Inspirer les avocats de demain, mode d’emploi
Camille Dufétel
2023-03-23 15:00:00
S’il ne doute pas du caractère palpitant de ce métier, son truc, c’est plutôt la recherche, l’enseignement, et la formation des avocats de demain.
Ce nouveau professeur adjoint à la Faculté de droit de l’Université de Montréal s’est fait beaucoup remarquer pour son travail. Il a entre autres reçu en 2022 le prix Thémis de la meilleure thèse en droit.
« Ça fait longtemps que je poursuis ce rêve de devenir professeur. J’ai une passion pour l’enseignement et la transmission de la connaissance », assure-t-il, alors qu’il a débuté son emploi le 1er mars dernier.
Il n’a pas hésité à appliquer quand l’Université de Montréal a ouvert ce poste en droit pénal. Il s’est investi pleinement dans un long processus, très compétitif, et l’a décroché. Il vient combler les besoins de la Faculté de droit pour plusieurs cours.
« Allumer un feu »
Alors que le CV du professeur adjoint, qui était depuis juin 2021 chercheur postdoctoral à la Faculté de droit de l’Université McGill, recense près d’une vingtaine de prix et de distinctions, comment compte-t-il leur transmettre sa passion ?
« Lorsque l’on est soi-même passionné par les questions au cœur de notre enseignement, je pense que ça paraît, estime-t-il. Si le professeur est convaincu que ce qu’il est en train de dire est important, les étudiants le sentent. »
Mais il croit aussi que la chose est plus aisée dans le cadre d’un cours de droit pénal, car c’est un droit « qui interpelle les intuitions morales très profondément inscrites dans l’être humain ».
« C’est toute la question de la culpabilité, de l’innocence, de la punition, du blâme... Le droit pénal cristallise les interdits les plus fondamentaux et je pense qu’il est plus facile d’interpeller l’étudiant lorsqu’il est question de crime et d’homicide ».
Il a toujours retenu une phrase qu’il attribue à Aristophane, reprise par Montaigne plus tard.
« Enseigner, ce n’est pas remplir un vase, c’est allumer un feu ».
Pour lui, l’important est d’éveiller la curiosité des étudiants pour qu’ils se réapproprient des questions et qu’elles deviennent vivantes pour eux aussi.
Ugo Gilbert Tremblay, aussi chercheur affilié à la Chaire de recherche France-Québec sur les enjeux contemporains de la liberté d’expression, se dédie désormais à temps plein aux trois volets d’une carrière universitaire. L’administratif, l’enseignement et la recherche.
Intérêt pour l’imputabilité
Le professeur a obtenu un baccalauréat pluridisciplinaire intégré en philosophie et science politique à l’Université Laval et une maîtrise en philosophie à l’Université de Montréal.
Il avait alors déjà à l’époque une passion pour les questions liées à la notion de l’imputabilité en droit, soit la notion de responsabilité. Il a consacré son mémoire de maîtrise à la question des fondements de l’imputabilité dans la Grèce ancienne.
En partant du philosophe Platon, il s’est intéressé au concept de faute involontaire, qui a une portée dans le domaine de la morale, mais aussi du droit.
Son tournant juridique a eu lieu en 2013, à la suite de la décision de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Turcotte.
« À la lecture de la décision, j’avais eu l’intuition que des problèmes se posaient avec certains raisonnements de la Cour d’appel », se souvient-il. Il a alors rencontré Me Pierre Poupart, qui a été l’avocat de Guy Turcotte, et a beaucoup appris auprès de lui.
C'est à cette époque, il y a dix ans, que le professeur adjoint a souhaité se plonger pleinement dans le droit. Il a suivi un doctorat en droit pénal, complété en 2020, et a aussi obtenu un certificat en droit.
Approche interdisciplinaire
Ce passionné d’écriture a mis en place une cotutelle bidisciplinaire en philosophie à l’Université de Genève et en droit à l’Université de Montréal.
Sa thèse portait sur la façon dont les neurosciences sont susceptibles d’affecter le droit pénal et plus particulièrement la notion de responsabilité.
« Je pense que ce qui a été remarqué dans ma thèse, c’est son caractère interdisciplinaire, pointe-t-il. Le fait de jeter un éclairage sur une notion proprement juridique mais en puisant dans plusieurs sources disciplinaires, comme les neurosciences, la psychologie, la philosophie... »
Le professeur a aussi reçu le prix de la meilleure thèse au Canada avec distinction ProQuest de l’Association canadienne pour les études supérieures dans la catégorie « Arts, sciences humaines et sciences sociales ».
Et il a décroché, en cours de route, le prix du meilleur manuscrit d’article juridique de la Fondation du Barreau du Québec. Il s’était alors intéressé à l’incidence des neurosciences de la colère sur la défense de provocation.
Alors qu’il a été choisi dans le cadre du concours 2022-2023 du programme de bourses postdoctorales Banting, il assure qu’il cherchera à ouvrir les horizons de ses étudiants pour leur montrer à quel point le droit peut soulever des questions sollicitant plusieurs disciplines.
Mais seulement une fois que les bases auront été établies et que les notions fondamentales auront été transmises au regard de la doctrine, de la jurisprudence et des lois.