Pornographie juvénile : Québec veut faire rétablir certains articles du Code criminel
Radio -Canada
2020-11-23 12:00:00
« Cette procédure judiciaire ne remet aucunement en question l'acquittement prononcé par la Cour supérieure à l'égard des accusés dans ce dossier, soit M. Yvan Godbout et Éditions ADA inc. », a toutefois précisé par courriel Marc-André Gosselin, directeur adjoint du cabinet du ministre de la Justice.
Paru en 2017, le roman d’horreur Hansel et Gretel contient un passage qui décrit explicitement le viol d’une fillette, extrait qui a fait l’objet d’une plainte à la police en 2018. Quelques mois plus tard, l’auteur Yvan Godbout a été arrêté et son domicile perquisitionné. S’en est suivi un procès.
M. Godbout et son éditeur ont été acquittés en septembre dernier. Ce faisant, le juge de la Cour supérieure du Québec Marc-André Blanchard a invalidé des articles du Code criminel jugés contraires à la liberté d’expression.
Dans sa décision de 54 pages, le juge Blanchard explique en effet qu’il est important de « distinguer entre le matériel qui expose une réalité tangible, des vidéos, des photos et même des dessins, par exemple, et une fiction littéraire ».
La définition de « pornographie juvénile » retenue par le Code criminel canadien ne se limite pas aux photographies et aux vidéos. Elle englobe également :
- « tout écrit (…) qui préconise ou conseille une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de 18 ans qui constituerait une infraction à la présente loi »;
- « tout écrit dont la caractéristique dominante est la description, dans un but sexuel, d’une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de 18 ans qui constituerait une infraction à la présente loi ».
En somme, selon le juge Blanchard, ces articles du Code criminel concernant la pornographie juvénile ont une portée trop large depuis leur modification en 2005. « Un vaste pan d’une certaine littérature pornographique, contenant des passages de pédopornographie, se trouve visé par cette nouvelle définition du Code criminel », déplore Marc-André Blanchard.
C’est précisément cette portion de son jugement que le Procureur général du Québec souhaite porter en appel, afin de « rétablir la constitutionnalité des dispositions invalidées du Code criminel, qui constitue un élément important des moyens mis en œuvre pour lutter contre la pornographie juvénile ».
« Ce que le Procureur général (du Québec) cherche à faire, c’est de saisir directement la Cour suprême du Canada, sans passer par la Cour d’appel du Québec, pour avoir un débat théorique sur la constitutionnalité des articles sur la production de pornographie juvénile, sans en appeler de l’acquittement de monsieur Godbout », résume en entrevue l’avocat-criminaliste Walid Hijazi.
En ce sens, Me Hijazi explique qu’il est bien important de comprendre que ce n’est pas le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) qui en appelle de l’acquittement de l’auteur Yvan Godbout, mais bien le Procureur général du Québec qui tente de rétablir les articles invalidés par le juge Blanchard afin de pouvoir continuer à les utiliser.
« On ne veut pas s’acharner sur monsieur Godbout, précise donc l’avocat-criminaliste. C’est un débat théorique sur les arguments du juge Blanchard sur la constitutionnalité des articles. (…) On essaie de demander à la Cour suprême de maintenir les articles. »
Me Hijazi estime par ailleurs qu’il s’agit d’une procédure « extrêmement particulière », parce que « normalement, on doit aller à la Cour d’appel de sa province avant de saisir la Cour suprême ».
L’avocat d’Yvan Godbout, Me Jean-Philippe Marcoux, a pour sa part indiqué qu’il ne commenterait pas les procédures entreprises par le Procureur général du Québec.