurin-Desjardins
2020-11-20 13:15:00
Me Harvey et son avocat ont demandé vendredi dernier au Conseil de discipline de l’Office des professions du Québec une convocation d’urgence pour une audience de gestion sur les deux dossiers qui le concernent. C’est qu’après la parution de notre article, un de ses témoins aurait subi de l’intimidation de la part de son propre fils, affirme Me Harvey.
« On est comme au cinéma! » lance ce dernier, incrédule.
L’avocat de Québec, visé par deux plaintes au Conseil de discipline du Barreau, reproche à la syndic ad hoc chargée de ses dossiers d’être en conflit d’intérêts. Me Nathalie Lavoie travaille pour BCF, dont les bureaux sont situés dans le même édifice que Me Harvey. Selon ce dernier, qui a déposé des requêtes en arrêt des procédures et en déclaration d'inhabilité de la syndic, Me Lavoie et les avocates qui l’assistent ont profité de la situation pour répandre des informations confidentielles sur Me Harvey auprès de ses clients ou de ses anciens clients afin de lui nuire.
Jacques Amyot a signé un affidavit racontant que Me Geneviève McLean, une collègue de Me Lavoie, lui aurait déconseillé de faire affaire avec Me Harvey, puisqu’il «risque d’être radié».
Or, Me McLean est la belle-fille de M. Amyot, puisqu’elle est la conjointe de son fils. Après la parution de l’article de Droit-inc, qui citait cet affidavit, Stéphane Harvey prétend que le fils de Jacques Amyot, Christian Amyot, se serait rendu chez son père le 12 novembre pour le confronter « d’un ton très agressif ».
Droit-inc a tenté de vérifier ces informations auprès de M. Amyot, mais celui-ci était « trop perturbé » pour nous accorder une entrevue, selon Me Harvey, qui le représente dans une autre affaire depuis cet été.
« Il a peur de ne plus pouvoir voir ses petits-enfants », explique Me Harvey.
Me Harvey et son avocat, William Noonan, ont fait parvenir une lettre à Me Maurice Cloutier, président du Conseil de discipline de l’Office des professions du Québec, pour lui demander d’urgence une audience de gestion, afin d’éviter que ce genre de situation ne se reproduise, et « d’assurer aux témoins susceptibles de témoigner en l’instance la quiétude et sans aucune intimidation à laquelle ils sont légitimement en droit de s’attendre à titre de personnes associées au système judiciaire ».
Me Lavoie aurait répondu à cette missive, ce à quoi Me Harvey aurait répliqué à son tour.
« Nous sommes outrés de voir que Me Nathalie Lavoie laisse entendre, aux termes
du sixième paragraphe de sa lettre, que le Comité pourrait ne pas avoir le pouvoir d’émettre des ordonnances visant la protection des droits des témoins susceptibles d’être appelés à témoigner devant lui », écrit Me Noonan.
« Il serait malheureux que l’un ou l’autre des témoins soit victime d’intimidation en fin de semaine, ce qui pourrait donner lieu à des résultats non souhaitables, voire irréversibles », ajoute-t-il.
Cela est toutefois resté lettre morte, et Me Harvey attend toujours des nouvelles à ce sujet.
L’avocat a toutefois présenté une nouvelle requête en inhabilité, encore une fois modifiée, le 16 novembre. Il y précise certains faits pour démontrer que la syndic ad hoc serait en conflit d’intérêts. Me Lavoie aurait annoncé qu’elle s’opposait à ces nouveaux amendements. Le conseil va donc se réunir à nouveau pour trancher cette question le 6 janvier.
« D’après moi, dans dix ans, on va encore être là-dedans! » ironise Stéphane Harvey.
Rappelons que les montants facturés au Conseil de discipline par BCF s’élèvent à plus de 243 000 $, depuis le début de ces enquêtes, alors qu’aucune audition sur le fond n’a toujours eu lieu. (Il y a quelques jours, un expert s’interrogeait d’ailleurs dans nos pages sur le fait que ce soit le cabinet qui facture le Barreau, et non la syndic ad hoc elle-même.)
En même temps, est-ce que ces longs délais (et la facture qui vient avec) ne pourraient pas être causés un peu par Me Harvey lui-même, puisqu’il dépose de nombreuses requêtes?
« Selon le Code de procédure civile, on peut modifier en tout temps une requête avant le jugement, rétorque l’avocat. Le seul critère, c’est qu’il faut que les amendements aient rapport au litige en cours… C’est très commun, de demander des amendements, et dans 90% des cas, ils ne sont pas contestés! Généralement, il n'y a pas d’opposition... »
Une affaire qui sera à suivre en janvier, donc.