Une comédienne entame une poursuite en diffamation après une dénonciation en ligne
Camille Laurin-Desjardins
2020-08-31 14:30:00
La demande d’injonction a été rejetée par le juge Pierre Nollet.
Au début du mois d’août, au beau milieu de cette nouvelle vague de dénonciation d’inconduite sexuelle, Émilie Lajoie a été informée par des amis qu’elle avait été nommée dans une publication du groupe Facebook « Groupe de soutien des femmes et minorités de genre du milieu des arts québécois ».
Celle qui l’accuse d’agression est Karyane Bilodeau.
Les deux comédiennes étaient des collègues de classe au Conservatoire d’art dramatique de Montréal, d’où elles ont gradué en 2017.
Émilie Lajoie poursuit donc Karyane Bilodeau, ainsi que l’administratrice du groupe qui a mis la publication anonyme en ligne, Carolanne Foucher, pour diffamation, pour un montant de 100 000$.
« Les tribunaux ne se sont pas encore prononcés sur la question de la diffamation en lien avec la vague de dénonciations à laquelle nous assistons », fait remarquer Me Maryse Lapointe, l’avocate représentant Karyane Bilodeau et Carolanne Foucher, en entrevue avec Droit-inc.
Les faits allégués
Selon la pièce justificative qui détaille la publication, les faits reprochés à Émilie Lajoie, la demanderesse, seraient survenus au printemps 2019, au terme d’une soirée très arrosée.
Karyane Bilodeau affirme que sa camarade a été très insistante pour avoir des relations sexuelles avec elle, et qu’elle et son amie ont refusé à plusieurs reprises.
Elles auraient fini par céder, en raison de l’alcool et de son insistance. Au moment de partir, Mme Lajoie aurait dit : « En tout cas, ça prouve que je suis hétéro! » avant de se mettre à rire.
Dans la demande introductive d’instance, la demanderesse contredit cette version et indique que la défenderesse néglige volontairement d’indiquer certains faits.
« La défenderesse Bilodeau a commis une faute en demandant au groupe de publier la dénonciation comportant des événements calomnieux, diffamants et faux. Il n’y a pas eu d’agression sexuelle, de violence, de menaces ni de manipulations lors de cette soirée », peut-on lire.
Émilie Lajoie reproche également à Carolanne Foucher d’avoir publié ce témoignage sans lui avoir demandé sa version des faits, après l’avoir exclue du groupe Facebook sans explications.
« Plus de 1500 femmes ont pu lire cette dénonciation dont des metteurs en scène ayant le pouvoir d’attribuer des rôles au théâtre », écrit-elle.
Une défense d’intérêt public
Selon Me Lapointe, la dénonciation faite par Karyane Bilodeau n’a pas été effectuée dans un but de vengeance, mais bien pour protéger d’autres victimes potentielles, et aussi reprendre le contrôle de son histoire.
« Il y a eu des allégations faites de part et d’autre, et la demanderesse avait commencé à raconter l’agression à d’autres personnes d’une façon qui n’était pas exacte, selon la victime, affirme Me Lapointe. C’est ce qui a poussé Mme Bilodeau à faire son témoignage anonyme. »
L’avocate compte tabler sur cette notion de protection du public et d'intérêt public pour justifier la dénonciation de sa cliente. Elle cite d’ailleurs une décision de la Cour suprême, Acadia Subaru c. Michaud, qui avait donné raison à un journaliste qui parlait en mal de la compagnie d’automobiles à la radio, dans le but de protéger le public.
« Évidemment, ici, on parle d’agression sexuelle, c’est beaucoup plus complexe. Est-ce que ce sera une défense valide en matière de dénonciation? Ce sera aux tribunaux d’en juger. »
Demande d’injonction rejetée
Dans un jugement rendu le 27 août, le juge Nollet a rejeté la demande d’injonction d’urgence, pour faire retirer la publication et empêcher les défenderesses de faire tout commentaire à l’égard de la demanderesse.
Il explique sa décision notamment par le fait que les administratrices de la page ont déjà annoncé la fermeture du groupe le 1er septembre, et que le retrait de la publication n’aurait que peu d’impact à ce stade, étant donné que « le mal est déjà fait ».
Le juge Nollet prend le soin de mentionner que la question « est loin d’être frivole ».
L’avocat représentant Émilie Lajoie, Me Hugo Beaudoin, de Beaudoin Brulotte, n’a pas répondu aux demandes d’entrevue de Droit-inc.
Sa cliente nous a toutefois écrit un courriel mentionnant que la dénonciation faite à son sujet « contient des accusations extrêmement graves et fausses qui, d’aucune façon, ne reflètent la personne que je suis, ni ce qui s’est réellement passé lors de cette soirée entre amies ».
Émilie Lajoie ajoute s’en remettre à la justice « pour faire toute la lumière sur cette affaire ».
Anonyme
il y a 4 ansCette frénésie judiciaire a démarée avec des accusations dirigées contre Harvey Weinstein, mais bientôt le quidam ne pourra plus feuilleter une revue cochone au dépanneur sans se faire accuser d'agression sexuelle.
Anonyme
il y a 4 ansInsistance et alcool.
L'alcool, qui a choisi de le boire? Et si "l'aggresseur" est également sous l'effet de l'alcool?
Insistance? Ce serait maintenant devenu quelque chose méritant sanctions que d'insister? Hum, je ne connais pas grand monde qui peut s'en sortir sans histoires..
Anonyme
il y a 4 ansQuelle partie de "Believe all victims" change quand l'agresseur ne fitte plus le profil?
Anonyme
il y a 4 ansJe crois ce qu'elle dit. Je ne crois pas cependant que ça fasse d'elle une victime.
La plaignante a consenti pcq l'autre a insisté. Insisté n'est pas un acte criminel.
Elle a accepté pcq'elle a bue? Était-elle ivre morte? A-t-elle perdu connaissance?