Carrière et Formation

Formation continue : comment font les avocats-élus de l’Assemblée nationale?

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Catherine Morissette

2010-05-06 15:00:00

La formation continue est obligatoire pour tous les avocats. Mais comment font les avocats-élus de l'Assemblée nationale? L'ex député adéquiste, l'avocate Catherine Morissette, a enquêté auprès de ses ex-collègues...
À la suite de l’article publié sur la formation dans les grands bureaux, je me suis demandé comment faisaient les autres avocats, en particulier mes anciens collègues de l’Assemblée nationale.

À travers les périodes de questions, les nombreuses heures en commission parlementaire, le travail en bureau de comté et les nombreuses activités avec les citoyens du comté, où est-ce que les avocats-élus trouvent le temps de suivre 30 heures de formation?

Du sur-mesure à l’assemblée

Eh bien figurez-vous qu’ils bénéficient actuellement d’un programme sur mesure.

Un projet pilote d’une année a été mis en place par l’Assemblée nationale, pour que des formations soient offertes gratuitement aux élus, ainsi qu’au personnel administratif et politique. On parle d’un maximum de 41 heures entre septembre 2009 à mai 2010.

Je pensais avoir entre les mains un petit scandale : des formations payées par les contribuables? Pas du tout. Une conversation avec Catherine Matte, responsable du projet, aura éclairé ma lanterne. Ces formations ont lieu les mardis matins, au Salon de la Race, communément appelé le Salon bleu et les formateurs se déplacent gracieusement.

Mme Matte m’a précisé que l’objectif du projet pilote est de ne pas faire de frais, c’est-à-dire de fonctionner sans enveloppe budgétaire.

Qui sont ces généreux formateurs ?

Pour la plupart, ce sont des gens désignés par l’Assemblée nationale : le Commissaire au lobbyisme, la Protectrice des citoyens, le Directeur général des élections, le Président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et j’en passe. Bref, une occasion en or pour les têtes dirigeantes de ces organismes publiques de venir à la rencontre des élus.

Si la diversité des formations offertes par l’Assemblée nationale m’a paru emballer Me Véronique Hivon (Joliette), son collègue Me Bertrand St-Arnaud (Chambly) était plus critique.

Il déplore le fait que les formations ne soient pas toujours adaptées à ses besoins en tant que député. Ce qu’il y apprenait était certes intéressant, mais pas nécessairement utile pour son travail. Il suggère par exemple que de la formation sur la procédure parlementaire soit donnée, particulièrement aux nouveaux élus.

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Me Bertrand St-Arnaud, député de Chambly


Le peu de variété dans la plage horaire incommode également Me St-Arnaud. La tâche d’un député est soumise aux aléas de l’actualité, ce qui implique qu’il peut être parfois impossible d’assister aux trois heures complètes de la formation … Pour lui, une façon de pallier le problème serait que les formations soient dispensées en soirée.

Mais lorsque le lui ai demandé comment il se serait organisé si l’Assemblée nationale n’avait pas pris ce dossier en charge, il a bien avoué ne pas le savoir.

Et les grands de ce monde ?

Personne n’échappe à l’obligation de formation continue.

La question que vous vous posez peut-être est donc de savoir si le Premier ministre et les ministres vont réellement s’asseoir devant un formateur pour accomplir leurs heures obligatoires?

Selon les témoignages des députés, il semblerait que non. Une exception, Me Hivon a confirmé que Me Yvon Marcoux (Vaudreuil), ancien ministre de la justice, avait assisté à l’une des formations en même temps qu’elle.

En outre des voies (basses) s’élèvent contre les nouvelles obligations de formation.

« Le travail de législateur est plus formateur que n’importe quel cours donné par un confrère, dit Me Pierre Paradis (Brôme-Missisquoi). En tant que Président de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles, je dirige les débats entre le ministre en charge d’un projet de loi et les députés de l’opposition. Le projet de loi au complet me passe entre les mains. Je peux si je le souhaite poser des questions aux ministres. Cela me semble pas mal formateur. »

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Me Pierre Paradis, député de Brôme-Missisquoi


De telles activités pourraient-elles d’ailleurs être reconnues au titre de la formation continue ?

« Le Barreau est souple dans la reconnaissance de formation. Toutefois, l’activité ne doit pas être effectuée dans le cadre des fonctions de l’avocat. Sinon, tout avocat qui rédige un mémoire d’appel pourrait faire une demande de reconnaissance et ce n’est pas l’objectif poursuivi ! » dit Me Lise Tremblay, responsable du service de la formation continue au Barreau du Québec.

Petit bémol. Si avant l’étude d’un projet de loi en commission, les députés reçoivent des explications détaillées de la part de juristes impliqués sur le texte (dans le jargon « briefing technique »), les avocats-élus pourraient se faire valider certains crédits d’heures.

De même, du temps pourrait également être crédité à un ministre qui prononcerait une allocution expliquant en détails son projet de loi devant une clientèle spécialisée.

Aux avocats élus d’en faire la demande.

Voyez mes anciens collègues, je ne vous ai pas oubliés, je vous ai peut-être même fait gagner du temps !


Sur l'auteure...
Catherine Morissette est avocate à Québec. De 2007 à 2008, elle a été députée de Charlesbourg à l'Assemblée nationale du Québec sous la bannière de l'Action démocratique du Québec.
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5 commentaires
  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    Et les grands gagnants sont ...
    ... les compagnies de formation. Franchement, c'est illusoire de croire que la formation sert à quelque chose sinon à enrichir les sociétés de formations.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    Encore les races !
    >Ces formations ont lieu les mardis matins, au Salon de la Race...


    Une autre preuve du racisme des québécois!

    Y a-t-il un panneau à l'entrée, avec une inscription équivalente au fameux "Interdit aux chiens et aux chinois", qui a rendu célèbre un parc public d'une ex-colonie britanique ?

    • Louis Cormier
      Louis Cormier
      il y a 14 ans
      Re : Encore les races !
      Salon de la race... le dernière personne ayant utilisée cette expression pour désigner le Salon Bleu était Maurice Duplessis, dans les années 30-40 et il faisait référence à la race canadienne-française, bien avant l'avènement du mot "Québécois".

      Cette désignation n'a rien d'officielle et rappelle un passé que "nous" québécois de souche identifions - à tort ou à raison- de Grande Noirceur.

      Votre commentaire me lève le coeur et démontre un manque total de connaissances historiques...



      > >Ces formations ont lieu les mardis matins, au Salon de la Race...
      >
      >
      > Une autre preuve du racisme des québécois!
      >
      > Y a-t-il un panneau à l'entrée, avec une inscription équivalente au fameux "Interdit aux chiens et aux chinois", qui a rendu célèbre un parc public d'une ex-colonie britanique ?

  3. Halak
    Me
    La meilleure formation continue est de lire les commentaires de Me. Ses paroles sont toujours tellement profondes et remplis de vérité. Nous serons tous de meilleures avocats et avocates si nous mettions en pratique ses conseils.

  4. Claude Dulac
    Claude Dulac
    il y a 14 ans
    Formation des députés
    Formation des députés nouvellement élu ; qui offre le cours? y-a-t-il un syllabus?
    Est-ce que comme député adéquiste, votre formation politique vous a offert en plus pour le travail partisan?
    Qui choissait le personnel dans le comté et à l'Assemblée nationale?

    Le rôle du député face au préfet de discipline du parti (Whip)?

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