Analyse juridique

Comment intenter une action dérivée

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Julia Lifchits

2013-03-25 13:15:00

Depuis 2011, la Loi sur les sociétés par actions du Québec prévoit la possibilité d’intenter une action dérivée au nom d’une société, tout comme la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Mais ce n’est pas automatique, nous dit une jeune avocate…
Dans les deux lois, ce recours nécessite l’obtention préalable d’une autorisation de tribunal. Interprétée en 2008 par la Cour Suprême dans BCE Inc. c. Détenteurs de débentures de 1976, (2008) 3 R.C.S. 560, l’autorisation « vise à prévenir les actions frivoles ou vexatoires ainsi que les actions qui, même intentées de bonne foi, ne servent pas les intérêts de la société. »

Rappelons-le, une action dérivée, relevant du droit des sociétés, est une action qu'une partie intéressée (généralement un actionnaire) peut intenter au nom et pour le compte d'une société contre un administrateur ou dirigeant de cette société. Le but est de poursuivre l'administrateur ou le dirigeant qui ne respecte pas ses obligations envers la société au détriment de celle-ci.

Le caractère préalable

Julia Lifchits est avocate chez Freiheit Légal à Montréal
Julia Lifchits est avocate chez Freiheit Légal à Montréal
Si la nécessité de franchir ce premier obstacle ne soulève pas de doutes, le caractère préalable de l’autorisation a quand même suscité un débat. S’agit-il d’une demande d’autorisation distincte faite bien avant le procès éventuel ? Ou serait-il permissible de la demander lors du procès et, si l’autorisation est accordée, de procéder immédiatement sur le fond de l’action dérivée ? Cette question n’a jamais été présentée au Québec, bien qu’elle ait fait l’objet de plusieurs décisions au Canada.

La question a été récemment débattue par notre bureau dans le contexte de certains amendements apportés par des actionnaires-demandeurs à leur requête introductive d’instance. Ayant intenté un recours en oppression contre le directeur de plusieurs compagnies régies par la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi sur les sociétés par actions du Québec, les demandeurs voulaient y ajouter, deux ans plus tard, des conclusions subsidiaires. Les nouvelles conclusions auraient pour effet d’introduire des actions dérivées contre le même défendeur au nom de trois compagnies, qui étaient jusqu’alors des mises en cause, et ce, avec des demandes d’autorisation nunc pro tunc à être tranchées lors du procès.

Une première au Québec

Le juge Louis Gouin, premier à statuer sur cette question au Québec, a rejeté ces amendements, considérant que les demandeurs « are implicitly compelling the Respondent to proceed on the merits of the Derivative actions as if they had already been authorized. »

En effet, en ne demandant les autorisations qu’au moment du procès, les actionnaires forceraient le défendeur à préparer une défense complète à chaque allégation de nature dérivée dans l’anticipation d’une instruction au fond.

Que cette défense s’avère finalement nécessaire ou non, le défendeur aurait dû investir du temps et de l’argent considérable dans la période précédant le procès, et ce, même si les actions dérivées étaient ultérieurement jugées comme frivoles, vexatoires ou inappropriées.

Une situation, il semble, que le législateur voulait justement éviter…

Sur l’auteure

Julia Lifchits est avocate chez Freiheit Légal à Montréal. Elle a auparavant fait son stage dans le département juridique de Citibank International à Paris, où elle a acquis une expérience dans divers sujets du droit bancaire et financier.

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