Séance ciné : maternité et pêche au saumon

Céline Gobert
2012-03-23 17:00:00
Source d’inspiration pour : les avocats et avocates futurs parents, ou comment il faut s’attendre au pire

Dans Un Heureux Evènement, il filme la maternité en deux temps : d’abord, les idéaux des conceptions communes ; ensuite l’horrible réalité. Le rêve et l’idée, avec imagerie colorée et rythme comique effréné, violemment écorchés par le monde réel, terne, désenchanté.
Soit Barbara, incarnée par une Louise Bourgoin fascinante, jeune femme amoureuse, enceinte jusqu’au cou, et qui- comme tout le monde- croit que devenir mère, c’est que du bonheur. Paisible comme les flocons de neige au-dehors. Evident, comme le trait sur un test de grossesse. Logique, comme les manuels de philo qu’elle ingurgite pour percer les arcanes d’autrui. Sauf que non.
A une sublime séquence de drague via des jaquettes DVD et une première partie construite sur les fantasmes sociaux de la maternité, se succèdent les désillusions : Nicolas (Pio Marmai) n’est pas le mec parfait, les bouleversements corporels, identitaires et psychologiques annihilent la joie du départ, la maternité c’est neuf mois de solitude, de mains médicales et froides posées sur un corps bouleversé, une vulnérabilité à fleur de peau… et mille doutes à la minute.
Un chiffre qui fait peur, aussi : 20 à 25 % des couples se séparent dans les premiers mois après la naissance du bébé. La bonne idée de Bezançon ? Ne jamais sacrifier la fraîcheur de ton face à la noirceur du propos. La vraie réussite du film ? Jouer admirablement bien sur les deux tableaux.
A l’aise face au comique, au dramatique et à l’intime, le cinéaste livre des séquences d’une puissance incroyable, comme celle de l’accouchement d’une crédibilité rarement égalée- et malmène corps et cœurs avec tout autant de candeur … que de cruauté. Un paradoxe qu’il rend, tout du long, hautement cinématographique.
P comme Poisson
Pour les avocats en crise, ou comment la pêche devient un moyen comme un autre de retrouver ses véritables aspirations

Flirtant avec le soporifique et le mélo lourdingue par instants, son nouveau film n’est pourtant pas à jeter à la poubelle, la magie opérant surtout grâce à une poignée d’acteurs irrésistibles : Emily Blunt, Ewan McGregor et Kristin Scott Thomas.
Qui plus est, le pitch, adapté du roman éponyme de Paul Torday, dévoile une intrigue singulière où plusieurs protagonistes s’emploient, chacun pour des raisons différentes, à introduire la pratique de la pêche au saumon au Yémen. C’est souvent cocasse, drôle, et léger. Hallström parvient à créer une alchimie crédible entre ses comédiens, transcendant par là même une mise en scène figée, un peu à distance des émotions qu’il défend.
Du coup, c’est en prenant le spectateur à contre-pied qu’il parvient à surprendre: s’il y a happy end, il est amené avec beaucoup de douceur. Mieux : le cinéaste parvient à nous faire souhaiter la fin heureuse, tant il a rendu ses personnages attachants. Chose rare.
Tout du long, il souhaite prendre son temps. Tranquille lorsqu’il filme les étendus verdâtres de l’Ecosse, la pluie londonienne et les déserts yéménites. Posé, lorsqu’il amène progressivement une inévitable love story sur fond de mariage raté et de destins menacés.
Hallström surprend donc, positivement, plus dans la retenue qu’à l’accoutumée, plus mature aussi. Son film, s’il ne révolutionnera en rien une filmo qui ronronne quelque peu (mais chacun ses goûts), a au moins le mérite de briller par sa délicatesse, quelque part entre fulgurances comiques et plages de romantisme.