L'Université de Sudbury francophone, « un objectif louable et important », estime une juge
Gabriel Poirier
2021-05-12 07:00:00
Les raisons de son jugement du 2 mai, qui autorisait l’Université Laurentienne à rompre ses liens avec l’Université de Sudbury, ont été publiées vendredi soir.
Dans le cadre de sa restructuration en raison d’importants problèmes financiers, l’Université Laurentienne avait signalé au début du mois d’avril son intention de mettre fin à l’entente de fédération qui la liait à l’Université Huntington, l’Université Thorneloe et l’Université de Sudbury depuis 1960.
Les deux derniers établissements avaient contesté cette décision en cour ; l’Université de Sudbury soulignant notamment « l’impact disproportionné » qu’aurait la dissolution de la fédération sur l’offre de programmes, cours et services en français.
L'Université de Sudbury — un établissement bilingue — veut devenir entièrement francophone, mais tant que ses plans n’ont pas été approuvés par le gouvernement, elle ne peut ni obtenir de financement public ni délivrer ses propres diplômes.
Grâce à l’entente de fédération, les étudiants de l’Université de Sudbury recevaient leur diplôme de l’Université Laurentienne et cette dernière lui transférait des subventions, tout comme à l’Université Huntington et l'Université Thorneloe.
Après avoir entendu les plaidoiries de l’Université de Sudbury et de l'Université Thorneloe, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a autorisé dimanche dernier l’Université Laurentienne à procéder, mais n’avait pas encore rendu publiques les raisons du jugement.
Dans des documents publiés tard vendredi, la juge Cory Gilmore fait référence à la volonté de l’Université de Sudbury de devenir entièrement francophone et en déduit qu’« il est clair (...) que l’Université de Sudbury s’est trouvée incompatible avec l’actuel mandat bilingue et triculturel des universités fédérées ».
« Étant donné l’insatisfaction de l’Université de Sudbury par rapport à l’offre de programmes bilingues et ses critiques de l’engagement de l’Université Laurentienne à offrir des cours et services en français, il est difficile de comprendre pourquoi l’Université de Sudbury s’oppose (à la dissolution de la fédération) », un extrait de la décision de la juge Cory Gilmore.
Université francophone de Sudbury, un « objectif louable et important »
La juge Gilmore rappelle que l’Université de Sudbury a démarré la conception d’un plan d’affaires en vue de « l’établissement d’une université autonome et non confessionnelle qui offrirait des programmes en français pour développer le leadership, tout en préservant une identité francophone et en offrant une formation pratique qui ne se limite pas uniquement aux aspects académiques ».
« C’est un objectif louable et important que, on l’espère, l’Université de Sudbury peut atteindre dans un avenir rapproché », un extrait de la décision de la juge Cory Gilmore.
La juge souligne qu’avant la restructuration de l’Université Laurentienne, la majorité des cours offerts par l’Université de Sudbury étaient des cours en anglais.
Par la suite, note-t-elle, « l'Université de Sudbury est libre de se réinventer comme université francophone et sans les contraintes de l'entente de fédération ».
« En effet, fournir une telle option à la communauté du Nord serait souhaitable et (cette démarche) ne serait pas perturbée par la restructuration de l’Université Laurentienne », écrit la juge.
« Pas de programmes en français du tout » en cas de faillite de la Laurentienne
La juge Gilmore explique aussi que la communauté francophone ne bénéficierait pas d’une Université Laurentienne « forcée de déclarer faillite ». L’établissement insolvable et qui a dû contracter un premier prêt de 25 millions de dollars pour poursuivre ses activités jusqu’en avril devait en obtenir un deuxième de 10 millions de dollars pour rester à flot jusqu’au 31 août.
Or, l’une des conditions du nouveau prêt était la dissolution de la fédération.
« (En cas de faillite de la Laurentienne), il n’y aurait aucune offre de programmes pour la communauté francophone du tout », extrait de la décision de la juge Cory Gilmore.
L’Université Laurentienne a récemment supprimé 28 programmes en français, près de la moitié de son offre totale.
Remplir les obligations envers les créanciers d’abord
Dans sa contestation de la dissolution de la fédération, l’Université de Sudbury soutenait aussi que la Laurentienne ne faisait pas preuve de « bonne foi » en se servant de la Loi sur arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) pour « détruire un compétiteur ».
La juge Gilmore rejette cet argument, soulignant notamment que « tous les étudiants de l’Université de Sudbury étaient (déjà) des étudiants de l’Université Laurentienne » et que l’Université de Sudbury avait l’équivalent de 108 étudiants tandis que l’Université Laurentienne en avait 9000.
Par ailleurs, la juge « ne trouve pas que l’Université Laurentienne a une obligation légale d’agir dans l’intérêt de sa fédération ».
« L’obligation la plus importante de l’Université Laurentienne, en ce moment, est envers ses créanciers », un extrait de la décision de la juge Cory Gilmore
L’Université Thorneloe n’a pas non plus obtenu gain de cause dans sa contestation de la dissolution de la fédération.
Le juge Geoffrey Morawetz, qui a entendu la cause, écrit lui aussi que le succès de la contestation de Thorneloe aurait pu mener à « l’effondrement de la Laurentienne ».
« (Si la dissolution de la fédération va de l’avant), je reconnais que cela pourrait mener à la fin des activités de l’Université Thorneloe. Je ne prends pas à la légère l’impact sur les professeurs, les employés et les étudiants de Thorneloe, mais l’impact est significativement moindre que si la Laurentienne et Thorneloe étaient toutes les deux forcées de suspendre ou d’arrêter leurs activités », écrit-il.
« Étant donné ces deux options non souhaitables, le meilleur choix ou, en d’autres termes, le choix le moins indésirable, est (d’autoriser la dissolution de la fédération). »
L'entente de fédération a officiellement pris fin le 30 avril.
L'Université Thorneloe compte porter en appel la décision de la Cour supérieure de justice.
Anonyme
il y a 3 ansTraduction:
Sous la plume d'un juge de cour supérieur, ceci signifie "important pour protéger le chateau de carte multiculturaliste, et le mythe d'un pays bilingue".