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IA : Qui est responsable?

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Nadia Agamawy

2024-03-12 14:15:46

Me Mariève Lacroix et Me Nicolas Vermeys. Sources: Université d'Ottawa et Université de Montréal
Un nouvel ouvrage sur la responsabilité de l’IA offre aux avocats un guide pratique pour naviguer dans ce domaine juridique en pleine mutation.

Lorsqu’un outil doté d’intelligence artificielle cause un préjudice, qui est responsable en vertu de la loi ? Est-ce le fabricant ou l’utilisateur ? La question est loin d’être évidente, selon Me Nicolas Vermeys, professeur de droit à l’Université de Montréal.

Au Québec, comme ailleurs dans le monde, les législateurs et les juristes sont confrontés au défi de déterminer comment attribuer la responsabilité civile lorsque des dommages sont causés par des systèmes alimentés par l’IA.

Le nouvel ouvrage « Responsabilité IA » coécrit par Me Mariève Lacroix et Me Nicolas Vermeys dresse un état des lieux du droit québécois de la responsabilité civile à l’égard de l’intelligence artificielle.

Cadre législatif actuel

D’abord, quid de la qualification juridique de l’IA ? « Il s’agit d’un logiciel ou d’un bien appropriable, pour lequel un individu quelconque doit être tenu responsable lorsque ce bien cause un préjudice à autrui », explique Me Vermeys.

En partant de ce postulat, les auteurs cherchent à analyser les dispositions dans le Code civil québécois qui permettraient à un avocat d’identifier cette personne responsable en cas de préjudice.

Deux dispositions sont particulièrement importantes. La première, c’est la responsabilité pour le fait d’un bien. Selon l’article 1465 du Code civil, le gardien d’un bien peut être tenu responsable du fait autonome de celui-ci. Dans le cadre de l’IA, le gardien est souvent l’utilisateur final de la technologie.

La deuxième disposition relève de la responsabilité du fabricant, en l’occurrence la compagnie derrière l’outil IA en question.

« Et donc ce sont ces deux dispositions que l’on examine pour voir laquelle pourrait s’appliquer selon le contexte du dommage subi », affirme Me Vermeys.

À titre d’exemple, un conducteur sur l’autopilote d’une Tesla percute un piéton. À qui incombe la responsabilité civile : au conducteur ou à Tesla ? Dans ce cas, « ce serait clairement le gardien de la Tesla, donc la personne derrière le volant », répond Me Vermeys.

« Le régime qui nous semble le plus intéressant, c’est bien la responsabilité pour le fait d’un bien », souligne le professeur. Il compare ce régime à celui sur la responsabilité des gardiens d’animaux : « lorsqu’un animal cause préjudice à autrui, c’est son gardien qui sera tenu responsable ».

Zones grises

Me Vermeys explique que les deux dispositions du Code civil contiennent néanmoins des lacunes « qu’il faudrait combler ». Si l’exemple de la Tesla était sans ambiguïté, identifier la personne responsable en matière de l’IA n’est pas toujours chose facile.

« Dans certaines circonstances, la personne responsable va être le propriétaire du système IA. Dans d’autres cas, ça sera la personne qui l’a développé. Dans d’autres cas, ce sera l’utilisateur final », nuance Me Vermeys.

« Et c’est là, la problématique : parfois, c'est relativement simple d’identifier la personne responsable. Mais d’autres fois, ça peut être assez complexe de l’identifier ».

Au Québec, il n’est pas encore clair si ce sont les tribunaux ou les législateurs qui combleraient ces lacunes, note Me Vermeys.

Une assurance IA?

Dans la conclusion du livre, les auteurs formulent des recommandations aux législateurs québécois qui envisageraient une éventuelle réforme du cadre législatif actuel. Les auteurs proposent, entre autres, un modèle d’assurance IA. « L’idée est un peu similaire à l’assurance automobile ». Il s’agit donc de créer un fonds d’indemnisation pour les victimes d’intelligence artificielle.

Oui, mais qui paie? Soit le développeur du système IA. Sinon, « ça peut aussi être un fond généré par l’État à la lumière des avantages perçus de l’utilisation de l’IA », suggère Me Vermeys.

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