Jeunes, avocates et noires, elles lancent leur cabinet!
Camille Laurin-Desjardins
2021-02-02 15:00:00
« J’ai fait 100 copies de mon CV, j’ai pris mes cliques et mes claques et j'ai marché sur les rues Sherbrooke et Notre-Dame, les rues où il y a les cabinets d’avocats, pour me présenter en personne et faire un peu de “forcing”. »
Sa stratégie a finalement porté ses fruits. Elle s’est trouvé un stage, auprès de l’avocat Waïce Ferdoussi, et a travaillé là pendant trois ans, par la suite.
« Je m'en rappelle comme si c'était hier... L'avocat était surpris par la démarche… que j’aie les couilles de me présenter comme ça! » se remémore-t-elle en riant.
C’est en repensant à son propre parcours semé d’embûches, l’été dernier, alors que la mort de George Floyd a frappé les esprits et éveillé les consciences par rapport au traitement réservé aux personnes noires en Occident, qu’elle a finalement décidé de se lancer.
« Avec les événements de George Floyd, mais aussi avec les rapports mis en ligne par le Barreau et le Jeune Barreau sur l’accès à la profession, sur la représentativité… Je me suis dit : c’est une mission à laquelle je me dois de participer, d'aider à ce qu'il y ait plus de représentativité dans le monde juridique » affirme Me Taffot.
Elle en a parlé avec sa collègue, Me Abla Kekeli Maglo, elle aussi une avocate noire ayant fait ses études en France, qui avait les mêmes réflexions qu’elle. Me Maglo parle même d’un « coup de foudre » professionnel... Les deux femmes ont décidé de s’associer pour créer le cabinet Heritt.
Et qu’est-ce que ça veut dire, « Heritt »? Ce sont les valeurs du cabinet, expliquent les deux avocates : héritage, équité, résilience, intégrité, transparence et ténacité.
« Pour ma part, j’avais la volonté de pouvoir participer à la mise en place de modèles pour ceux qui viennent après nous, explique Me Maglo. C'est difficile, quand on fait partie d'une minorité, d’avoir des modèles à qui se raccrocher, pour nous encourager, pour nous aider à tenir bon, quand parfois, c'est peut-être un peu moins facile que pour les autres... »
Me Taffot, qui est aussi chanteuse d’opéra, explique que ce cabinet est l’occasion pour elle de donner un exemple à ses fils.
« C'est de dire : vous pouvez être qui vous voulez, plus tard. Vous pouvez être associé dans un grand cabinet, et le grand cabinet peut être un cabinet d'avocates noires… C'est de fournir un exemple à la génération future, de manière à ce qu'ils puissent se projeter. »
Pas assez d’avocats noirs
Parce que si des avocats noirs, il n’y en a pas suffisamment, au Québec (selon le Jeune Barreau de Montréal, les avocats issus de la diversité ne représentent que 9,4% des membres du Barreau du Québec), des associés noirs… il y en a encore moins!
« Il faut les nommer, les choses, et justement, 2020 nous a permis de le faire, croit Me Taffot. La représentativité, ça compte, et malheureusement, je n'en ai pas vu beaucoup, des cabinets avec des associés noirs. »
Si le cabinet Herrit se donne comme mission claire d’encourager la relève issue de la diversité, il se veut également ouvert à tous ceux qui embrassent les mêmes valeurs. Mais la première mission, insistent les deux associées, est d’être sensible aux besoins de leurs clients, de les écouter « et de comprendre leur parcours ».
Me Taffot, Barreau 2013, se spécialise en droit de l’immigration, en droit familial et en droit civil. Me Maglo, Barreau 2016, se spécialise en droit de la santé, en droit du travail, ainsi qu’en droit familial et en droit civil.
Alors qu’elles emménagent dans leur nouveau bureau, en ce début du mois de février, elles avaient également envie de souligner le Mois de l’Histoire des Noirs. Du 8 au 10 février, elles offrent donc des consultations juridiques gratuites!