À vos ordres mon avocat-colonel!
Agnès Rossignol
2014-10-27 15:00:00
Il pratique en solo depuis près de huit ans en droit fiscal au sein de son cabinet DC Services Juridiques et Fiscaux Inc. à Longueuil et accompagne des entreprises dans leur planification et réorganisation fiscale.
Mais le mardi, le juriste enlève la toge pour revêtir son uniforme de colonel dans les Forces armées canadiennes et se consacrer à ses troupes au quartier général de Montréal.
Le 7 juin dernier, promu colonel, il s'est vu confier le commandement du 34e Groupe-brigade du Canada (GBC) composé de 13 unités de l'ouest du Québec regroupant près de 2 500 réservistes, dont certains avocats. Ces militaires à temps partiel ont participé aux opérations en Afghanistan, en Haïti lors du tremblement de terre et pendant les inondations de la rivière Richelieu.
Âgé de 43 ans, l’avocat s’est enrôlé comme militaire en 1988 à l’âge de 17 ans, après avoir été dans les cadets. « J'aimais l'ambiance dans les cadets et beaucoup de mes amis sont rentrés ensuite dans l'armée. Je souhaitais conserver ses liens amicaux. Cet emploi à temps partiel me permettait aussi de payer mes études, confie-t-il. Nous étions mal rémunérés, environ 36 dollars par jour, mais c'était beaucoup pour l'époque ».
Cours après cours, il est monté en grade : de soldat à officier d'infanterie subordonné à supérieur, et a occupé divers postes de commandant. Promu lieutenant-colonel en 2008, il a été muté au Quartier général du 34 GBC en 2011, où il a occupé la fonction de commandant adjoint jusqu'en juin dernier.
Concilier une vie militaire et civile
Ayant l'objectif de faire de la fiscalité, il a d'abord effectué un baccalauréat en administration des affaires, comptabilité à l’Université du Québec à Montréal (1996) puis un baccalauréat en droit à l’Université de Sherbrooke (1999).
Il a ensuite complété son stage du Barreau à l'aide juridique et est devenu avocat en 2000. On lui proposa alors de se joindre au service juridique de l'armée où il avait déjà 12 ans d'expérience.
« Je n'ai jamais été intéressé à être à temps plein dans l'armée. J'ai toujours voulu être avocat et faire des études universitaires. Intégrer les forces régulières aurait mis un frein à mon évolution, j'aurais été rétrogradé », explique-t-il.
Souhaitant toucher à plusieurs domaines du droit, Me Chafaï a débuté sa carrière au côté de Me Luce Gayrard. Pendant deux ans, il plaide en droit civil, familial, du logement. En 2003, il obtient une maîtrise en planification fiscale de l'Université de Sherbrooke.
En mars 2004, il intègre en tant que consultant en fiscalité le bureau de comptables agréés, Gallant Dupuis Tremblay Sauvageau (GDTS) à Saint-Lambert qu'il quitte en février 2007 pour se mettre à son compte comme avocat. « Je voulais plus de défis et davantage de contrôle dans mes dossiers. »
Il souligne l'humilité nécessaire pour pratiquer le droit fiscal en perpétuel changement. « Il faut avancer lentement avant de donner une opinion juridique, ne jamais se fier à sa mémoire, et toujours aller vérifier l'information ».
Cet avocat et père de famille qui consacre une centaine de jours par année à l'armée, trouve aussi le temps de donner des formations aux bureaux comptables, pratiquer la chasse et la plongée sous-marine.
« J'ai une conjointe compréhensive, c'est la clé. Je reste à mon bureau d'avocat le soir, la fin de semaine et gratte ici et là du temps », avoue-t-il.
Un planificateur
Si le fait d'être avocat ne l'a pas aidé à monter en grade dans l'armée, ses activités militaires ne lui permettent pas non plus de développer sa clientèle. Au contraire : « Ce n'est pas un moyen de réseauter, c’est l’inverse. Les gens vont me poser gratuitement des questions ».
Il reconnaît cependant qu'en matière de planification, ses deux emplois lui sont utiles mutuellement.
Côté civil, Me Chafaï est membre de l'Association de planification financière et fiscale, de l'Association d'étude en fiscalité et de l'Association fiscale internationale.
Côté militaire, le colonel est diplômé de cours en planification à grande échelle : commandement et d’état-major des forces terrestres de Kingston et commandement et d’état-major interarmées du Collège des Forces canadiennes à Toronto.
Son principal défi est de faire travailler ensemble tous les réservistes sous son commandement sur des opérations dont la prochaine, dans le Grand Nord québécois, nécessitera une grosse planification à compter de cet automne, des reconnaissances, des entraînements dans des conditions climatiques difficiles.
Selon le colonel, ses fonctions nécessitent un bon degré de culture, de la minutie et une force de persuasion, bref une bonne dose de leadership, qualité que l'on retrouve chez un avocat.
« Je passe mes journées à discuter avec mon supérieur sur des problèmes, à expliquer mon point de vue et à le convaincre des solutions appropriées, à convaincre aussi les réservistes de travailler ensemble dans la même direction. »