L’avocate des causes pas tout à fait perdues
Céline Gobert
2018-08-08 15:00:00
«Mes collègues viennent beaucoup de l’UQAM. On n’est pas du tout dans l’apparence ou le prestige. Personne ne va me juger ici. J’ai mon éthique et mes valeurs de travail et j’y vais avec mon intuition quand il s’agit de bâtir ma clientèle ou de faire ma promotion », dit-elle, alors qu’elle nous reçoit dans son bureau situé tout près du Palais de justice de Montréal et décoré de plantes, d’orchidées, et d’une toile qu’elle a elle-même peinte.
Toute sa jeune carrière en droit criminel a été motivée par une même authenticité, et un côté «rebelle» qu’elle assume tout à fait.
«Je crois que j’ai un refus de l’autorité qui est bien ancré dans ma personnalité, dit-elle à Droit-inc. Pour moi, c’était le droit criminel ou rien. Je ne me voyais pas du tout travailler en droit des affaires ou en droit civil. C’est l’humain, les émotions qui m’intéressent. Pas les chiffres.»
Et pourtant… La juriste passionnée ne se voyait pas du tout avocate au départ, et ce, même si sa mère ou ses amis insistaient pour qu’elle emprunte cette voie. «J’avais peur d’être prise dans un espèce de carcan et de ne pas être bien, dit-elle. Je voyais ça comme une job conventionnelle en ce sens qu’il y a la loi, on travaille avec la loi, il y a un aspect prestigieux dans lequel je me reconnaissais pas du tout.»
Après un baccalauréat en relations internationales et droit international (BRIDI) à l’Université du Québec à Montréal, elle part compléter un stage à la Cour pénale internationale à La Haye, aux Pays-Bas, où elle rencontre Peter McCluskey, un procureur de la poursuite américain. Il ne tarde pas à la prendre sous son aile après qu’elle l’eût épaulé durant le procès de Radkom Laditch, un chef de guerre serbo-bosniaque.
«J’ai commencé à me dire : si je pouvais faire ça tous les jours, je serais heureuse. Je voyais que j’avais ce qui fallait pour me lancer en droit.»
Une « vie assez difficile »
Aujourd’hui, sa pratique en droit criminel lui réserve des dossiers d’infractions liées aux armes à feu, à des bris de condition, des crimes sexuels, des drogues, des voies de fait, des agressions, ou encore de la violence conjugale.
Autant dire, des dossiers émotionnellement difficiles.
«Oui mais il y a quelque chose qui vient me toucher dans les difficultés humaines et les droits de la personne. Le droit criminel est un domaine où l’on est souvent amené à plaider la Charte pour protéger les individus contre les abus de l’État, les abus de pouvoir, les abus d’autorité.»
Rien qui ne fasse peur à celle qui avoue avoir eu «une vie assez difficile».
«J’ai dû faire preuve de beaucoup de résilience tout au long de ma vie, et ça a fait en sorte que j’ai le goût d’aider les gens qui se retrouvent au fond du baril. Quand t’es au fond du baril, la face dans la bouette, que l’opinion publique, les médias, le système tout entier peut être contre toi, il y a une personne qui va te tendre la main peu importe ce que tu as fait. C’est ça que je trouve honorable dans la profession de défense criminelle.»
Lâcher prise
Et pour faire face aux situations difficiles rencontrées par ses clients, l’avocate avoue avoir beaucoup de gestion d’émotions à faire.
«Il faut être capable d’avoir un détachement émotionnel par rapport à certains dossiers. Ça demande énormément de lâcher prise. Je ne contrôle pas si le juge est de bonne humeur ou pas ce matin, ou si la Couronne a décidé de mettre une étiquette dans la face de mon client. Et je n’ai aucun contrôle sur mon client : est-ce qu’il va rechuter? Refaire quelque chose dans deux semaines? Vais-je devoir le sortir de prison? Tout ce que je peux faire c’est donner le meilleur. »
Pour ça, trouver un bon équilibre entre le professionnel et le personnel est essentiel. Ainsi, fait-elle de la peinture, du sport, de la méditation, du bénévolat. «Si je vais bien, je suis capable d’aider le client. Et plus je suis capable de l’aider, plus je vais bien. Mon épanouissement professionnel et personnel sont co-dépendants.»
D’autant plus que la profession de criminaliste n’a pas toujours bonne presse. «C’est vrai que la première chose qu’on me dit c’est souvent “ Ah! Tu défends les méchants!” Mais j’explique à ces personnes-là que ça pourrait être elles. Une faculté affaiblie par exemple pourrait concerner n’importe qui d’entre nous. Ma job est de faire en sorte que l’accusé passe de manière la plus fluide possible dans le système de justice, que ses droits soient respectés peu importe ce qui arrive.»
«Comment je peux aider cette personne-là?»
Dans certains cas, Me Andraos explique faire un peu de mentorat auprès de ses clients, comme «une grande soeur».
Pour accepter un dossier, elle analyse trois aspects de la relation avocat/client.
