Salvail acquitté!
Radio -Canada
2020-12-18 15:47:00
Le juge Alexandre Dalmau de la Cour du Québec estime que le témoignage de Donald Duguay contient trop de contradictions avec la preuve fournie par la défense ainsi que la version des faits du plaignant déposée auprès des policiers en 2017. Sa tendance à l’exagération et son incapacité à reconnaître la faiblesse de certains détails de son témoignage ont aussi affecté sa crédibilité.
Le juge a toutefois souligné dans son jugement que les allégations n’étaient « pas farfelues ou invraisemblables », contrairement à ce qu’a affirmé Éric Salvail lors de son témoignage. Il ajoute qu’il ne croit pas l’accusé lorsqu’il dit qu’il n’est pas le genre de personne à harceler ou agresser.
Un témoignage contradictoire
Éric Salvail ne travaillait pas au courrier de Radio-Canada aux dates où l’agression présumée aurait eu lieu, comme le montre son dossier d'employé à Radio-Canada. Le plaignant refuse d’ailleurs d’admettre qu’il pourrait s’être trompé sur ce point. Le juge estime que « ça ouvre la porte au fait qu’il a peut-être fabriqué une partie de son récit ».
« Il s’est contredit sur un détail pas banal » ajoute-t-il, soit celui du nombre d’urinoirs dans la toilette où se seraient déroulés les faits allégués. Ayant initialement déclaré aux policiers se souvenir d'avoir été plaqué au mur entre deux urinoirs lors de cette agression alléguée, Donald Duguay a dit lors de l’enquête préliminaire qu'il n'y en avait finalement qu'un seul.
Il aurait aussi ajouté des détails dans son témoignage lors du procès qu’il n’avait pas révélé aux policiers en 2017. Il aurait essayé de tordre un doigt à Éric Salvail et lui aurait donné un coup de genou, par exemple.
Donald Duguay a témoigné en février qu'Éric Salvail l'a séquestré et agressé sexuellement dans une salle de bain de la Maison de Radio-Canada en 1993. Il lui aurait auparavant fait des avances pendant huit mois mois, notamment des commentaires sexuels et des attouchements inappropriés sur les lieux de travail.
Éric Salvail a choisi de témoigner lors du procès. Il a nié en bloc toutes les allégations dont il faisait l'objet. Il a même qualifié de « farfelu » l'épisode d'agression sexuelle et de séquestration relaté par Donald Duguay. Il a de plus fait valoir à plusieurs reprises qu'il ne travaillait plus à Radio-Canada au moment où les gestes qu'on lui reproche auraient été commis.
Si la défense s'est affairée à attaquer la crédibilité de M. Duguay, la procureure de la Couronne, Me Amélie Rivard, a répliqué avec les mêmes armes. En plaidoirie, elle s'en est prise au témoignage d'Éric Salvail, qu'elle a qualifié d'invraisemblable et d'incohérent, soutenant même qu'il devrait être « rejeté dans son intégralité ».
Un comportement « vulgaire » dès leur première rencontre
M. Duguay, qui a dit avoir rencontré Salvail alors qu’il remplaçait comme commis à la dépêche radio à Radio-Canada en 1992, a dû le former au service du courrier – son poste habituel – en avril 1993.
Entre juillet et août, le plaignant a dit se souvenir d'une vingtaine d’attouchements sexuels et d'une quarantaine de commentaires sexuels inconvenants de la part de l'accusé.
« Les problèmes ont commencé avec M. Salvail dès le premier matin », a-t-il affirmé lors de son témoignage au procès. Salvail lui aurait dit : « Tu as un beau petit cul toi ». Selon l’avocat de l’accusé, le plaignant a déjà confié aux policiers qu’il était « très mal à l’aise et qu’il n’avait jamais vécu ça avant ».
Donald Duguay, outré, lui aurait demandé d’arrêter, mais Salvail lui aurait ramassé le fessier à deux mains. Inconfortable, M. Duguay lui aurait demandé de ne pas recommencer et Salvail lui aurait dit de ne pas prendre tout ça au sérieux.
« Il a dépassé la ligne », selon un ex-collègue
Trois anciens collègues d’Éric Salvail ont fait état de propos sexuels déplacés et d'attouchements non désirés de la part de l'ex-animateur vedette, dans des déclarations faites aux policiers faites en mars et déposées en Cour le 9 novembre. Éric Salvail se serait aussi exhibé devant l'un d'entre eux. « Il a dépassé la ligne », a déclaré l'un des hommes.
La Couronne souhaitait démontrer que l’affirmation d’Éric Salvail, selon laquelle il n’est pas le genre de personne à commettre les actes reprochés par Donald Duguay, était fausse.
La défense a renoncé à son droit de contre-interroger les trois hommes. Me Michel Massicotte a estimé que le témoignage de Donald Duguay n’était pas crédible et ne devrait pas être retenu.
« Mon client doit bénéficier du doute raisonnable », a-t-il fait valoir le 11 novembre.
Retrait de la vie publique
Le procès devant juge seul s'est conclu à la mi-novembre. Éric Salvail a été arrêté le 15 janvier 2019 par les agents du Service de police de la Ville de Montréal dans la foulée de nombreuses allégations d'inconduites sexuelles.
Il a peu à peu disparu de la sphère publique après qu'une enquête du quotidien ''La Presse'' en octobre 2017 eut fait état d'allégations le concernant. Plusieurs personnes ont dit avoir été victimes ou témoins d'inconduites sexuelles de sa part.
Animateur populaire, Éric Salvail pilotait l’émission quotidienne ''En mode Salvail'' à la chaîne V depuis 2013. Il était aussi à la tête de sa propre maison de production.