Premier bricolage dans un bureau d’avocats

La confection d’un mémoire d’appel est souvent fastidieuse et demande beaucoup de calme et de précision. Il y a vingt ans, en plus de connaître les règles des tribunaux sur le bout des doigts et de bien maîtriser les outils informatiques, vous deviez aussi avoir des aptitudes artistiques et être en bonne forme physique, avant de vous lancer dans une telle aventure.

Lors de la préparation de mon premier mémoire, après avoir assemblé les documents utiles, on me remit entre les mains une lourde étampe afin que je numérote chacune des pages. Moi qui aimais bien le bricolage, j’étais enthousiasmée.

C’était un jeu d’enfant pour les 25 premières pages. Puis, l’étampe fut capricieuse et n’imprima qu’à moitié. En mettant mes talents de peintre à l’œuvre, je finis rapidement par vider ma bouteille de liquide correcteur.

Pour repaginer, je devais reculer la numérotation d’un nombre en utilisant une espèce de broche à tricoter. Je ne devais surtout pas avoir peur de me tacher les mains. Cela aurait dû être amusant puisque je bricolais ! Je m’empressai de reprendre le martellement des pages jusqu’à ce que l’apparition de fortes douleurs musculaires au bras droit me fasse déchanter.

Mon document de plus de 400 pages étant finalement paginé et photocopié en 11 exemplaires. On me plaça devant une machine à relier appelée « boudineuse » afin de procéder à la première opération : la perforation. Un autre défi!

Mon bras droit ayant été réchauffé à la première étape, il était définitivement prêt à monter et descendre le manche de cet appareil encore pour plusieurs heures... Le désir d’aller plus vite me ramenait toujours au point de départ. Le son mécontent de la perforeuse me le rappelait sans cesse.

L’étape finale de la reliure fut beaucoup plus simple. Il faut dire que j’avais l’aide de tous les saints du ciel à chaque fois que je les interpellais de vive voix !

À la fin de la journée, courbaturée, mais fière du travail accompli, j’étais prête à remettre les mémoires à l’huissier quand mon patron vint me rejoindre à la rescousse pour me demander d’enlever certaines pages et d’en ajouter d’autres.

C’était fini le bricolage. On faisait maintenant place à la stratégie. C’est ainsi que mon bras musclé par un tel travail passa le flambeau à l’avocat afin qu’il puisse pratiquer l’art de la plaidoirie et ainsi obtenir une prolongation de délai.


Sur l'auteure:
Julie Tondreau est directrice de la formation, auteure et éditrice juridique de Confections juridiques M.T. Auparavant, elle a été secrétaire juridique pendant 11 ans.