Formation continue: des cours de théâtre reconnus par le Barreau!
Céline Gobert
2012-06-29 15:00:00
Non, ce n’est pas pour les besoins d’une pièce de théâtre, mais bien pour obtenir des crédits dans le cadre d’une formation continue approuvée par le Barreau!
« Il y a une certaine théâtralité dans la pratique de l’avocat », explique le metteur en scène Gordon McCall, bien connu pour avoir occupé le poste de directeur artistique du Centaur Theatre Company pendant dix saisons.
« Beaucoup d’éléments théâtraux sont en jeux, dans une situation de litige ou dans un tribunal », explique-t-il.
Et, c’est en discutant avec la notaire Lauren Tatner, actrice à ses heures et passionnée de théâtre, qu’il a eu l’idée de ce programme qui mixe art et affaires.
« J’avais suivi des ateliers de théâtre avec lui, et en tant que notaire je possède une formation juridique- confie-t-elle, à l’issue de trois heures d’exercices- c’est donc avec plaisir que j’ai accepté sa proposition de le rejoindre sur ce projet. »
Un projet qui a, par ailleurs, demandé dix ans de maturation au metteur en scène.
Aujourd’hui, plus de doute pour Mr McCall: l’avocat est un acteur.
En effet, que ce soit en salle d’audience ou au cours d’une négociation, l’avocat est amené tôt ou tard à revêtir un masque, une posture, une attitude. Comme un comédien sur une scène.
Mener une plaidoirie ? Négocier un contrat ? Résoudre un litige ? Cela nécessite des techniques bien précises, selon le metteur en scène.
Des techniques qu’il a bien l’intention de leur enseigner dans le cadre de ce programme atypique.
« Dans une salle d’audience, l’avocat est comme sur scène. Leur public, ce sont le juge et le jury. Tous n’ont pas conscience de l’importance de leur interprétation. Le jury observe l’avocat bien plus qu’on ne le croit. Souvent les avocats sont tellement impliqués dans leur plaidoirie qu’ils ne voient pas ce qui se passe autour d’eux. »
Coup de théâtre
Deux avocates sont venues se prêter au jeu aujourd’hui.
« Je fais beaucoup de négociation, explique Me Catherine Lechter Koren, conseillère juridique chez Holiday Group Holdings, et cela m’intéresse de savoir comment je parais. »
Par hasard, elle entend parler de ces cours de théâtre. C’est la première fois qu’elle s’essaie à la comédie.
« Mon fils fait du théâtre, je me suis dit : si lui peut le faire alors je suis capable d’essayer ! » plaisante-t-elle.
La deuxième, qui souhaite garder l’anonymat, a bien conscience de la nécessité pour l’avocat d’être capable de projeter une image adéquate.
« Nous sommes les représentants de nos clients, et du système judiciaire. Cela demande un certain ton, une certaine crédibilité. D’ailleurs, je dis très souvent à mes stagiaires que j’envoie à la Cour : « Faites comme si vous étiez un acteur ! », déclare-t-elle.
Ce qu’elles souhaitent, avant tout, c’est de pouvoir en apprendre davantage sur elles-mêmes, via des exercices de posture, d’intonation, de découverte de soi.
Ainsi n’hésitent-elles pas, durant ces quelques heures, à analyser leur démarche, crier face à un mur afin d’apprendre à porter leurs voix, narrer face à l’audience un moment charnière de leur existence, ou se mettre dans la peau d’une experte en archéologie ou en cuisine asiatique.
« Best lying is best acting ! », lance Gordon McCall, convaincu que c’est l’attitude qui change tout.
A l’écran, alors que des images de comédiens et de pièces de théâtre défilent, le metteur en scène prodigue ses précieux conseils.
« Beaucoup de choses passent par le langage corporel et tout ce qui est non verbal. L’apparence, la façon dont on se présente, la tenue vestimentaire en dit beaucoup sur la personnalité de quelqu’un. »
L’avocat doit donc être en parfait accord avec l’image, publique, qu’il renvoie.
Ses conseils ? Savoir rire de soi-même, être capable de montrer sa vulnérabilité, pouvoir mêler une attitude spontanée avec le talent de raconter une histoire, comprendre que le choix de tel ou tel mot plutôt qu’un autre en dit long sur qui nous sommes.
« J’ai rendez-vous avec les Ressources Humaines du cabinet Stikeman », confie-t-il, enthousiaste face à la possibilité d’étendre son projet au sein même des cabinets d’avocats.
Un projet parmi d’autres projets (écrire une libre adaptation d’Alice au pays des merveilles par exemple), pour un homme bouillonnant d’idées, passionné, et qui a trouvé chez les avocats de parfaits cobayes à coacher.