« 1- est-ce que j’ai une bonne relation avec le client au niveau de la personnalité? 2- est-ce que la question de droit est intéressante? 3- est-ce qu’il paye? Je me dis que s’il en remplit un des trois, on est en business. J’en fais souvent par pure compassion, même s’il me dit qu’il me paiera plus tard.»
Cherche-t-elle quelque part à sauver ses clients? «Je ne peux pas les sauver, mais je peux les aider. Je me demande toujours : “ Univers, comment je peux aider cette personne-là? “ Et j’ai conscience de ce que je contrôle, et de ce que je ne contrôle pas.»
Forcément, en droit criminel, l’avocate est amenée à rencontrer des personnalités plus difficiles, mais elle aime cet aspect «psychologique» du travail.
«L’expérience de vie permet de “sentir” les gens. Il y a un aspect très intuitif. Je fais aussi beaucoup de bénévolat auprès des alcooliques, des toxicomanes. J’ai aussi fait du pro bono auprès des itinérants à la Cour municipale. Mon propre passé fait aussi que j’ai côtoyé des gens de différents horizons, de différentes personnalités. Je considère que j’ai un espèce de sixième sens sur comment gérer ces personnes-là, même si je suis toujours en train d’apprendre.»
Beaucoup d’amour, et pas de jugement
Selon Me Andraos, un criminaliste a besoin, pour être heureux dans son travail, d’une certaine dose de compassion.
«Je pense que ça fait un peu partie de la job. Pour défendre le mieux possible mon client, il faut que j’essaye de le comprendre. La base des relations humaines doit être fondée sur l’amour. Sinon, on tombe dans l’intolérance, dans le jugement.»
Pour elle, c’est carrément une philosophie de vie. «La base pour moi c’est l’authenticité, je n’ai pas de rôle à jouer. J’essaie d’être intègre avec moi-même. »
Est-ce que le fait d’être devenue criminaliste l’a rendue moins rebelle?
« Non, lâche-t-elle après un long silence. C’est juste que je n’accepte pas le système comme donné, et dire “c’est comme ça, c’est comme ça, donc on l’applique”. Des fois, je me rends compte que la loi est injuste, et c’est beaucoup plus fréquent qu’on pense.»
C’est d’ailleurs aussi pour ça qu’elle a choisit ce travail, conclut-elle : «Parfois c’est le système lui-même qui est injuste. C’est ça le courage professionnel : aller contre vents et marées et se demander : est-ce que ça se peut que le législateur ait été injuste et que ça donne un résultat aberrant?»
J
il y a 6 ansUne cause dans laquelle le client paye n'est jamais une cause perdue.
Anonyme
il y a 6 ansUn cause dans laquelle l'aide juridique reconnait des considérations particulières est encore moins perdue.
Marc Poulin
il y a 4 ansMon 2e dossier à l'aide juridique a subi des erreurs d'une personne qui établit si on a droit à l'aide. Mon avocate qui m'avait représenté m'a laissé tomber alors que je devais faire valoir mes droits (pour cause) après une audience au TAQ. La cause semblait gagnée, à voir les réactions de rage de l'avocate de la SAAQ et de l'opinion de mon avocate. Nous avions démoli la mauvaise foi de cette avocate, prouvé avec photos mon état, rapport de mon médecin etc. Tout à coup, alors que nous devons retourner au TAQ pour une ultime tentative d'obtenir justice pour un accident evc séquelles, mon avocate me dit que la secrétaire a fait une erreur et que j'ai gagné 7 ou 800$ de trop pour l'année. Ils ont obtenu ce chiffre en ajoutant de l'impôt fictif sur mes prestations gouvernementales de CNESST. C'est malhonnête à mon goût et je ne crois pas qu'ils puissent m'abandonner quand c'est ma dernière chance d'obtenir mon dû de la SAAQ. Étant donné que c'est LEUR erreur et non une fausse déclaration de ma part qui aurait mis fin à mon droit à l'aide juridique, je crois qu'ils ont un devoir d'engagement et doivent finir de me défendre quand je joue ma dernière carte. Il faudrait juste qu'elle me représente au TAQ car je ne sais pas trop quoi présenter comme raison pour auditionner à nouveau. Mon avocate dit avoir des motifs sérieux et que j'ai été mal jugé. Je lui ai demandé un peu d'aide pour savoir quoi faire valoir pour renverser le jugement. Je leur ai offert de payer une partie des frais. Depuis 2015 qu'elle me représente et après être passé au travers tant de réticence, de mensonges et de manipulations, je crois que l'aide juridique n'avait pas le droit de lâcher ma cause, surtout au point critique où je risque de tout perdre. Je trouve çà injuste, c'est un manque d'éthique et de responsabilité alors que je considère qu'ils me doivent de finir leur engagement. J'aimerais connaître les règles qui leur permettent d'agir aussi cruellement. Qu'en pensez-vous et ont-ils le droit d'agir de la sorte; il me semble qu'ils ont pris un engagement envers moi et qu'ils doivent aller jusqu'au bout. Merci chère Me.