Carrière et Formation

Oser se lancer!

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Camille Dufétel

2023-11-30 14:15:00

Une avocate qui a fondé son cabinet il y a plus de 30 ans encourage les jeunes qui le souhaitent à « plonger » et à lancer le leur…
Johanne McNeil. Source: Site Web de Johanne McNeil avocate
Johanne McNeil. Source: Site Web de Johanne McNeil avocate
Me Johanne McNeil, Barreau 1993, a ouvert son propre cabinet à Québec il y a de cela un peu plus de 30 ans, au lendemain de son assermentation. Ancienne bâtonnière du Barreau de Québec, en 2016-2017, celle qui se dédie au droit autochtone et au droit des affaires est accompagnée depuis ses débuts par son adjointe, Nicole Landry.

L’avocate, qui a siégé plus de dix ans au Comité sur le droit en regard des peuples autochtones du Barreau du Québec, dont elle a assuré la présidence quelques années, et qui a donné beaucoup de conférences et de formations sur les sujets touchant le milieu autochtone, estime qu’il ne faut pas hésiter à fonder son propre cabinet si on en a le souhait.

Elle partage à Droit-inc ses conseils aux jeunes avocats, tout en revenant sur son parcours.

Ça ressemblait à quoi, de fonder son cabinet il y a trente ans? Pensez-vous que c’est plus difficile aujourd’hui?

Les difficultés d’aujourd’hui, j’imagine qu’elles sont les mêmes. Il faut prendre la décision de le faire. Quand j’étais étudiante au Barreau après mon droit, j’avais déjà eu un autre baccalauréat, j’étais donc dans la trentaine et j’avais déjà décidé que j’ouvrirais mon cabinet.

Avec Nicole, on s’est acheté des meubles, on a eu de l’aide pour les monter et on a commencé comme ça! Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre.

J’ai tout fait: du droit civil, du droit carcéral, du droit administratif, de la propriété intellectuelle… Des types de droit qui me donnaient du travail. J’ai plongé. On a travaillé très fort avec Nicole, qui était là dès le premier jour. Ce cabinet, c’est nous deux depuis trente ans. Je n’y serais pas arrivée si elle n’avait pas été là.

La clientèle était au rendez-vous dès le début?

Oui, ça s’est fait relativement rapidement. Je voulais donner une image positive et accessible de l’avocat, ç'a toujours été ma façon de faire. Ce que je trouvais difficile au début, c’est que les clients pensaient que j’étais meilleure que je ne l’étais! Mais même en étant en solo, j’avais des amis, des collègues avocats, et on se donnait des conseils.

Nous étions quand même seules parce qu’au début, nous ne savions même pas comment plier une procédure. On en rit aujourd’hui! En tout cas, on a travaillé très très fort durant un gros trois ans, je dirais.

Qu’est-ce qui vous a paru le plus difficile au départ? La charge de travail?

Au départ, c’était ça, vu que je prenais tous les mandats… Rapidement, au bout d’un an, je me suis dit qu’il fallait que je me spécialise dans un seul créneau. C’est devenu le droit autochtone et le droit des affaires.

Et alors, aujourd’hui, que diriez-vous à un jeune avocat ou une jeune avocate qui hésite entre lancer son propre cabinet ou travailler dans un grand bureau?

Je n’ai jamais travaillé dans un grand cabinet, même si j’ai eu des offres à un moment donné, mais je connais des jeunes qui étaient dans un grand cabinet, qui hésitaient à se lancer et qui sont venus me rencontrer. Ils ont fondé leur cabinet et ça fonctionne bien.

Je pense qu’il faut se faire confiance. C’est à chacun de choisir le moment opportun. Ce qui est important quand on ouvre son cabinet, c’est de trouver des clients, savoir avec quels types de clients et quels domaines de droit on est à l’aise, et aussi savoir compter! Les finances, il faut les faire chaque mois. Nous, on les faisait à chaque mois et j’avais à chaque fois un objectif de monter ce qui était atteint.

Une autre chose avec laquelle j’ai été rigoureuse, ce sont les comptes à recevoir. Plus de trente jours, je n’acceptais pas ça du tout. C’est ce qu’il faut faire, je pense.

Vaut-il mieux selon vous au départ proposer des mandats dans des domaines de droit variés puis se spécialiser davantage, quand on se lance en solo?

Pas nécessairement. Tant mieux si la personne qui se lance en solo sait déjà ce qu’elle souhaite faire. Mais certains font différents types de droit et c’est très bien aussi!

Comment peut-on se démarquer?

Il faut avoir de bons clients et faire un bon travail. Leur confiance est importante. Ce sont ces clients qui t’en amènent d’autres.

Une autre chose que j’aimerais dire aux jeunes, c’est que quand j’ai eu des dossiers beaucoup plus difficiles, j’ai déjà engagé des avocats. Il ne faut pas hésiter à le faire.

Donc, vous pensez qu’il faut oser se lancer en solo si on en ressent l’envie?

Si c’est ce que la personne souhaite, oui! Il faut plonger et apprendre à nager!

Qu’est-ce qui vous a menée, dans votre cas, à vous dédier au droit autochtone?

J’ai toujours aimé voyager, me promener… Avant le Barreau, je suis allée au Pakistan, en Chine, etc. J’étais très ouverte à voyager au Québec. J’avais eu un cours à l’université en droit autochtone et j’avais trouvé ça passionnant. J’avais bien aimé aussi le droit constitutionnel. Un jour, une femme Attikamek est venue me voir pour une affaire, mon premier contrat concernait un transport entre Wemotaci et La Tuque. Je pense même que j’ai conservé le document!

À l’époque, on ne parlait pas beaucoup de droit autochtone?

Pas du tout! C’était méconnu.

Vous avez siégé sur le Comité sur le droit en regard des peuples autochtones, pouvez-vous revenir sur cet engagement?

C’est un engagement que j’ai eu toute ma vie, j’espère, et que j’aimerais continuer sous une forme différente dans le futur, mais je ne sais pas encore laquelle. J’ai beaucoup aimé cette période, on sensibilisait les gens notamment concernant les femmes disparues, et ça donnait la possibilité d’en parler et de prendre des actions.

En étant bâtonnière, mon but premier était de familiariser les gens avec le milieu autochtone. C’est ce que j’ai fait, avec différentes activités et conférences, en invitant des chefs autochtones, etc.

Vous avez aussi toujours fait du droit des affaires?

Oui, toujours. J’ai aussi fait du droit des affaires avec des personnes autochtones, par exemple qui construisent des scieries. J’ai eu de très beaux dossiers.

Le droit des affaires, je l’ai également enseigné aux jeunes qui lançaient des entreprises à Québec. Moi-même, je suis impliquée comme actionnaire, par exemple chez Fleuriste Mc Neil.

Comment avez-vous vécu ces trente années? Quels ont été les bons côtés, les mauvais?

C’est passé trop vite. C’est ce que j’ai moins aimé! Mais j’ai toujours eu du plaisir à travailler. Les clients m’ont apporté beaucoup, j’ai des amitiés aujourd’hui dans mes clients.

J’ai eu des périodes avec beaucoup de travail, quand on était dans la revendication des droits ancestraux, c’était l’époque du fax et le fax roulait tout le temps! On recevait des tonnes de procédures. C’était plus difficile en termes de capacité de travail. Après, j’ai pris un rythme plus sain.

Que vous souhaitez-vous pour la suite?

Avoir toujours du plaisir! Prendre ça avec calme et philosophie. C’est certain que j’ai commencé un ralentissement. L’important, c’est de prendre ça au jour le jour…
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