De la guerre en Syrie… au bac en droit
Sonia Semere
2024-05-31 15:00:13
Une jeune diplômée en droit de l’UQAM raconte à Droit-inc son incroyable parcours de la Syrie, en passant par le Liban jusqu’au Québec.
En 2014, alors âgée de 16 ans, Ezabel Darstbanian quitte précipitamment la Syrie avec sa famille pour fuir la guerre civile.
« On a attendu à peu près 14 heures dans l'autobus pour aller vers le Liban, les terroristes n'arrêtaient pas de monter sur l'autobus, ils volaient toutes nos affaires. Ç'a été vraiment difficile », se remémore la jeune femme, désormais installée au Québec.
Celle qui vient d’être diplômée d’un baccalauréat en droit de l’UQAM a appris seule le français.
En effet, lorsqu’elle était au Liban, les frais de scolarité étant trop élevés pour sa famille, la jeune femme découvre la langue de Molière grâce à la lecture, mais également avec des vidéos postées sur Youtube.
Si plus jeune, bien déterminée à apporter un changement sociétal, elle s’imaginait devenir psychologue en Syrie, Ezabel développe au fil du temps un vif intérêt pour le droit.
Combattre les injustices
Ce qui a suscité son intérêt? Sans aucun doute, les injustices qu’elle a pu voir dans son pays d’origine. Le droit était quasiment accessible que pour les hommes, les femmes n’avaient pas vraiment accès à ce domaine-là.
Très tôt, Ezabel constate également que les femmes sont nombreuses à être victimes de violences conjugales.
« Le problème, c'est que les femmes ne sont pas conscientes qu'elles sont victimes, surtout de violences psychologiques. C'est devenu un peu la norme là-bas. C'est vraiment ça qui a fait que je voulais rendre justice aux femmes surtout ».
Pas étonnant d’apprendre que parmi ses domaines de pratique de prédilection figure le droit de la famille.
La jeune étudiante mentionne tout ce qui concerne la garde d’enfants, le partage du patrimoine familial et les dossiers de sécurité conjugale comme des enjeux qui l’intéressent.
Étant elle-même migrante au Canada, le droit de l’immigration l’intéresse également.
De nature très curieuse, l’étudiante a effectué de nombreux stages dont notamment au sein de la Clinique pour la justice migrante, au Tribunal administratif du logement ainsi qu'à l'aide Juridique De Montréal.
Désormais détentrice d’un baccalauréat en droit, la jeune femme s’est inscrite à l’école du Barreau. Et si la Course aux stages ne fut pas un succès pour elle, Ezabel ne baisse pas les bras.
« J’ai eu huit entrevues et finalement, je n’ai rien eu donc c’était un peu décevant. Avec le temps, j'ai vraiment appris à savoir faire face à l'échec et comprendre que l'échec fait partie du processus ».
Son parcours de migrante démontre ô combien les défis ne lui font pas peur.
S’adapter à une nouvelle culture
Au-delà de la barrière de la langue, comment s’est-elle adaptée à la vie québécoise ? Comment a-t-elle affronté tous les défis et les obstacles?
Ezabel souligne d’importants changements dans les habitudes du quotidien et notamment au niveau du système scolaire.
« Travailler de 8h à 17h, je trouvais ça vraiment long. Chez nous, c’était de 7h du matin jusqu'à 13h, donc on avait tout le reste de la journée pour étudier ou passer du temps avec nos amis ».
Au niveau de l'intégration, l’étudiante trouvait ça également difficile et reconnaît s’être sentie « un peu exclue de cette nouvelle société ».
Pour mieux s’adapter, elle s’est tournée vers divers organismes et a enchaîné les activités culturelles comme les ateliers de peinture ou de danse.
À cette adaptation complexe s'ajoutent des cauchemars répétés lors de ses premières années au Canada.
« Je rêvais encore des bombardements, je repensais aux coupures d'électricité et d'eau. Je voyais les terroristes rentrer dans les écoles ».
Malgré ces images, Ezabel garde en souvenir, un pays d’entraide et de partage où le collectif prime plus que l’individu.
Nul doute que celle qui a toujours souhaité apporter un changement sociétal a trouvé la voie parfaite avec le droit pour mettre sa pierre à l'édifice.