Six questions à une Super mentore
Camille Laurin-desjardins
2020-09-23 15:00:00
Guider les plus jeunes et leur donner des conseils a toujours été important pour elle, même lorsqu’elle n’avait que quelques années de pratique; cela fait d’ailleurs partie de la culture d’entreprise chez Langlois, souligne celle qui est membre du Barreau depuis 1995.
L’avocate associée a appris récemment qu’elle recevrait le prix Excellence en mentorat de la Société des plaideurs, le 24 septembre prochain, lors d’un gala virtuel. Ce prix, qui sera décerné pour la première fois au Québec, vise à récompenser le dévouement à l’égard du mentorat et la générosité en matière du temps et de l’expertise partagés, ainsi que l’intérêt pour la diversité et l’inclusion.
Droit-inc s’est entretenu avec Me Lemaire, pour qui le mentorat est « naturel ».
Droit-inc : Pourquoi avez-vous reçu ce prix, selon vous?
On dirait que c'est difficile, je n'ai pas l'habitude de parler de moi (rires)!
Ce que je comprends, c'est que ce sont des jeunes du bureau qui ont suggéré de proposer ma candidature… Chez Langlois, la place du mentorat est très importante. Il y a un programme d'assurance-qualité qui fait en sorte que toutes les opinions, procédures ou plans de plaidoiries sont révisés par des associés.
Je fais partie de ceux qui, naturellement, aiment aider les plus jeunes.
En fait, j'aime beaucoup quand les jeunes font appel à moi pour avoir des conseils, pour réviser leurs documents. Je pense que je suis accessible et que les jeunes avocats et avocates se sentent à l'aise de me parler.
Quelle place le mentorat occupe dans votre métier?
Je dirais que c'est au quotidien. Mais un conseil, ça peut se donner très rapidement, comme parfois, ça va nécessiter de faire des séances de travail plus élaborées...
Quand on parle de mentorat, ça se fait naturellement... Ce n'est pas : de 8 à 9, je fais du mentorat, et je n’en fais plus le reste de la journée.
Le cabinet, c'est vraiment une grande équipe de travail. Moi, dans mes dossiers, il y a plusieurs jeunes qui sont impliqués. Alors on va faire du mentorat à même un dossier dans lequel je travaille, où je suis appuyée par d'autres, par exemple.
Des fois, je vais appuyer d'autres jeunes avocats qui travaillent dans leurs propres dossiers.
Vous travaillez en litige civil et en droit des assurances… Ce sont des domaines propices au mentorat?
Oui, c'est un milieu où les jeunes sont appelés assez rapidement à devoir faire des représentations devant les tribunaux...
Dans le litige, en matière d'assurances, il va y avoir des dossiers aux montants très variés. Ça peut être une poursuite de 8000$, comme on peut avoir des poursuites de plusieurs millions, mais il y a quand même plusieurs dossiers où la valeur en litige est inférieure à 50 000$, alors on se sent très à l'aise que le dossier soit piloté par des plus jeunes avocats... alors qu'il y a d'autres domaines de droit où les enjeux monétaires sont plus élevés, où ça va prendre plusieurs années avant qu'un jeune soit appelé à plaider devant les tribunaux.
Alors c'est vraiment important pour nous qu'un jeune arrive bien préparé devant le tribunal. Ça fait partie de la culture de Langlois, de faire en sorte que la formation des jeunes soit très présente.
Un jeune va toujours être accompagné lors de son premier procès, et on va le préparer avec lui.
En fait, on veut que les jeunes se sentent appuyés. Déjà que la pratique, ça demeure difficile, on trouve que c'est notre rôle de donner les outils aux plus jeunes pour qu'ils grandissent et prennent de l'expérience et deviennent meilleurs dans la profession.
Et vous, quand vous êtes arrivés chez Langlois, avez-vous bénéficié de cette culture?
Oui, absolument. J'ai eu l'occasion de travailler beaucoup avec Jean-François Gagnon, qui est l'associé directeur du cabinet. Jean-François a été un mentor pour plusieurs avocats chez nous, et c'est vraiment quelqu'un chez qui c'est naturel, également.
J'ai aussi travaillé avec Michel Jolin, qui est un associé senior du bureau, qui a une grande confiance envers les plus jeunes.
Je l'ai vécu d’une façon naturelle aussi, quand je suis arrivée au bureau. Les associés seniors étaient accessibles. Il n'y a pas vraiment de hiérarchie... Oui, il y a une hiérarchie en matière de nombre d'années, mais les avocats seniors accordent beaucoup d'importance à la vision des plus jeunes, à leur opinion... On tente de leur confier des parties du dossier qu'ils vont pouvoir mener eux-mêmes.
Vous souvenez-vous de la période où cela a basculé, où c'est vous qui deveniez une mentore?
J'ai pas de moment précis en tête... Même quand j'étais plus jeune, disons avec quatre ou cinq ans de pratique, j'aimais bien accompagner les stagiaires et leur donner tous les petits conseils que moi-même, j'avais eus, ou que j'aurais aimé avoir...
C'est certain qu'après une dizaine d'années de pratique, je voyais bien que j’étais plus à même de conseiller les plus jeunes.
Mais même présentement, chez nous, il y a certains jeunes avocats qui vont agir comme parrains ou marraines, vers qui les stagiaires vont naturellement se tourner. Des fois, on est plus à l'aise avec les plus jeunes, au début. Ça se fait graduellement.
Les jeunes avocats vont donner des conseils sur comment se comporter, comment rédiger des charges de facturation, comment aborder tel ou tel associé... Des petits trucs ludiques, je pense qu'on retrouve ça dans n'importe quel domaine!
À un certain moment, je me suis occupée du secteur des assurances. J'organise régulièrement des formations, de concert avec d'autres... Pendant plusieurs années, j'en faisais quand même beaucoup, alors c'est certain que pendant ce temps-là, les avocats sont peut-être plus portés à venir me voir.
Mais je vous dirais qu'on est quand même plusieurs, et je ne veux pas enlever d'importance à mon prix, je suis très heureuse de l'avoir gagné, je veux juste dire qu'il y a quand même plusieurs associés aussi qui font du mentorat au sein du cabinet.
Pourquoi le mentorat est-il important, pour vous?
Je veux que les jeunes se sentent à l'aise. À l'université, on nous apprend le droit, alors on est très bien formés... Mais je pense que quand un jeune est rendu au sein d'un cabinet, ça devient la responsabilité du cabinet de le former pour devenir un bon avocat.
Et ça, tout le monde en profite. Le jeune en profite, mais le cabinet aussi : c'est très rentable pour un cabinet de former un jeune, de lui inculquer nos valeurs, de l'aider à corriger ses faiblesses, à cultiver ses forces... Tout le monde est gagnant d'avoir un programme de mentorat au sein de son cabinet.
C'est important aussi qu’on donne le droit à l'erreur. Souvent, quand les jeunes arrivent, ils sont très forts en droit... mais c'est normal qu'ils ne sachent pas comment s'adresser au tribunal. Ça s'apprend, être un bon plaideur. Ça prend des années, mais il faut l’apprendre... On ne s'attend pas à ce que les jeunes soient parfaits en arrivant, pas du tout.
''La troisième édition du gala de la Société des plaideurs aura lieu virtuellement ce jeudi 24 septembre. Il est encore possible de s’inscrire pour y assister.''