Jolin-Barrette attaque Rondeau
Jean-francois Parent
2022-07-07 15:39:00
Dans un communiqué publié en après-midi, jeudi, le ministre de la Justice et procureur général du Québec dévoile qu’il « a mandaté le procureur général du Québec pour qu'il dépose un renvoi devant la Cour d'appel afin de requérir son avis à l'égard de la décision unilatérale de la direction de la Cour du Québec ».
Plus tôt cet hiver, la juge en chef de la Cour du Québec Lucie Rondeau annonçait une diminution du nombre de jours où siègent les juges affectés à la Chambre criminelle et pénale. La juge en chef annonçait ainsi que les journées passées au tribunal passaient de 2 sur 3 à 1 sur 2 pour les magistrats du Québec, ce qui avait fait réagir le ministère de la Justice.
Ce printemps, lors de l’Étude des crédits de son ministère, Simon Jolin-Barrette expliquait que la Cour du Québec est l'une des parties qui ne fait pas d'efforts pour réduire les délais en matière criminelle et pénale, qualifiant d' « insoutenable » la décision de la juge en chef de réduire le temps passé par les juges sur le banc.
Il critiquait en outre qu'une telle décision ait été prise unilatéralement, et invitait la magistrature à mettre l’épaule à la roue pour réduire les délais.
« Tout le monde fait des efforts, les services judiciaires, le DPCP, les policiers », alors que la Cour du Québec a plutôt choisi de réduire les journées d’assignation au tribunal, déplorait-il.
Questionnée par Droit-Inc, la juge en chef Rondeau affirmait alors être en discussions avec le ministère de la Justice pour trouver des solutions au problème des délais judiciaires. « La Cour du Québec est soucieuse et consciente de cet impact et participe ainsi à ces travaux dans un esprit de collaboration visant un déploiement progressif des ressources additionnelles », afin d'offrir des services dans des « délais raisonnables », disait Lucie Rondeau à Droit-Inc.
Or, il appert que les positions se sont durcies, comme l'illustre la décision du ministre de saisir les tribunaux de la situation.
Rappelant que la réduction du temps passé « pourrait faire augmenter significativement les délais judiciaires », le ministre signale que « près de 50 000 dossiers » se retrouveraient à risque de dépasser le délai fixé par l'arrêt Jordan.
L'arrêt R. c. Jordan rendu par la Cour suprême en 2016 impose un plafond maximum pour conclure les dossiers, à l’intérieur d'une fourchette de 18 à 30 mois, selon la cause.
« Cette décision prise par la direction de la Cour du Québec de façon unilatérale, et sans consultation préalable des différents partenaires du milieu de la justice, inquiète profondément le gouvernement du Québec », affirme Simon Jolin-Barrette par voie de communiqué, pour qui le risque que la confiance du public et des victimes envers le système de justice ne s’effrite est réel.
C’est pourquoi « (i)l importe d'obtenir l'éclairage de la Cour d'appel du Québec dans ce dossier », conclut-il.
Est-ce donc dire que les discussions sur ces questions ont frappé un mur, incitant le ministre à forcer le jeu?
« Ce dossier étant devant la Cour d’appel, la juge en chef me prie de vous informer qu’aucun commentaire ne sera émis à cet égard », répond l’adjointe exécutive de la juge en chef Me Anne Latulippe, dans une correspondance avec Droit-Inc.
Au ministère de la Justice, la porte-parole Isabelle Boily indique que « par respect pour le processus judiciaire, nous n'émettrons pas de commentaire ».
Dans l’avis de renvoi daté du 6 juillet, dont Droit-Inc a obtenu copie, le procureur général soutient que puisque la « décision unilatérale » aura pour effet d’allonger les délais judiciaires, et que les « procès instruits en temps utile » sont essentiels pour la confiance envers la justice, notamment, il se doit de demander à la Cour d’appel si la juge en chef peut prendre une telle décision.
Anonyme
il y a 2 ansCette guerre de clochers entre le Ministre et la juge en chef de la Cour du Québec a assez durée.
Il est grand temps que le Ministre et la juge en chef soient tous deux remplacés. Leur guerre sur la place publique ne sert ni les citoyens, ni l’administration de la justice - et j’ai l’impression qu’ils en sont tous deux responsables.