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Stratagème d’évasion fiscale : le secret persiste

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Radio -Canada

2022-06-21 13:33:00

L’Agence du revenu du Canada refuse de révéler les détails d’une enquête criminelle sur un important cabinet comptable.
Les bureaux de KPMG à Montréal (archives). Source: Radio-Canada
Les bureaux de KPMG à Montréal (archives). Source: Radio-Canada
Une enquête criminelle menée par l’Agence du revenu du Canada (ARC) dans l’affaire KPMG est terminée depuis plus d’un an, sans que les conclusions n’en aient été rendues publiques, a appris Radio-Canada.

Le cabinet comptable KPMG aurait permis à des investisseurs fortunés d’user d’un stratagème d’évasion fiscale.

L’état actuel du dossier, qui fait les manchettes depuis 2015, demeure incertain. L’ARC refuse de commenter, tout comme les procureurs fédéraux du Service des poursuites pénales du Canada, qui, selon nos informations, ont suivi le dossier de près pendant plusieurs années.

La firme KPMG n’a pas non plus répondu aux demandes de commentaire de la part de Radio-Canada.

Selon une série de reportages publiés par Radio-Canada et CBC depuis 2015, KPMG a mis en place une procédure par laquelle de riches Canadiens ont transféré des avoirs dans un paradis fiscal et ensuite récupéré des fonds libres d’impôt.

L’ARC en était venu à la conclusion que ce procédé avait été créé en 1999 pour « tromper » le fisc.

Diane Lebouthillier. Source: Site web du gouvernement du Canada
Diane Lebouthillier. Source: Site web du gouvernement du Canada
La ministre Lebouthillier maintenant muette sur le dossier

En 2017, la ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, avait promis d’aller au fond du dossier, et d’éventuellement rendre publiques les conclusions des enquêtes.

« On va aller jusqu’au bout et on va les attraper », avait lancé Diane Lebouthillier, de passage à l’émission 24/60 en mars 2017. « Quand tout va sortir publiquement, ça va être plus simple. »

Celle-ci avait confirmé qu’une enquête criminelle était en cours, non seulement contre les investisseurs, mais aussi contre la firme comptable.

« On va résumer comme ça : des fraudeurs - même KPMG à la limite - pourraient être accusés? » demandait Anne-Marie Dussault, animatrice de l’émission 24/60 lors d'une entrevue en mars 2017.

« Effectivement. Parce que les gens qui mettent en place des stratagèmes, eux aussi, c’est criminel », répondait Diane Lebouthillier, ministre du Revenu national, durant la même entrevue.

Lors d’une entrevue récente, toutefois, la ministre Lebouthillier a dit qu’elle doit se plier aux obligations de confidentialité qui sont inscrites dans la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada.

« Au niveau légal, au niveau de l’Agence du revenu du Canada, je ne peux pas parler d'aucun cas particulier », a-t-elle dit en entrevue vendredi dernier.

Diane Lebouthillier affirme que personne au pays ne voudrait que le ou la ministre du Revenu national « aille se mettre les mains dans de l’information qui est confidentielle ».

Sans parler de cas particulier, elle a ajouté que dans le cadre d’une enquête criminelle, l’ARC travaille de pair avec les procureurs fédéraux.

« L’agence fait des enquêtes sur toutes sortes de dossiers, c’est vraiment dans son mandat d’enquêter sur des dossiers qui, pour elle, feraient en sorte que les gens ne respectent pas, n’observent pas les règles », explique-t-elle. « Lorsque les dossiers sont montés, [les enquêteurs de l’Agence] vont travailler avec le ministère de la Justice, à savoir si ces dossiers peuvent être apportés en cour ou non. »

Gregory Wiebe. Source: LinkedIn
Gregory Wiebe. Source: LinkedIn
Le « stratagème »

Radio-Canada et CBC ont révélé dans une série de reportages, au fil des ans, que KPMG, l’un des plus importants cabinets comptables au Canada, avait mis en place un stratagème pour aider des multimillionnaires à cacher leur fortune à l'île de Man.

Le cabinet comptable promettait l'accumulation d'actifs et d'investissements libres d'impôt et en toute confidentialité. Selon un document interne, la clientèle visée devait avoir au moins 10 millions de dollars à investir à l'étranger.

Les investisseurs pouvaient ainsi faire semblant de donner leur fortune à une société-écran de l'île de Man, un paradis fiscal situé entre l’Angleterre et l’Irlande, pour recevoir par la suite des “dons” libres d’impôts.

Selon les informations obtenues par Radio-Canada, l’Agence du revenu du Canada a fait une offre strictement confidentielle aux clients de KPMG en 2015.

Cette offre permettait aux clients de KPMG d’éviter d’avoir à faire face aux tribunaux en s’identifiant auprès de l’Agence. Les clients n’auraient qu’à payer les impôts dus, en bénéficiant d’un taux d’intérêt réduit, sans aucune pénalité ni poursuite devant les tribunaux.

En 2016, un haut dirigeant de KPMG, Gregory Wiebe, avait témoigné devant un comité parlementaire au sujet de ce qu’il qualifiait de « plan fiscal ». Cette stratégie d’investissement avait été vérifiée à l’externe et se conformait aux mesures et aux normes en place à l’époque, a-t-il témoigné.

Il avait toutefois admis que le stratagème risquait de miner la confiance des Canadiens envers le système fiscal en place.

« L'époque était très différente. Nous fumions au restaurant en 2006. Nous textions au volant jusqu'à il y a deux ans. Les temps changent, et nous changeons avec eux. Mais si j'examine la question sous cet angle, je ne peux défendre nos agissements », avait témoigné Gregory Wiebe.

En 2016, un haut fonctionnaire à l’ARC avait dit aux députés que les enquêtes dans ce dossier se poursuivaient, sans toutefois dire si celles-ci étaient de nature criminelle ou non.
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