Le miracle juridique chinois

Henri Arslanian
2007-10-29 08:07:00
Par contre, peu de gens discutent du développement du droit et de la pratique juridique en Chine qui évoluent à la vitesse de l’éclair.
Deng XiaoPing, l’homme derrière le miracle chinois, a vite réalisé que la Chine ne pourra devenir une puissance économique de premier plan que si elle a également un système juridique de même calibre.
À partir de 1979, les Chinois ont donc commencé à regarder et analyser les différents systèmes juridiques présents dans le monde pour s’en inspirer et créer le nouveau modèle juridique chinois. Conséquemment, le droit civil chinois a été grandement inspiré par le modèle allemand.
Quant aux lois commerciales, comme les valeurs mobilières ou les investissements, elles ont souvent été calquées sur les lois américaines. Les chinois ont également été parfois innovateurs en combinant le meilleur des deux mondes.
Par exemple, la nouvelle loi sur les compagnies stipule que les entreprises doivent non seulement avoir deux organes de gouvernance, soit un conseil d’administration et un conseil de supervision (inspiré de l’Allemagne), mais également des directeurs indépendants qui siègent sur le conseil d’administration (inspiré des États-Unis et de la Grande-Bretagne).
Cependant, il y a encore beaucoup de travail à faire surtout dans l’application des lois et dans l’impartialité de la magistrature. Même si la situation s’est grandement améliorée dans les grandes villes comme Beijing, Shanghai ou Guangzhou, on rencontre encore des problèmes dans les zones moins développés de la Chine.
De plus, de nombreuses lois très importantes, comme la loi sur la propriété privée ou la nouvelle loi sur la faillite viennent tout juste de rentrer en vigueur et il faudra attendre quelques années avant de voir comment elles vont être appliquées. Il faut tout de même reconnaître que le niveau de développement législatif dans de nombreux domaines du droit chinois est très avancé quand on le compare à d’autres pays émergents.
La profession juridique est également en pleine expansion. Il y a actuellement en Chine plus d’une centaine de facultés de droit qui enseignent non seulement le droit civil mais parfois aussi la Common Law qui est devenu de plus en plus importante depuis la rétrocession de Hong Kong à la Chine en 1997.
Beaucoup de facultés de droit ont des programmes de coopération et d’échanges avec d’autres facultés de droit à l’extérieur de la Chine. Tout cela, combiné à des professeurs qui ont parfois étudié à l’étranger, permet aux étudiants, surtout ceux dans les meilleures universités du pays, d’avoir une perspective internationale du droit.
Par contre, le problème pour les étudiants se pose surtout à la fin des études car accéder à la profession est très difficile avec en moyenne seulement 10% des étudiants qui passent avec succès les examens du barreau.
La qualité des services juridiques va également en s’améliorant. Dans les années 80 et 90, de nombreux jeunes avocats chinois ont quitté la Chine pour aller suivre des programmes de maîtrise en droit en Europe ou aux États-Unis. Certains ont travaillé pour des bureaux d’avocats dans des centres financiers comme New York et Londres, où ils ont acquis une expérience de travail très précieuse tout en perfectionnant leur maîtrise de la langue anglaise.
Voyant le marché chinois et ses occasions, beaucoup d’entre eux sont revenus en Chine pour servir une clientèle non seulement chinoise mais également étrangère. Actuellement, on retrouve même quelques gros bureaux d’avocats chinois avec des bureaux partout en Chine et même à l’étranger. En Chine, ces bureaux font directement concurrence aux bureaux étrangers qui voient souvent leurs clients les quitter pour la compétition chinoise.
En conclusion, force est de constater que les progrès faits par la Chine dans le domaine juridique sont très impressionnants. Même s’il est normal qu’il y ait encore beaucoup de travail à faire, la Chine se dirige dans la bonne direction et ce, à pas de géants.
Avec la montée du volume des investissements chinois au Canada, ne soyez pas étonnés si vous aurez bientôt à négocier avec un collègue chinois qui, espérez-le, parlera bien l’anglais ! Sinon, il n’est jamais trop tard pour se mettre au mandarin…
Henri Arslanian est stagiaire chez Fasken Martineau. Il vient de compléter une maîtrise en droit chinois à l’Université Tsinghua de Beijing. Il est également détenteur d’un baccalauréat en droit de l’Université de Montréal, d’une maîtrise en Common Law et droit transnational de l’Université de Sherbrooke et d’un certificat d’études économiques conjoint de la London School of Economics et de la Peking University.