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Une grève en dehors des heures normales de travail jugée parfaitement légale

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Béatrice Proulx

2025-03-11 11:15:36

Béatrice Proulx, l'auteure de cet article. Source : RBD
Béatrice Proulx, l'auteure de cet article. Source : RBD
Résumé d’une décision du Tribunal administratif du travail…

Dans la décision Agence du revenu du Québec c. Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, 2025 QCTAT 296 (j.a. Christian Drolet), l’Agence du revenu du Québec (ci-après « l’Agence ») saisit le Tribunal administratif du travail (ci-après, le « Tribunal ») d’une demande d’intervention au motif que l’avis de grève transmis par le syndicat contrevient à l’article 111.0.23 du Code du travail (ci-après, Code). En conséquence, l’employeur prétend que l’avis de grève n’a aucune valeur juridique.

Les faits au soutien de la présente affaire sont assez succincts : les parties sont liées par une convention collective venue à échéance le 31 mars 2024. En cours de négociation, le 5 décembre 2024, elles concluent une entente concernant les services essentiels à maintenir en cas de grève, incluant ceux en dehors des heures normales de travail.

Le 8 janvier 2025, le syndicat transmet un avis de grève prévoyant une grève continue, pour une durée illimitée et qui se déroulera tous les soirs, de 16 h 45 à 8 h 15 le lendemain, ainsi que tous les samedis et dimanches. Le début de la grève était prévu pour le 18 janvier 2025, à 00 h 01. La veille du premier jour de grève, l’employeur dépose la demande d’intervention qui est au cœur du litige.

Pourtant, cet avis de grève est similaire aux autres avis envoyés dans le passé et où les grèves se sont tenues sensiblement sur les mêmes plages horaires. Jamais l’employeur n’avait contesté cette méthode auparavant.

Selon l’employeur, la grève, telle qu’annoncée, est de nature discontinue puisque chaque période de grève est suivie d’une période de travail normal. Selon lui, le Code interdit une grève interrompue par des périodes de travail normal sans l’envoi d’un nouvel avis préalable de grève selon les termes de l’article 111.0.23. Pour l’Agence, une grève prend fin dès la reprise du travail.

La seule question en litige était de déterminer si une grève en dehors des heures normales de travail est prohibée par le Code du travail. Au risque de citer l’évidence, il est à noter que les salariés continuent de fournir leur prestation régulière de travail le jour, durant la semaine.

Le Tribunal conclut que rien dans le Code du travail n’interdit la grève illimitée de soir, de nuit et de fin de semaine exercée depuis le 18 janvier 2025. La seule exigence de l’article 111.0.23 du Code en ce qui concerne le contenu de l’avis préalable de grève est la mention du « moment » où le syndicat entend y recourir. L’avis transmis par le syndicat respecte cette exigence. Le fait que les employés se présentent au travail après chaque période de grève ne peut être interprété comme une renonciation à poursuivre celle-ci.

Le Tribunal revient aux sources en référant à la définition de grève prévue au Code, soit une cessation concertée des activités par un groupe de salariés. La définition ne prévoit aucune forme ni durée particulière pour exercer ce droit. Tout excès de formalisme aurait un effet grave et immédiat sur l’exercice de ce droit fondamental.

La demande d’intervention est rejetée et la grève peut se poursuivre.

À propos de l’auteure

Béatrice Proulx est avocate chez RBD. Elle consacre notamment sa pratique à la défense des intérêts des salariés provenant d’associations policières et ambulancières à travers le Québec. Elle se spécialise dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail et en matière de rapports collectifs du travail.

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